Avant tout, il est important de rappeler que le Covid-19 est une maladie réelle, fortement contagieuse et létale. D’ores et déjà, des dizaines de milliers de personnes (plus de 75.000) à travers le monde sont décédées de cette maladie qui n’épargne aucun continent et presqu’aucun pays. Les Africains, pas plus qu’aucun groupe humain, n’ont de protection « naturelle » contre cette maladie. Le défi que le Covid-19 pose aujourd’hui au continent est certainement l’un des plus sérieux auxquels il ait été confronté dans sa longue histoire faite de souffrance et de résistance. Toutefois, il n’y pas lieu de céder à la panique, au fatalisme et aux déclarations apocalyptiques. Si nous nous organisons pour combattre cette maladie, nous pourrons en limiter très fortement la létalité et épargner les populations africaines des conséquences désastreuses que les cassandres de tout bord s’activent à prédire. C’est possible. Ce n’est pas parce que nous sommes Africains que nous allons nécessairement échouer.
A cet égard, il faut tout d’abord noter que la courbe ascendante a déjà été inversée dans plusieurs pays grâce aux efforts des autorités locales pour endiguer la maladie. Les pays les plus affectés tels que la Chine, l’Italie, ou l’Espagne sont en train de sortir de la pandémie. D’autres tels que l’Allemagne ou la Corée du Sud ont contenu, dès le début, l’expansion de la pandémie. Mieux encore, comme nous le verrons plus bas, la plupart des pays africains ont jusqu’à présent réussi à maintenir la mortalité due au coronavirus à un niveau très bas. Ceci, nous le devons certes à nos propres capacités organisationnelles, mais surtout à des facteurs spécifiques aux pays africains qui rendent très peu probable l’apocalypse annoncé par certains. C’est ce que nous nous proposons de démontrer ci-dessous.
Une faible mortalité africaine
Les chiffres montrent que même si la maladie avance à un rythme relativement rapide, la mortalité due au coronavirus est pour l’instant faible, voire très faible en comparaison du reste du monde, notamment l’Europe. En Afrique subsaharienne, notre voisin le Burkina Faso est l’un des pays les plus affectés après l’Afrique du Sud. A la date du 7 Avril, le Burkina a enregistré 384 cas confirmés et un total de 19 décès. Ce qui veut dire qu’un peu moins de 5% des personnes qui ont été atteintes ont succombé à la maladie. A la même date le Sénégal comptait 237 cas confirmés et 2 décès correspondant à moins de 1% d’issues fatales. Quant au Niger, il comptait 238 cas et 11 décès, soit, ici aussi, moins de 5% des cas. A titre de comparaison, la France compte 78.167 cas confirmés et 10.328 décès correspondant à plus de 13% des personnes affectées. Il est donc clair que la mortalité due au Covid-19 est de très loin plus élevée en France qu’elle ne l’est dans n’importe quel pays africain.
Pourtant, au regard des conditions hygiéniques et sanitaires au Burkina Faso ou au Niger par exemple et en raison de la faiblesse en équipements hospitaliers, on se serait attendu à une plus forte mortalité dans ces pays qu’en France. Or c’est le contraire qu’on observe. Ce qui, bien entendu, va à l’encontre des « prénotions » de bien d’observateurs, de scientifiques et d’hommes de la rue qui ne peuvent pas se faire à l’idée que la mortalité soit moins élevée en Afrique qu’elle ne l’est en France. Les chiffres et la réalité ont beau démentir leurs préjugés, ils tiennent mordicus à l’idée qu’une hécatombe est en cours ou le sera bientôt en Afrique. Ainsi, le journal Paris Match annonce plus de 400.000 cas en Afrique pour le début du mois de mai. Ce qui suppose une multiplication par 40 du nombre de cas d’ici une vingtaine de jours. Sans prendre des gants, le Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Gutterres, annonce à son tour des millions de morts. Ces sombres prédictions ont été reprise par Monsieur Mahamadou Issoufou qui, contre tout bon sens et sans crainte de se faire humilier, a avalisé ces chiffres ridicules.
Or, pour l’instant, le nombre total de décès en Afrique est de…489 !!! Pour qu’il y ait, disons 1.000.000 million de morts, il faudrait que ce chiffre soit multiplié par plus de 2.000 !!! et ce, dans les deux ou trois mois qui viennent car plusieurs essais pour le vaccin et pour un médicament efficace contre le Covid-19 sont actuellement en cours et pourraient aboutir dans ce laps de temps. Il faudrait aussi pour cela que nous restions les bars croisés sans prendre aucune mesure pour contenir la pandémie. Il faudrait encore que les chiffres montrent une croissance exponentielle de la maladie et surtout de la mortalité dans tous les pays africains. Or les chiffres ne montrent pas une croissance exponentielle de la mortalité, bien au contraire. Jour après jour, au Burkina, au Sénégal, au Niger et ailleurs en Afrique, les chiffres de la mortalité demeurent bas et même très bas. Bien entendu, quel que soit le niveau de la mortalité, nous ne devons pas nous en réjouir mais il faut être honnête et reconnaître que pour l’instant, les chiffres ne montrent pas une croissance vers des millions de morts.
Donc la question qu’on pourrait éventuellement se poser est la suivante : quelles sont les raisons pour lesquelles les chiffres de la mortalité due au coronavirus sont bas en Afrique alors qu’ils sont élevés en Europe ?
La plupart des raisons, à mon avis, relèvent de la démographie. Il ne faut pas chercher ces raisons dans des dispositions génétiques ou prétendument « raciales ». Les Africains n’ont rien de particulier dans leurs gènes ou leur esprit. Et d’ailleurs, les Européens non plus.
