La peur virtuelle et réelle du coronavirus plonge la communauté internationale et nationale dans une psychose qui ne dit pas son nom. L’ampleur inquiétant de la pandémie dans le monde et les quelques cas rencontrés au Bénin, ont poussé le gouvernement à durcir les mesures de prévention. Ainsi, le comité gouvernemental de suivi de la pandémie s’est réuni sous l’égide du Chef de l’État le Président Patrice TALON pour décider de l’isolement d’un certain nombre de villes supposées les plus exposées au COVID-19. Cet état de chose passe par l’installation d’un cordon sanitaire pour limiter au strict nécessaire la circulation des personnes à l’intérieur de ces villes et une anticipation sur la période des congés de pâques afin de contraindre les apprenants de tout ordre ainsi que les enseignants à rester chez eux. On s’aperçoit donc au regard de ce qui se passe dans le monde, que la mise en place d’un cordon sanitaire, la limitation des déplacements à l’intérieur du pays et le fait de rester chez soi pour éviter la propagation ou la contamination du coronavirus constituent, qu’on le veuille ou non, une stratégie de confinement. Son but est de réduire le nombre de cas et de permettre aux professionnels de santé de gérer au mieux cette pandémie au regard des moyens dont dispose le pays. On dit souvent « à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ». Sur cette base, le gouvernement du Président Patrice TALON a le mérite de l’esprit d’anticipation et le souci de la préservation de ses gouvernés. Mais une question demeure dans l’esprit du spécialiste que je suis : quels sont les risques psychologiques du confinement sur la santé mentale de la population dans un contexte de non préparation à faire face à une crise sanitaire majeure comme celle que nous vivons actuellement ?
Avant de tenter d’apporter des réponses à cette question, il me plaît de rappeler le contexte inquiétant du phénomène. En réalité, dans cette crise sanitaire majeure que vit le monde entier, il ne nous est pas facile de nous retrouver dans la masse d’informations vérifiées ou non à laquelle nous sommes confrontés quotidiennement. Ces informations véhiculées surtout par les réseaux sociaux et une certaine presse, alimentent de plus en plus la psychose de la pandémie. Or, cette psychose apparaît comme une maladie qui pourrait être plus dangereuse que le COVID-19 lui-même. Ce contexte ajouté au confinement impliquerait les pertes de contact avec le monde extérieur et au contexte d’absence total des moyens de divertissements, influeraient à coup sûr la santé mentale de la population béninoise dont la quotidienneté était autre que ce qu’elle vivra dans quelques heures. En réalité la situation que vivra les populations des villes exposées au COVID-19 au Bénin sera inédite au regard des effets psychologiques. Au rang des effets psychologiques, il y a la peur d’être malade ou la hantise de contaminer d’autres personnes. De plus, ce procédé pourrait déclencher chez les populations un tableau clinique fait : d’irritabilité, de troubles de l’humeur, de stress, de fatigue émotionnelle, d’anxiété, d’insomnie, de colère, de dépression, de détresse psychologique etc. Par exemple, il a été démontré que les troubles de l’humeur et d’irritabilité sont souvent observés chez les personnes manifestant de l’ennui, de la frustration et de l’isolement social. Qu’on le veuille ou non, les mesures de l’Etat béninois pour la prévention contre la pandémie sont des situations « désagréables et stressantes ». Nous pouvons observer dans les ménages fragiles, des risques de comportements agressifs dus au long séjour à la maison. Ce qui peut aggraver les situations de ‘’violences conjugales ou familiales ». Cette période de restriction va contribuer à l’aggravation de la fragilité psychologique de la population. Personne ne peut dire l’issue de la pandémie. Dès lors l’angoisse de la contamination ou de la mort par le coronavirus hante les esprits et s’accentue plus quand on est en enfermement chez soi d’autant plus qu’on ne sait pas quand la situation prendra fin. Dans ces conditions, l’individu ressent une forme d’impuissance ne pouvant rien faire. Or, dans cette période de crise, chacun de nous doit prendre la responsabilité de ses actions et de sa vie en respectant les mesures idoines contre le coronavirus.
Ainsi pour mieux vivre la période décrétée par l’État béninois, nous devons mieux choisir nos interactions et nos émotions. Les émotions ont le pouvoir de nous contaminer ; car, ce sont nos pensées qui génèrent nos émotions. Pour maintenir l’équilibre émotionnel, nous devons commencer par avoir des pensées positives et mieux sélectionner nos relations. Il faut que l’Etat béninois trouve des moyens possibles de divertissement pour la population même en interdiction de circuler. Il faut que les médias revoient leurs programmes de façon globale et de façon spécifique pour contribuer à l’évasion mentale des masses populaires dont l’insociable sociabilité peut pousser au rejet de toute information, voire de tout symbolisme de l’autorité. Il faut en bref qu’il y ait plusieurs initiatives pour ne pas succomber à la psychose. Pour bien traverser cette période de crise sans précédent, il faut que le gouvernement du Président Patrice TALON mettre à contribution en urgence tous les psychologues du pays, afin que chaque citoyen béninois puisse bénéficier des consultations psychologiques et des suivis spécialisés. Évitez de s’exposer aux informations parfois erronées sur la pandémie, à l’exception des conseils du gouvernement ; ne pas céder à la panique en cas de symptômes ; essayez juste de signaler le cas pour sa prise en charge car la maladie peut être guérie en quelques jours ; ne pas se regrouper ou se flâner dans la rue ; limitez les déplacements inutiles ; etc. Enfin, l’État doit énoncer les règles claires de pédagogie sur l’objectif des différentes interdictions y compris les dernières mesures du 23 mars 2020 ; sans toutefois omettre une prise en charge psychologique de ceux à qui reviendrait la lourde responsabilité de faire respecter les décisions.
Dr. Michel M. MEHINTO, Psychologue Clinicien et Psychothérapeute.