Je ne vous le cache pas. J’ai de l’admiration pour l’agilité intellectuelle de l’inénarrable Albert Tévoédjrè. A cette étape, je n’ai rien dit. Tout le monde est admiratif de l’intelligence du professeur. Ce sont les feintes du Maradona de la ruse politique qui dérangent, qui tracent les sillons de la controverse. Ses adversaires politiques, qu’il a si souvent ‘’dolipranes’’, conserveront de lui des souvenirs impérissables. Il n’est pas mon modèle à bien des égards.
Je ne suis d’ailleurs d’accord avec lui sur rien. Alors qu’il est à la retraite, je la lui souhaite heureuse d’ailleurs, un gros mot pour celui qui a toujours fait partie du paysage, c’est la sentence du général de Gaulle dans Le fil de l’épée qui me vient à l’esprit : « On connaît de ces gens impassibles qui passent quelque temps pour des sphinx et bientôt pour des imbéciles ».
Et de toutes les formules qu’il a pu forger, celle qui lui survivra absolument, est celle qui dit : « Pauvreté, richesse des nations ». Peut-être parce que c’est la moins creuse. Peut-être pas la plus séduisante. Alors même que le ci-devant n’a pas été avare de formules vides, vides de sens, vides de tout, celle là est éternelle. Succès garanti. Les Africains, qui ne s’alimentent qu’avec des concepts d’importation et n’adorent que des solutions de facilité, croient y déceler les marques de la générosité des occidentaux qui bientôt, déverseront sur nos cieux pauvres, une pluie de milliards. Erreur.
Au regard de l’état de la lutte menée contre le Sida au Bénin, où des programmes et unités focales de lutte contre la pandémie, qui prennent tous leur source au Palais de la présidence se sont multipliés comme des champignons, il y a de quoi sorti des clous de la page internationale et pousser un haut le cœur. La lutte contre le Sida est comestible, bien sûr ! Il y a à manger et à boire dans le Sida. Le budget national et les millions de dollars comme contribution de l’Onusida nourrissent les appétits. Le Président de la République, plusieurs ministres, celui de la santé, celui des bricoles président au banquet du Sida. Et tout va très vite, surtout les profits. Le Sida, lui ne bouge pas.
On invente des taux de prévalence qui dansent la valse, mais qui au fond, ne correspondent à rien. 35 millions de personnes vivent avec le Vih. 90% vivent dans l’hémisphère Sud où on manque de médicaments. L’Onusida se veut optimiste. Le nombre de personnes infectées serait en baisse. Des progrès sont incontestables, mais insatisfaisants. La réalité, c’est que le Sida fait moins de vague. Il tue désormais en silence. Les malades, eux, ne sont pas régulièrement fournis en antirétroviraux. Les orphelins du Sida peuvent toujours attendre. Leur malheur permet à un petit monde de cols blancs de se sucrer. Des personnes vivant avec le Vih, c’est une machine à sous. Tournez manège ! Chuuu !
A l’heure où j’écris cette chronique, où on célèbre la journée mondiale de lutte contre le Sida, il y a plein d’officiels à travers le monde qui font semblant de sonner la mobilisation contre le sida. Du pipeau intégral ! Et des discours faussement graves qui résonnent comme des pétards mouillés. Miroir aux alouettes.
Tout le monde n’a visiblement pas intérêt à ce que le Sida redevienne ce qu’il était encore il y a tout juste trois décennies, une maladie marginale.
Un filon, c’est comme une équipe, on ne l’abandonne tant qu’il permet de gagner de l’argent, beaucoup d’argent, par milliards. Beaucoup de gens n’ont aucun intérêt que la lutte s’arrête un jour. Le vaccin, c’eut été une catastrophe pour les superstructures planétaire dédiées à la « lutte contre le Sida » et à l’industrie pharmaceutique qui en a fait une branche de développement. Des chaînes de production sont montées pour approvisionner le monde en préservatifs et en molécules destinés à contenir la maladie du siècle. Une supercherie. Le virus du Sida à des siècles devant lui comme un boulevard. La lutte pour éradiquer le Sida, il vaudrait mieux ne plus y penser.
La lutte contre le sida est une source de richesse pour quelques-uns. Ceux qui ont la charge de mener la lutte. Il n’y a qu’à apprécier le folklore des affligeants programmes, faits de distribution de préservatifs et de tricots imprimés, au cours de séances de sensibilisation rabattues où circulent les mêmes éléments de langage, les mêmes festins gargantuesques offerts par des services traiteurs grassement rémunérés. Ils doivent généralement ensuite, sous les tropiques, verser des retro-commissions et de colossales commissions. C’est harassant de lutter contre le Sida !
Peut-être avons-nous trahi l’idée qui se cache derrière le concept : « Pauvreté, richesse des nations ». Maintenant que Albert Tévoédjrè est à la retraite, qu’il ne s’immisce plus dans tous les débats de la République et qu’il ne nous ennuie plus avec ses formules à la con, il faut qu’il vienne nous expliquer comment la misère humaine des personnes vivants avec le Vih, est-elle devenue une richesse pour ceux qui ont la charge de lutter contre la maladie ; et accessoirement à comprendre la contradiction de la pauvreté qui, au lieu d’être la richesse des nations pauvres, devient exclusivement la richesse des riches. Expliquez-moi monsieur. Assurément compliqué. Mais assurément urgent. Il est urgent de mettre fin à tout malentendu.