Je pense que la densité de la population doit jouer un rôle. Personne ne veut l’admettre et surtout pas les Européens, mais comme le rappelait récemment un article du Guardian, c’est l’Europe qui est surpeuplée, pas l’Afrique. Alors qu’elle est deux fois et demie plus petite que le Niger, la France compte plus de 65 millions d’habitants et une densité de population de 119 habitants au kilomètre-carré. Quant à notre pays, il comptera, d’ici la fin de l’année, plus de 24 millions d’habitants avec une densité de population de 19 habitants au kilomètre-carré soit 6 fois moins que la France. La France est aussi un pays de loin plus urbanisé que le Niger. Plus de 80% de la population française vit dans les villes alors que seulement 16% des Nigériens sont des citadins. Cette plus grande densité (et urbanisation) veut dire que les possibilités d’interactions et l’intensité des interactions entre Français, c’est-à-dire l’éventualité que des personnes entrent en contact physique et se contaminent, est beaucoup plus élevée en France qu’elle ne l’est au Niger, car cela veut dire que plus de personnes se partagent un espace plus étroit. Pour se donner une idée de la différence, il faut s’imaginer toutes ces populations nigériennes qui sont isolées et tous ces lieux d’où parfois les premières habitations se rencontrent plusieurs centaines de kilomètres plus loin. Rien de tout cela n’existe en France qui est un pays densément peuplé avec plus de 34.000 communes (on en compte 265 au Niger et un peu plus 12.000 villages) et sans partie désertique. La France est aussi un pays où les infrastructures et les moyens de transport sont extrêmement développés avec une circulation très dense des personnes et des biens. En conséquence, l’opportunité pour le virus de voyager y est beaucoup plus grande qu’au Niger.
Toutefois, la principale raison de la faible mortalité réside dans la jeunesse de la population africaine. L’âge médian en France est de 42,3 ans alors qu’il est de 15,2 ans au Niger (presque trois fois moins élevé qu’en France) et 19,7 ans en Afrique en général. En France, plus de 26% de la population est âgée de plus de 60 ans. Il faut d’ailleurs noter que ce chiffre est encore plus élevé en France métropolitaine puisqu’il inclut les populations d’outre-mer telles que Mayotte ou la Nouvelle-Calédonie, beaucoup plus jeunes et que cela contribue à fausser les estimations. Or la mortalité due au coronavirus est beaucoup plus élevée chez les personnes âgées qu’elle ne l’est chez les personnes plus jeunes. L’incidence de la mortalité due au coronavirus augmente avec l’âge. Elle s’avère plus élevée à mesure qu’on monte en âge. Il est donc facile de comprendre, dans ces conditions, qu’elle est aussi plus élevée dans une population au sein de laquelle le nombre de vieillards est plus grand.
Enfin, on peut évoquer la possibilité qu’une plus grande résistance se soit développée chez les populations africaines en liaison avec des affections similaires au paludisme ou peut-être encore en liaison avec l’usage élevé de la chloroquine jusqu’à une date récente.
Toutefois, il faut se garder de faire croire que les populations africaines sont « naturellement » protégées ou « naturellement » ou même « socialement » plus vulnérables. Certains facteurs peuvent jouer mais ils sont tout à fait relatifs. Ce qui est sûr, c’est que pour le moment les tendances d’évolution de la maladie, telles qu’elles transparaissent dans les chiffres, ne pointent pas vers « des millions de morts » en quelques mois. Nous avons tout lieu de croire que même si la pandémie perdure, elle ne durera pas assez longtemps pour faire des millions de morts avant qu’un vaccin et un médicament soient trouvés, s’ils n’existent déjà car l’efficacité de la chloroquine, qui fait ses preuves quotidiennement au Sénégal, un pays qui n’a enregistré jusqu’à présent que deux décès, semble suffisamment prouvée.
Toutefois, « il n’y aura pas des millions de morts » ne veut pas dire que la situation ne peut pas s’aggraver soit en raison de l’incompétence de nos dirigeants dans ce domaine comme dans d’autres, soit en raison de l’absence de moyens pour faire face à l’accroissement du nombre d’infections. Le nombre de lits de réanimation pourrait devenir insuffisant. Les médicaments pourraient venir à manquer. Les mesures prises pourraient ne pas être suffisamment rigoureuses ou suivies assez rigoureusement par les populations. Le personnel soignant, insuffisant en nombre, pourrait se trouver débordé.
Il faut donc dès aujourd’hui prendre des décisions telles que le renforcement strict des mesures de prévention et leur application rigoureuse par les populations, la généralisation du port du masque et de la distanciation sociale ainsi que du confinement, le renforcement en nombre des lits et autres équipements, ainsi que du personnel soignant. Nous pouvons tous être d’accord qu’il ne faut pas attendre que les choses s’aggravent pour prendre ces mesures salutaires. Il n’y a donc pas lieu d’être fataliste. Les êtres humains sont capables de s’adapter à toutes les situations. Jamais une pandémie ne sera suffisamment grave pour vaincre tous leurs moyens de résistance et tous leurs moyens d’organisation et d’innovation .
Il n’est, certes, pas à exclure, que des malthusiens dérangés dans leur esprit aient caressé le rêve de voir des millions d’Africains périr de la maladie pour enfin contenir la croissance de la population africaine, une véritable obsession chez Macron et bien d’autres sinistres sirs, mais il est peu probable que leurs désirs morbides soient jamais assouvis.