Le 145ème invité de la rubrique ‘’sous l’arbre à palabre’’ du quotidien l’Evénement Précis a pour nom Isidore Gnonlonfoun, maire de la ville de Cotonou par intérim. Ancien ministre, ancien député et cadre de l’administration territoriale, Isidore Gnonlonfoun s’est entretenu avec les journalistes sur sa gestion de la ville de Cotonou de 2017 à ce jour. Dans un langage empreint de sincérité, l’invité s’est également prononcé sur l’actualité nationale, notamment les quatre ans de gouvernance du Président Patrice Talon, la lutte contre le Covid-19, etc.
Et si on en parlait
Quel bilan pouvez-vous faire de vos actions à la tête de la mairie de Cotonou ?
J’ai pris les rênes de la ville en tant que maire intérimaire dans des conditions très difficiles. Il fallait remettre l’administration municipale au travail, et lui insuffler un nouveau dynamisme pour la rendre plus performante afin de contribuer au développement de la Ville. A cet, effet, nous avons dû réorganiser l’administration municipale parce que, comme j’ai l’habitude de le dire, les ressources humaines constituent les capitaux les plus précieux sur lesquels il faut agir pour obtenir des résultats. Dans le contexte de la ville de Cotonou, première ville à statut particulier au Bénin, on peut dire qu’elle dispose aujourd’hui d’un cadre organique pour le suivi et l’évaluation de la carrière des agents avec un plan de formation. C’est un défi que nous avons relevé. Le terrain a été balisé pour que la prochaine mandature puisse véritablement se mettre au travail. Il y a eu beaucoup de dysfonctionnements que nous avons dû corriger. Aujourd’hui, le personnel est au travail. Si je prends le cas de la police municipale qui a été totalement reformée, elle n’était pas véritablement au travail. Il a fallu réveiller leur conscience, renforcer leurs capacités à travers la coopération décentralisée. Aujourd’hui, les agents de la police municipale sont présents sur le terrain et complètent les actions de la Police Républicaine. La police municipale et la Police Républicaine, dans la ville de Cotonou, se donnent la main pour résorber un certain nombre de cas d’incivisme, surtout avec l’appui du tribunal de première instance de Cotonou. Nous avons étoffé le personnel pour relever les défis de la ville de Cotonou. L’un des principes fondamentaux de la décentralisation est la gestion participative. Je pense que c’est un principe qui est respecté par le conseil municipal. Le Bénin a opté pour une vision vivante de la décentralisation. Un dispositif très bien articulé a été mis en place. A partir des quartiers, il y a le conseil des quartiers présidé par un chef de quartier. Au niveau des arrondissements, nous avons un conseil d’arrondissement présidé par un chef d’arrondissement. Le conseil de quartiers, en plus du chef de quartier, est composé des élus locaux. Au niveau de l’arrondissement, c’est l’ensemble des chefs quartiers plus les élus municipaux ressortissants de cet arrondissement. Donc, lorsque les préoccupations se posent au niveau de chaque quartier, elles sont analysées par le conseil de quartier qui, en dernier ressort, les remontent au niveau du conseil municipal. A ce niveau, l’ensemble de ces propositions est analysé et regroupé en actions avec la prise en compte des actions les plus importantes. Donc, lorsque vous prenez le budget de la ville de Cotonou, par exemple le budget en cours, les besoins exprimés par les populations depuis la base correspondent au plan de développement communal (PDC) deuxième génération que nous avions élaboré avec la participation des différentes couches socioprofessionnelles de notre pays. La société civile a été intimement associée à cela, si bien que Cotonou fait la différence. Ce PDC a été bâti véritablement à partir des préoccupations soulevées par l’ensemble des populations de la ville de Cotonou, y compris celles qui quittent les autres contrées pour Cotonou. Selon le dernier recensement, la ville de Cotonou compte environ 700.000 habitants et brasse par jour près de 1.300.000 personnes. Il y a un flux important des concitoyens d’autres communes comme Allada, Ouidah, Calavi, Porto-Novo pour venir à Cotonou à cause de l’accessibilité de la voie. Ce qui fait que Cotonou gère plus de problèmes dans la journée, bien que ceux qui viennent ne paient pas d’impôts dans la ville de Cotonou. Donc, ceux qui viennent faire leurs activités dans Cotonou compliquent la gestion de la ville, notamment en matière de mobilité urbaine. Malgré la mise en œuvre de l’entretien et la réhabilitation des feux de signalisation au niveau des carrefours, la circulation n’est pas encore totalement fluide. Aujourd’hui, le plan de circulation de Cotonou n’est pas stable, parce que la ville est constamment en construction. Vous constatez qu’il y a aujourd’hui le problème de l’asphaltage qui consiste à construire beaucoup de voies.
La mairie est-elle associée à la conception et à la réalisation des projets en cours dans la ville ?
Les communes sont des démembrements de l’Etat pour compléter les actions du gouvernement, pour rapprocher les services publics des populations. Par rapport à ça, nous sommes tenus de travailler main dans la main avec le gouvernement. Cotonou est gérée pleinement ou joue sa partition pour aider le gouvernement à accompagner les entreprises. Car, pour l’installation de ces entreprises, il y a un certain nombre de tâches qui incombent à la ville de Cotonou. Par exemple, Il faut aider à déguerpir les populations qui sont dans l’emprise de la voie et permettre aux entreprises de s’installer. C’est-à-dire, leur trouver des sites pour installer leur base. C’est vrai que le gouvernement veille sur les travaux mais au niveau de la ville, nous envoyons des équipes, surtout la direction des services techniques qui jette un regard sur tout ce qui se fait pour voir si les travaux qui sont en train d’être effectués répondent aux dispositions contenues dans les cahiers de charges. Par rapport à cela, la mairie de Cotonou est en permanence sur le terrain et même s’il y a des difficultés, nous intervenons directement pour aider les entreprises à mieux respecter les cahiers de charges à elles confiés.
