Le juge béninois, Angelo Houssou, à l’origine de l’ordonnance de non-lieu dans l’affaire d’empoisonnement du président Boni Yayi, se trouve à New York, où il est arrivé ce matin, en provenance d’Accra. Le juge a, dans un premier temps, été interpellé par des agents de l’immigration, qui lui ont signifié que son visa d’entrée aux Etats-Unis n’était pas valide. Récit de l’incroyable odyssée du plus célèbre des juges béninois.
Tout avait commencé quelques jours plus tôt, à Cotonou, où le juge se savait surveillé par plusieurs corps de la police béninoise. Le juge Angelo Houssou m’a appelé ce soir, à partir d’un numéro inconnu et m’a dit qu’il était gardé dans la zone de détention de l’aéroport John Fitzgerald Kennedy, à New York.
Quelques heures plus tôt, dans le but d’échapper à la filature dont il faisait l’objet depuis quelque temps, il avait gagné le Togo, en empruntant des voies détournées et en complétant son voyage par une traversée en pirogue, avant de se retrouver au Ghana, où il a pris un avion pour New York.
Sur son titre de séjour se trouvait bien évidemment le visa délivré il y a quelques mois par la représentation consulaire américaine à Cotonou. Il ne s’est donc posé aucun problème pour son embarquement, à l’aéroport international d’Accra-Kotoka.
En revanche, a son arrivée à l’aéroport John Fitzgerald Kennedy, le magistrat s’est vu signifier qu’il y avait «un problème» avec son visa, en référence à son annulation par l’ambassade américaine à Cotonou.
Le juge décline alors son identité, expliquant le contexte dans lequel il s’est retrouvé aux Etats-Unis -référence aux affaires de tentative d’empoisonnement et de coup d’Etat visant le président Boni Yayi, dans lesquelles il avait eu à se prononcer.
Réalisant qu’ils ont affaire à une personnalité de premier plan, les officiers des services d’immigration invitent alors prestement le magistrat béninois à déposer une demande d’asile, qui devrait être examinée dans les prochaines heures par les autorités américaines.
Contacté par Afrika 7, l’un des avocats du juge Houssou a assuré avoir pris contact avec des personnes clés et avoir «fait le nécessaire.» A l’heure de la publication de cet article, le juge est toujours retenu à l’aéroport JFK de New York.
Angelo Houssou avait déjà essayé de quitter le territoire béninois, peu après son ordonnance de non-lieu de mai 2013, dans laquelle il requérait la relaxe des prévenus dans les affaires de tentative d’empoisonnement et de coup d’Etat visant le président Yayi Boni.
Le voyage d’Angelo Houssou, qui s’apparente bien à une fuite du pays, intervient dans un contexte particulièrement tendu dans le système judiciaire béninois. Le 28 novembre dernier, l’Union Nationale des Magistrats du Bénin (Unamab) avait, dans un communiqué, exigé la cessation de la filature dont il faisait l’objet, depuis quelque temps, à Cotonou, ainsi que la mise en place d’un dispositif pour assurer la sécurité de tous les magistrats.
Le juge était également visé par une plainte des avocats du président Yayi Boni auprès de la Cour Suprême, pour «tentative illégale de sortie du territoire national» -claire référence à sa tentative de sortie du territoire national, en mai 2013, qui avait tourné court, avec à la clé une interpellation par la police béninoise et son assignation à résidence surveillée.
Ces derniers développements interviennent dans un contexte où la Cour d’appel de Paris s’apprête à se prononcer, ce 4 décembre, sur la demande d’extradition de Patrice Talon, le magnat béninois recherché par les autorités de Cotonou pour son rôle présumé dans l’affaire de la supposée tentative d’empoisonnement du président Yayi Boni.