Nous sommes en campagne électorale, lorsque vous êtes sur le terrain face aux populations, que leur dites-vous des réalisations qui portent la marque Gnonlonfoun ?
Sur le plan des infrastructures, tous les arrondissements de Cotonou ne sont pas pris en charge par les travaux d’asphaltage par exemple. Le 6ème arrondissement d’où je suis ressortissant qui est ma circonscription électorale, ne bénéficie pas du projet asphaltage. C’est le cas du 8ème, du 9ème et du 10ème arrondissement. Par rapport à cela, la ville continue de déployer ses efforts annuels en matière de reprofilage et de rechargement des voies. C’est-à-dire que des rues et des voies principales ont été rechargées et reprofilées pour faciliter une bonne circulation aux populations de ces arrondissements. Il y a certainement d’autres rues qui nécessitent ces reprofilages, mais les dispositions budgétaires ne permettent pas de prendre en charge toutes les rues de ces arrondissements. Donc, sur le plan des infrastructures routières, la ville continue de compléter ce que fait actuellement le gouvernement. Nous avons des problèmes d’assainissement qui constituent un travail quotidien et aujourd’hui, le gouvernement a mis en place un projet dénommé le Grand Nokoué qui regroupe les 5 communes que vous connaissez. Pour le balayage dans la ville, le gouvernement a pris en charge à travers la société de gestion des déchets solides. La ville continue de curer les caniveaux, de les entretenir et de ramasser les ordures. Là, ce sont des tâches récurrentes parce qu’aujourd’hui, on n’arrive pas à ramasser la totalité des ordures ménagères produites dans la ville car il y a un certain nombre qui se retrouvent dans les marais, qui se retrouvaient sur les berges lagunaires. Alors, c’est sous la pression et les directives du chef de l’Etat que les berges ont été aménagées. A partir de là, ceux qui déversaient les ordures sur les berges lagunaires se sont vus obligés de les déverser sur les artères de la ville. Ce qui nous a amené à avoir plus de travail et à redoubler d’ardeur pour surveiller ces artères et gérer au mieux le surplus de ces déchets. Quand vous prenez les alentours du marché Dantokpa, qui est l’un des points principaux qui génèrent des ordures, nous sommes obligés de veiller au grain et de suivre au jour le jour le ramassage de ces ordures. C’est le lieu de féliciter notre prestataire, la société Grassem, qui répond toujours à nos appels pour le ramassage des surplus de déchets. Il faut comprendre que lorsque nous avons dégagé les berges lagunaires, nous avons constaté qu’il y a une quantité importante de déchets qui se retrouvent sur les artères et sur les voies alors que ces quantités n’avaient pas fait objet de prévision budgétaire. Ça veut dire qu’il y a eu surplus de quantité, mais nous arrivons à les assumer. D’ailleurs pour arriver à payer ce prestataire, nous avons été obligés parfois d’aller à des collectifs budgétaires, parce que les prévisions initiales sont tout à fait dépassées mais il faut pouvoir tenir le prestataire pour accompagner le gouvernement. C’est dire qu’en matière de propreté intégrale de la ville, la mairie continue de mettre des moyens très importants, parce que ça constitue une part importante du budget. Annuellement, hormis le balayage, nous dépensons jusqu’à six voire sept milliards de FCFA pour l’entretien de la ville. Aujourd’hui nous avons un rôle à jouer. L’Etat fait un transfert de fonds, le fonds Fadec. Mais indépendamment de sa nature, les fonds propres de la mairie ont prévu réfectionner les écoles publiques maternelles et primaires. Sur ce terrain, je pense que nous avons fait beaucoup d’efforts. Nous avons prévu la réhabilitation d’une trentaine de modules de salles de classes dont plus de la moitié ont été réceptionnées. Nous avons réalisé et réfectionné des centres de santé, des maternités et construit de nouveaux dispensaires. Nous avons réfectionné les centres qui étaient vétustes. C’est dire que sur le budget 2019, beaucoup d’infrastructures sociocommunautaires ont été construites et réaménagées et je pense que la ville a fait à ce niveau des efforts très importants. A l’instar du gouvernement, nous n’allons pas produire des éléphants blancs et pour cela, tous les chantiers qui ont été lancés vont aboutir et nous sommes en train de prendre les dispositions nécessaires afin que les entreprises qui ont à charge ces chantiers puissent le faire dans les délais requis. Les populations bénéficiaires attendent ces classes et ces infrastructures et la ville s’emploie à répondre favorablement. Cependant, malgré les efforts du gouvernement, il y a toujours ce déficit de salles de classes dans les écoles et nous nous employons à réduire ce déficit aussi bien au niveau de l’enseignement secondaire, technique et professionnel, qu’au niveau de l’enseignement primaire et celui maternel. Avec ce que nous faisons, la ville a reçu des remerciements de la part de plusieurs associations de parents d’élèves. En fait, c’est de leur droit puisque c’est de par leurs contributions financières que nous arrivons à réaliser ces infrastructures. En fait, la gestion au niveau des communes, c’est la gestion de proximité, c’est essentiellement la gestion des urgences. Et les procédures au niveau des communes sont les mêmes au niveau de l’Etat central. Mais je pense qu’on ne peut pas exiger aux communes, la même procédure qu’au niveau de l’administration centrale. Au niveau de l’administration communale, ce sont des urgences. Je vous donne un exemple. Prenons le rond-point de l’Etoile Rouge. Si un arbre tombe là et bloque le passage, on ne peut pas attendre et aller faire une procédure, aller faire une quotation ou faire un appel d’offre avant de dégager cet arbre. Ça devrait nécessiter une régie d’avance pour ces urgences. La ville en avait. Je vous rappelle que j’ai été chef de la circonscription urbaine de Cotonou. Et en ce temps, la direction des services techniques avait un budget d’avance de 25 millions de franc cfa pour une durée de trois mois. Au fur et à mesure qu’on décaissait, on le justifiait et ça nous permettait d’intervenir très rapidement. Aujourd’hui, vous auriez pu constater qu’on prend plus de temps parce que les grogneurs ont estimé que quand ils signalent les disfonctionnements au niveau de la ville, nous ne réagissons pas. Nous prenons très bonne note mais nous prenons le temps de rassembler ces disfonctionnements, de faire un appel d’offre ouvert, avant de procéder à la correction de ces disfonctionnements. C’est pourquoi vous allez constater que cette année, sur toute l’étendue du territoire de la ville, nous avons réfectionné toutes les dégradations constatées sur les voies pavées. Ça a fait l’objet d’un appel d’offre ouvert. Vous allez constater par ailleurs que nous avons réalisé près de 7000 dallettes, parce qu’au niveau des caniveaux, au niveau des canalisations, il y a des dallettes qui ont été désagrégées et on a dû faire ces dallettes pour remplacer celles qui sont défectueuses.
Parlant de dénonciation, il y a cette histoire d’achat de véhicule aux chefs d’arrondissements, qui alimente la toile depuis quelques semaines. Qu’en est-il réellement de ce dossier ?
Pour les véhicules dont vous parlez, je ne voulais pas devancer les faits, mais vous m’envoyez sur une pente que je ne saurais esquiver.
En fait, quand nous avons pris fonction, notre premier chantier a été d’améliorer les conditions de travail. On a commencé par réfectionner les sièges des arrondissements dont la plupart ont été réalisés pendant la période révolutionnaire. Ce sont des bâtiments vétustes qui ne donnent plus les garanties nécessaires pour les services à la population. Pour plus de commodités aux CA, nous avons choisi de reconstruire carrément les sièges parce que les premières réfections que nous avons commencées n’ont pas donné des résultats vraiment reluisants. Nous avons alors décidé de reprendre la construction. Aujourd’hui, on a construit les sièges du 1er et du 3ème arrondissement. Au titre du budget 2020, nous avons la reconstruction d‘au moins encore 5 à 6 sièges, de sorte que d’ici l’année 2021, nous allons reconstruire tous les sièges des 13 arrondissements. Dans cette même foulée, il y a les moyens de déplacement. C’est des véhicules qui datent d’au moins 20 ans. Il faut pouvoir doter ces structures de moyens de locomotion adéquats. Les véhicules que les CA utilisent sont des véhicules amortis qui tombent fréquemment en panne. Nous avons décidé d’acheter de nouveaux moyens de déplacement au profit des chefs d’arrondissement qui sont des Adjoints au Maire, comme Cotonou est une ville à statut particulier, en plus des présidents des commissions. Nous avons lancé la commande de 16 véhicules. Ça a pris du temps. C’est des véhicules 4X4. On a dit que nous sommes à Cotonou, si on veut acheter des véhicules, que ça soit des véhicules assez solides. J’ai fait créer une commission qui est composée des chefs d’arrondissement et c’est un chef d’arrondissement qui la préside. J’ai dit : « allez faire la prospection, et choisissez le véhicule qui vous sied. » Donc ils ont pris l’option des véhicules 4X4 pour des questions de convenance. Le CA est considéré comme un Adjoint au Maire et doit circuler normalement à toute heure dans la ville. D’où la nécessité de disposer d’un véhicule de fonction. Il nous est revenu qu’avec les pick-up, c’est des plaques rouges. Donc à un moment donné, les CA ont orienté leur choix vers un autre véhicule 4X4 de sorte qu’ils puissent bénéficier de l’immatriculation plaque bleue. Les choses en étaient là quand la procédure a été lancée. Ça c’est depuis très longtemps, la procédure a souvent été reprise et nous avons décidé d’attaquer ce problème de fond. Si bien qu’en 2019, la procédure a été régulièrement lancée et devait aboutir fin novembre 2019. J’ai constaté que les véhicules ne venaient pas. Je ne connaissais pas l’entreprise qui a gagné ce marché. C’est à partir du moment où le délai de livraison était arrivé à terme et que je n’ai pas la livraison, que j’ai commencé par interpeler ceux qui ont gagné ce marché. Finalement, on a senti qu’on a envoyé 7 véhicules. Alors que nous avons donné une avance que l’entrepreneur doit cautionner pour qu’on soit sûr que si la commande n’aboutissait pas, on pourra récupérer les fonds publics. Donc à un moment donné, comme le délai était dépassé, on a prolongé le cautionnement pour trois mois auprès d’une structure d’assurances, parce qu’on sait que s’ils ne livraient pas les véhicules, à tout moment, l’avance qui a été payée, le Trésor public peut récupérer ses fonds. On en était là parce que le dernier délai, c’était pour la fin de ce mois (avril 2020). Donc à partir du 26, je pense que j’ai commencé par alerter pour que si les véhicules ne sont pas là, nous puissions procéder autrement. Le Trésorier payeur de la ville aussi m’a saisi par écrit pour dire que ça relève de la responsabilité de l’ordonnateur que je suis. Donc, il faut réaliser cette caution. Ça veut dire qu’on doit saisir la banque pour dire que si après le 30 avril tous les véhicules n’étaient pas livrés, eux ils peuvent mettre la main sur notre avance. Mais dans ce dossier, avant de lancer ces genres de choses, nous recueillons l’expertise de la Direction générale du matériel et de la logistique au niveau du ministère des finances, c’est-à-dire le Garage Central qui est la structure habilitée à gérer les véhicules de l’Etat central et des communes. Donc, quand ça s’est passé comme ça, nous nous sommes rapprochés d’eux pour avoir les précisions, parce que quand on a amené les 7 véhicules, au sortir de mon bureau le mardi après le lundi de Pâques, je suis allé voir sur le parc. Les véhicules que j’ai vus, l’aspect que ça me présentait, c’était comme des véhicules des enfants des bourgeois, les véhicules qu’ils prennent pour se balader dans les jardins. Je me demandais si véritablement ce sont des véhicules que nous avions commandés. On va confronter avec le contrat et les spécifications techniques. Mais déjà, lorsque nous avons jeté un regard, ce n’est pas encore ça. Mais les gens nous ont dit qu’il faut vérifier. C’est ce matin (jeudi 30 avril 2020) que j’ai envoyé mes collaborateurs vers la Direction générale de contrôle des marchés et le Garage central pour savoir quelle conduite tenir. Et eux ils nous ont dit que nous allons procéder d’abord à une réception technique pour voir si le matériel livré correspond aux normes contenues aussi bien dans les contrats que les spécifications techniques. Donc, nous sommes à cette étape-là de la procédure. Nous allons saisir les techniciens en la matière et ils vont venir examiner pour nous dire si ces produits correspondent véritablement à ce que nous avons commandé, et à partir de ce moment, on avisera.
Visiblement, vous œuvrez également pour l’amélioration des conditions de vie du personnel !
J’ai l’habitude de dire que j’ai quitté la ville. Je suis venu là en 1999 en tant que Secrétaire général, et puis Chef de la circonscription urbaine par intérim et je suis parti de là en 2003. L’effectif de notre ville n’était pas ce qu’il est aujourd’hui. Les infrastructures qui sont là ; le bâtiment central c’est moi qui l’ai initié et ça a été achevé par Dandjinou. Quand je suis revenu, l’effectif de la ville a grimpé. Mais les infrastructures d’accueil ne correspondent pas. Vous ne pouvez pas demander des résultats, vous ne pouvez pas confier des tâches à des agents s’ils ne sont pas dans des conditions normales pour pouvoir travailler. Aujourd’hui, on a un plan et c’est toujours la difficulté des procédures, sinon on aurait déjà réalisé sur un espace nos infrastructures connexes pour permettre d’abriter certaines commissions du conseil municipal et certains agents. Mais je pense que nous avons commencé par reconstruire quelques bâtiments, le registre foncier, la direction des études, de la prospective et de la programmation. Ces directions sont actuellement relogées. Mais il reste des locaux à construire pour permettre aux agents de la mairie de travailler dans des conditions normales. En attendant, l’existant qui est là est en train d’être réfectionné. L’ensemble de l’hôtel de ville aujourd’hui fait l’objet d’une réfection avec les commodités usuelles.
D’aucuns estiment qu’il y a des arriérés de salaire du personnel, qu’en est-il ?
Des arriérés de salaire ? Je ne pense pas. Il peut y avoir des moins perçus. Pour la fête du 1er mai, avec la situation du Covid-19, on a interdit les regroupements, mais on a échangé avec nos syndicats. Au cours de notre concertation, on a évalué ce qu’on a pu faire sur tous les aspects. On a consigné tout ça dans un cahier. On en a fait un protocole d’accord. C’est dire que nous avons initié un dialogue avec les travailleurs dans le sens de l’amélioration progressive de leurs conditions de vie et de travail. Ces arriérés datent de 2012. Aujourd’hui, les reclassements qui ont été récemment faits, c’est-à-dire, ceux qui ont changé de grade et ceux qui ont bénéficié des avancements au titre de 2019, on leur a signé des mandats qui portent les avantages dont ils bénéficient. Mais la recette perception n’a pas pu payer. Au niveau de la trésorerie, on a négocié. Ce n’est pas que la ville manque de trésorerie pour payer, mais il y avait certaines corrections à faire. Les moins perçus qui sont là aussi datent de longtemps. En réalité, il y eu beaucoup de formations qui ne correspondaient pas aux besoins de l’administration municipale. Aujourd’hui, la ville dispose d’un cadre organique qui clarifie quelles sont les compétences en formations, les profils, les compétences dont la ville de Cotonou a besoin pour répondre aux attentes des populations.
Que fait votre équipe pour assurer le suivi de l’opération libération des espaces publics ?
Quand on me parle des problèmes d’incivisme dans la ville de Cotonou, personnellement, je fais référence à la période révolutionnaire où tout le monde répondait. Mais on n’est pas allé jusqu’au bout. Et c’est pourquoi j’apprécie la rigueur du Chef de l’Etat. La discipline que le Président Talon veut imprimer dans le pays. La démocratie, c’est une bonne chose, mais il faut respecter les lois de la République. Je pense qu’à Cotonou, il y a eu beaucoup de déguerpissement, mais les populations ont toujours envie de revenir s’installer. L’effectif de la police municipale, c’est 116 agents. Au niveau de la police municipale, les agents ne sont plus dans les bureaux. Ils sont souvent dans les rues. Il y en a qui régulent la circulation au niveau des carrefours. Il y en a qui surveillent les infrastructures. Il y en a qui sont dans les environs du marché Dantokpa. Et cet effectif n’est pas suffisant pour couvrir l’ensemble du territoire de la ville. Je pense que si vous prenez certaines artères, en appui avec le commissaire central de la ville de Cotonou, on a essayé de maintenir le statu quo. C’est-à-dire que les gens respectent les déguerpissements qui ont été faits. Si vous partez de l’Etoile Rogue jusqu’au carrefour Unafrica, vous voyez qu’il n’y a plus d’installation au bord des voies. Quand vous prolongez vers Zongo, c’est autre chose. C’est une préoccupation quotidienne. Mais, la situation est nettement meilleure comparativement à l’ancienne au niveau de Zongo. Et nous pensons que progressivement, nous allons les discipliner. Par contre, quand vous allez vers le marché Dantokpa dans les environs de la pharmacie Les 4 Thérapies en partant du carrefour Lègba, la situation est très difficile. De sorte que nous avons dû renvoyer les vendeuses ambulantes. Parce que là aussi, je pense que le chef syndicat ayant pris conscience, nous a dit, si on déplace aujourd’hui les bonnes dames qui y font les activités économiques, il faut les reloger quelque part pour qu’elles puissent continuer à mener leurs activités. Parce qu’on sait qu’il y en a parmi elles qui sont pères et mères de famille. Il faut qu’elles rentrent à la maison pour que le papa puisse manger aussi. Je pense qu’on apprécie ce rôle-là et on a fermé des rues pour qu’elles puissent rester dedans pour leur propre sécurité. Aujourd’hui, la voie qui part du carrefour Lègba vers la pharmacie 4 Thérapies, est beaucoup plus circulante. A l’occasion du Covid 19, on a un peu à faire. Parce qu’il y a le problème de parking, les quelques parcs que nous avons aménagés n’étant pas respectés. Les conducteurs de minibus viennent toujours sur les voies. Ils veulent toujours faire des chargements hors parcs et on est obligé d’être derrière eux. Parce qu’à ce niveau-là, il faut que cette voie soit vraiment circulante parce qu’elle constitue ce que le Chef de l’Etat appelle des artères nobles.
C’est à ce niveau-là que nous avons des problèmes. Sinon, si vous prenez le boulevard St Michel, du carrefour St Michel il n’y a pas de problème. Si vous allez devant le marché Ganhi, nous avons également de problème là. Les femmes oublient de rester dans le marché et préfèrent venir rester sur la voie. Avec le préfet Toboula on a fait beaucoup de bruit. Avec le préfet actuel, Mr Codjia on en fait. On a pris des gens qui ont fait trois mois de prison. Ce sont nos mamans et c’est à titre pédagogique. Malheureusement, elles reviennent toujours. On fait un tour vers le marché Ganhi actuellement, ce n’est pas exclu qu’on trouve des femmes debout. On est obligé d’être derrière elles. Mais globalement, sur les artères principales, elles ont été dégagées. Les gens sont rentrés dans leurs maisons.
Le projet 3CI est toujours vivant ou l’asphaltage est venu le tuer ?
De toute façon, par rapport à la lutte contre les inondations dans la ville de Cotonou, nous faisons trois choses. Il y a des actions préventives, qui consistent à entretenir et à curer les caniveaux. Il y a des actions curatives. Pendant la saison des pluies, nous ouvrons des tranchées, nous utilisons avec l’appui des sapeurs-pompiers ou de l’Agence nationale de la protection civile les motopompes à grande capacité. On pompe l’eau et on ouvre des tranchées pour faire évacuer l’eau vers la lagune. On procède également à des assèchements. C’est surtout pour les établissements publics, surtout en période d’examen. On est obligé d’assécher et de mettre du sable pour permettre aux élèves de vaquer correctement à leur examen. Mais après cela, nous essayons de rétablir la circulation dans les quartiers en reprofilant et en rechargeant les voies. Nous n’appelons pas cela 3CI, mais c’est comme cela que c’est articulé. Mais le nom 3CI avait fait son temps. Parce que pendant qu’il pleut on sortait. J’ai vécu cela. Et qu’est-ce que nous pouvons contre la nature ? Pendant que la nature se déverse, on attend. Même avec les autorités supérieures, quand il commençait à pleuvoir, elles s’alarmaient. Et quand on voit l’eau, elles disent, mais qu’est-ce qu’on peut faire ? Il vaut mieux attendre. Avec le ministre Tonato, on est allé à Vossa où l’eau du Lac Nokoué inonde. Et on a croisé les bras pour attendre voir ce qu’on peut faire.
Même à Paris, il y a de l’eau sur la voie bitumée après la pluie. Mais, quelques moments après, l’eau est partie.
Quel bilan faites-vous de l’expérience béninoise en matière de décentralisation?
Je pense que si la décentralisation n’avait pas existé, il eut fallu la créer. La décentralisation a apporté beaucoup de choses. Certes, il y a encore des insuffisances. Mais je crois que c’est une expérience réussie. Parce que comme on le dit, le Béninois est toujours intelligent. Le législateur béninois a été très prudent. Il y a beaucoup de choses à corriger. Je veux donner l’exemple des autorités de tutelle. Ailleurs, il y en a plus. Parce que quand nous avons commencé, le maire est censé être un homme politique. C’est le secrétaire général qui est censé être le technicien qui maitrise les rouages de l’administration territoriale. Comme je le disais, nous sommes dans un État unitaire. Les communes ne constituent pas des États dans l’État. Les communes sont des démembrements de l’État. À partir de ce moment, toutes les actions que les communes posent doivent se retrouver dans la politique générale définie par le gouvernement, par le Chef de l’État qui est le seul élu de la Nation. D’où la nécessité de la présence de l’autorité de tutelle. L’autorité de tutelle est là pour conseiller, pour aider et non pour bloquer, et non pour prendre, à des moments donnés, la place de l’autorité communale.
Il y a eu des dysfonctionnements de ce genre. Et j’ai dit qu’il faut s’arrêter et faire l’évaluation puis recadrer. Parce qu’au niveau même des textes de la décentralisation, je ne sais si c’est l’association des administrateurs civils qui l’avait fait, il faut que les autorités de tutelle soient des administrateurs territorialistes formés, pour un certain pourcentage. A un moment donné, le gouvernement ne respectait plus ce pourcentage. Tout le monde ne peut pas jouer le rôle de l’autorité de tutelle. Je peux vous donner l’exemple de l’actuelle autorité de tutelle de la ville de Cotonou qui est un pur produit de l’administration territoriale. Il a été sous-préfet. Il a été secrétaire général du ministère de la décentralisation. Il a exercé à la préfecture pendant longtemps. Donc, il maîtrise. L’autorité de tutelle est là pour aider. Aujourd’hui, on a des chargés de mission. En fait, les sous-préfets devaient garder leur position. Le législateur avait pensé que si on maintenait le sous-préfet pour contrôler et conseiller le maire, le sous-préfet va lui faire ombrage. C’est pourquoi on a préféré la dénomination «Chargé de mission» qui contrôle, qui conseille. Il a sous sa juridiction là où il y a plusieurs communes. Le cas de Cotonou est différent. Lorsque vous prenez le préfet de l’Atlantique, chaque chargé de mission a sous sa tutelle 3 ou 4 communes qu’il assiste, qu’il gère par rapport au contrôle de légalité. Donc le fait de supprimer le poste de Sous-préfet a été une avancée qui permet au maire d’exercer librement. C’est donc au niveau des autorités de tutelle qu’il faut une évaluation pour apporter certaines corrections pour que l’autonomie du maire soit une autonomie réelle. Même si c’est une autonomie locale.
Il reste la décentralisation fiscale et la décentralisation financière. Le gouvernement fait beaucoup d’effort, mais cela n’arrive pas à combler les attentes des populations. Mais, de part cette gestion de proximité, il y a beaucoup de services de base qui se sont rapprochés des populations. Quand je prends la commune de Ouinhi, elle est sortie complètement de l’ornière. On sent qu’elle a évolué de par les réalisations du Fadec. Personnellement, en tant que ministre de la décentralisation, j’ai eu une expérience que je souligne. Quand vous allez à Dassa, il y a le ministère qui devait construire le marché. Et puis après, il y a eu le projet PSDCC. C’est remplacé aujourd’hui par le projet ACCESS. Dans le projet PSDCC, les fonds sont envoyés et on a formé les villageois qui constituent eux-mêmes leur cellule dont j’ai oublié la dénomination exacte. Ils proposent un projet qu’ils veulent réaliser et on finance le projet. La communauté de Dassa a voulu réaliser le marché. Ils ont envoyé le projet. L’entrepreneur qui doit réaliser doit être une entreprise locale. C’est quelqu’un qui est de Dassa et connu par les populations. Ce n’est pas quelqu’un qui est venu d’ailleurs. Donc si vous allez là, vous allez voir le chantier ouvert par le ministère depuis l’administration centrale, qui est resté un éléphant blanc. Vous allez voir l’autre chantier que j’ai inauguré et qui a été réalisé en moins de 4 mois. Et c’est fonctionnel là aujourd’hui. Cela veut dire que la décentralisation permet de réaliser, de rapprocher, de mettre à la disposition des populations de façon beaucoup plus rapprochée, un certain nombre de services publics sociaux. Donc je pense qu’il faut encourager même s’il faut améliorer. Avec l’Association nationale des communes du Bénin, qui a sillonné toutes les communes pour recenser les dysfonctionnements en liaison avec la commission des lois de l’Assemblée nationale et le groupe d’amitié des communes au niveau de l’Assemblée nationale, je pense qu’on a recensé nombre de dysfonctionnements pour une relecture des textes de la décentralisation. Parce qu’aujourd’hui, le maire est élu de façon indirecte. Ce n’est pas comme en France où le maire est directement élu. Vous savez ce que cela a donné comme instabilité au niveau des conseils, au niveau des maires. Beaucoup de maires ont été déchus. Alors que si le maire était directement élu par la population, s’il ne commet pas une faute grave, une faute louche, les élus ne sont pas habiletés à le destituer. Donc il y a instabilité des maires au niveau des communes. C’est vrai que la situation a reculé un tant soit peu, mais ce n’était pas bon pour un développement durable de nos communes. Et puis il y a les procédures. On impose aux communes aujourd’hui les mêmes procédures de l’administration centrale. Les appels d’offre, ça prend énormément de temps. Il faut alléger les procédures, parce que quand nous rendons visite à nos communes sœurs de la France, les procédures sont très allégées. Quand on doit lancer un appel d’offre aujourd’hui, vous faites le projet, vous envoyez à la Direction nationale de contrôle des marchés publics pour obtenir «le bon à lancer». Quand vous lancez la procédure et que cela doit faire quarante-cinq jours, cela devient long. Alors qu’en France, au début de la procédure, le représentant de l’État siège à la commune et cela permet d’aller vite. Les maires réalisent vite et ils arrivent à combler les attentes de la population. C’est pourquoi en France, vous avez beaucoup de maires qui sont réélus plusieurs fois. Le cas que j’ai connu le plus, c’est le député maire de Créteil. Parce que Cotonou est en coopération décentralisée avec Créteil. Quand vous prenez ce cas-là, il est maire depuis près de cinquante ans. Et vous savez à un moment donné, la population cristolienne avait besoin d’une équipe forte et cela a fait l’objet de projet de société. C’est ça qui a amené Laurent Cathala à demander qu’on leur trouve des joueurs ici à Cotonou. Sèssègnon est parti d’ici pour aller à Créteil. Aujourd’hui à Toulouse, c’est le problème du transport en commun. Parce que si vous prenez votre propre véhicule, vous circulez, vous pouvez passer trois heures de temps sur la voie. Donc il faut le transport en commun, surtout le transport par métro. Le thème de campagne principal pour les élections municipales à Toulouse aujourd’hui, c’est cela. Parce que les gens désengorgent Paris et vont dans les autres villes qui finissent par être engorgées. Pour le cas de Toulouse particulièrement, j’ai suivi la campagne électorale sur ce sujet. Si vous passez à côté, la population a ce besoin-là. Et si vous arrivez à satisfaire ce besoin, elles sont là pour vous. Si vous ne le faites pas, vous allez tomber. Donc il n’est pas question de donner de l’argent, comme ici. S’ils n’ont pas de l’eau, ils n’ont pas l’électricité, vous aurez beau parler et bien vous allez descendre, un autre viendra.
Vous êtes candidat aux prochaines élections communales, dans le sixième arrondissement, comment préparez-vous ces élections ?
Moi je suis venu accidentellement en politique. Et quand j’y suis rentré, je suis resté. Je suis au sein de la population, je suis resté parmi les miens. Même en tant que ministre je n’ai pas de garde-corps chez moi, je n’ai pas de policier. Donc mon portail est toujours ouvert, je vais discuter avec les jeunes. D’une manière ou d’une autre, cela me facilite un peu la tâche. Mais notre pays étant ce qu’il est, il faut être souvent sur le terrain. Et à la veille des élections, il faut encore y aller. Donc nous allons continuer à rendre visite aux gens, à les saluer pour que l’UP puisse gagner.
Ah bon, vous êtes sûr ?
Très sûr.
La campagne est médiatique hein !
La campagne est médiatique mais il y a aussi la qualité des candidats. Même si les gens descendent une, deux ou trois fois dans le quartier, si vous sortez une nuit, vous allez tout balayer. Quand vous prenez la quinzième circonscription électorale, quel est le background de ces candidats qui sont sur le terrain ? Si quelqu’un vient, on ne le voit pas lui. Je prends le sixième arrondissement quand les gens voient certains candidats, ils disent : « vous là, vous étiez où ? » Il y a des anciens qui viennent les soutenir, il y a des députés qui viennent. On se connait. A Cotonou, de toutes les façons, l’UP sera majoritaire.
Vous êtes resté trois ans maire intérimaire, et vous avez pris goût au poste de maire. Est-ce que vous n’avez pas envie de reprendre ce fauteuil ?
Je n’ai pas fini ma mission. J’ai commencé un travail, il faut l’achever. Si les circonstances me permettent de le faire, ce serait une bonne chose. A priori je me bats, le maire est élu de façon indirecte. C’est quand on va finir de travailler, qu’on aura la majorité, qu’on va s’asseoir pour décider de qui sera maire. Le débat qui se mène aujourd’hui, selon moi, il serait indiqué qu’étant tous d’une même formation politique qu’on puisse mutualiser nos efforts, qu’on puisse se mettre ensemble, travailler pour avoir une majorité écrasante. Et quand on aura tué la bête, on va s’asseoir ensemble sous l’arbitrage des hauts dirigeants, pour décider de qui va prendre le pied, qui va prendre le rein… De toutes les façons, avec le Président Talon, chacun aura sa part.
Vous savez qu’il y a un de vos collègues, l’ancien maire de Bohicon, qui s’est retrouvé dans la commune de Cotonou désormais en tant que candidat. Et vous observez certains de vos chefs d’arrondissement qui vont lui faire allégeance et ça circule que c’est pour le propulser à la tête de la mairie, qu’est-ce que vous en dites ?
Comme je l’ai dit, ce qui est indiqué, nous sommes tous de la même famille, nous sommes des camarades, nous sommes des amis. On se met ensemble pour travailler. Moi c’est sûr que j’ai mon électorat. Chacun apporte, en matière de politique, c’est l’addition et la multiplication. Ceux-là, ils sont des partisans, travaillons ensemble. Le maire n’est pas élu de façon directe, c’est de façon indirecte. Donc faisons en sorte qu’on ait plus de conseillers. Et après on va s’asseoir pour dire qui prend ceci ou cela.
Si cela arrivait que devant vous, ancien ministre de la décentralisation, ancien secrétaire général de la mairie de Cotonou, ancien chef de la circonscription, maire sortant, on choisisse Atrokpo, ne serait-ce pas un désaveu pour vous ?
Non, il faut se détacher des choses. Tout ce que vous avez cité, moi je n’aime pas trop parler de moi-même. Mais je sais qu’à Cotonou, il faut se résoudre à tout. La gestion humaine est très complexe et j’ai dit, je suis toujours en position d’apprenant. Malgré tout ce parcours, tous les jours on apprend des citoyens, on apprend des personnes ressources. Aujourd’hui, c’est des problèmes de gestion urbaine, c’est des problèmes colossaux, c’est très complexe sur le plan mondial de sorte que, les maires réfléchissent. Telle est aujourd’hui, la réalité. Parce que les villes évoluent surtout que de plus en plus il y a urbanisation. D’ici 2050, au moins il y aura un quart de la population dans les zones rurales. Ce sera l’urbanisation et on parle de ville intelligente. La ville est mouvante, c’est beaucoup plus complexe. En plus des formations que moi j’ai reçues, j’ai fait une spécialité en gestion urbaine. Malgré cela, ce n’est pas aussi facile, la gestion d’une ville comme Cotonou où dans la nuit des gens vont venir déposer des choses dans les caniveaux. Et il faut enlever. Je vais vous donner des exemples pour cela. On est venu jeter des ordures sur les artères de Houéyiho et de Missèbo, c’est des hommes qui ont fait ça. Cela peut être un sabotage. C’est peut-être pour chercher à montrer l’incapacité de la mairie. Ce n’est pas facile. C’est quand on est à l’œuvre qu’on connait vraiment l’artisan. De toutes les façons, nous sommes là, on n’est attaché à rien. Je suis devenu conseiller, est ce que je savais que j’allais être maire par intérim? A tout moment, c’est partout où besoin sera. Donc comme les révolutionnaires l’ont dit, la lutte continue pour le développement de la ville de Cotonou.
En tant que mairie, qu’est-ce que vous avez eu à faire pour la lutte contre le Covid-19 ?
La mairie n’a pas attendu le gouvernement. Sur le plan social, on a des rubriques qui correspondent aux actions qu’on devrait mener. La mairie a fait ce qu’elle peut sur le plan social. Nous avons également eu le soutien du gouvernement qui nous a donné 100 dispositifs de lavage de mains pour renforcer ce que nous faisions déjà dans ce sens. Et après cela, nous avons vu dans notre budget qu’il fallait faire davantage. C’est ainsi que nous avons reçu l’autorisation du ministre des finances pour le décaissement de fonds qui nous a permis de renforcer nos moyens de lutte.
Hier, vous étiez au gouvernement où vous donniez des instructions, aujourd’hui, vous êtes à la mairie où vous en recevez. Comment vivez-vous cette mutation ?
Je suis un cadre de l’administration territoriale générale. Selon la position que vous occupez, vous recevez des instructions ou vous en donnez. C’est cela le principe. Et je ne peux pas déroger à la règle. Hier, l’actuel préfet du Littoral était mon secrétaire général quand j’étais ministre de la décentralisation. Aujourd’hui, il est mon autorité de tutelle, et tout se passe dans la courtoisie. Tout se passe bien. Je connais les textes et je connais ce qu’il faut faire. Chacun est dans son rôle. Et c’est ce qui est important. Il faut se respecter en respectant les autres.
Quatre ans après l’arrivée du président Talon, quel bilan faites-vous de sa gouvernance ? Satisfait ou insatisfait ?
Vous savez, la gestion d’un pays est assez complexe. C’est difficile de combler toutes les attentes des populations. Le Président a pris un certain nombre de dispositions et s’est donné les moyens de sa gouvernance. Je salue surtout la réforme du système partisan, parce qu’elle permet de renforcer l’unité nationale. C’est la réforme qui m’a le plus enchanté. Deuxième chose, on n’est pas assez discipliné dans le pays. Aujourd’hui, le droit de grève est régulé. Le fait d’avoir discipliné les gens fait qu’aujourd’hui, on a des années scolaires apaisées. Maintenant, il faut trouver d’autres mécanismes pour répondre aux revendications des travailleurs. Mais je pense que nous ne travaillons pas assez. J’aime souvent faire référence à la période révolutionnaire. A un moment donné, la révolution avait trouvé les moyens pour mettre tout le monde au travail. Personne n’allait en retard au bureau. Aujourd’hui, est-ce que la notion de service public est réellement perçue par les agents ? Est-ce que nous satisfaisons vraiment le citoyen qui se présente devant nous. Le fait qu’on tourne les gens en rond est même sanctionné par les textes. Par ailleurs, je dois dire que les projets du PAG sont bien pensés. Ce n’est pas de l’improvisation. Quand on commence, ça va jusqu’au bout. Il y a de la méthode dans tout ce qui se fait. Quand vous prenez le projet Asphaltage, toutes les voies construites sont pourvues de canalisation. Après, il y aura l’éclairage. Il y a un autre projet qui n’a pas encore démarré, mais auquel on a associé la ville de Cotonou, c’est le projet d’assainissement pluvial. Un projet qui coûte près de 300 milliards. C’est également un projet très bien pensé. Aujourd’hui, notre aéroport a un visage plus rayonnant. Je pense que comme dans bien de capitales africaines, Cotonou est en train de changer, et c’est à mettre à l’actif du régime du Président Talon.
D’aucuns décrient une vie toujours difficile sous Talon, en dépit des nombreuses réalisations. Avez-vous les plaintes de vos concitoyens et administrés de Cotonou ?
C’est vrai, il faut reconnaître que c’est le ventre qui souffre. C’est pourquoi je disais que la gestion d’un pays est assez complexe car il faut pouvoir combler toutes les attentes. Ce qui n’est pas chose facile. C’est vrai que ça a commencé à s’améliorer un peu avec la production agricole. Mais il faut commencer avec la transformation d’un certain nombre de produits. Quand je prends par exemple la tomate, lorsqu’on a fermé les frontières avec le Nigéria, les populations ont cru qu’elles pouvaient tout de suite faire la transformation locale alors qu’on devrait y penser depuis. C’est la même chose pour l’ananas béninois qui est très prisé ainsi que les noix d’acajou qui se retrouvent à Paris et c’est les Libanais qui les transforment là-bas et les vendent plus cher. Au Nigéria, il y a du pain fabriqué à base de manioc. Pourquoi on ne peut pas en faire de même ici au lieu de se contenter tout le temps du blé qu’on ne produit même pas ici ? Je suis ami aux Chinois, mais tout ce qu’ils consomment même en étant au Bénin, vient de la Chine. Nous cherchons comment aller consommer les produits chinois. Nous-mêmes nous ne participons pas à la sécurisation mondiale, c’est-à-dire que quand on trouve un produit, on ne fait que consommer et notre mode de consommation est un mode perforé et il faut transformer les mentalités.
Qu’est ce qui selon vous n’a pas marché depuis 4 ans sous le gouvernement Talon
Avant la décentralisation à Cotonou, on avait beaucoup de peine pour la gestion des ordures. Pour le balayage, on avait des coopératives. On avait même formé des coopératives de jeunes. Après, il y a eu des subventions dans Cotonou pour les ordures, pour le balayage, le curage des caniveaux. Et quand les gens finissent, vous les payez. C’est dire que quand vous payez l’entrepreneur, l’argent circule au moins trois ou quatre fois parce que quand vous le payez, il va payer ses ouvriers ou ses travailleurs. Celui qui rentre dans le quartier, le gari qu’il a acheté aide la vendeuse de gari. Et quand elle prend son argent elle renouvelle son commerce. Ça fait que l’argent tourne et ça fait la promotion de l’économie locale. Aujourd’hui, l’économie locale qui devrait être promue par les communes n’est pas encore faite. Je donne l’exemple de la situation du Covid-19. Aujourd’hui, il y a beaucoup de tailleurs qui ont fait des affaires, il y a des artisans, des soudeurs qui ont profité de la situation pour réaliser des dispositifs de lavage des mains. Il faut développer ces genres d’activités pour qu’il y ait la promotion de l’économie à la base.
Si vous devez donner une note à Talon sur 20 vous allez donner combien
Sur le plan de la réalisation des ouvrages on peut donner 15 sur 20 mais sur le plan de la promotion de l’économie locale, on peut lui donner 10 sur 20, parce que ce n’est pas encore ça. La population ne mange pas encore à sa faim.
Justement, faites-vous partie de ceux qui appellent à la réélection du président Talon en 2021?
Vous pensez que pour développer un pays il faut forcément ça ? Le président Yayi a fait 10 ans, je vais donner l’exemple d’un ancien président du Mali. Quand il faisait ses 10 ans, je faisais partie des responsables qui étaient allés lui rendre visite et j’ai senti qu’il n’avait pas envie de lâcher le pouvoir. Pour lui, le souci, c’est celui à qui il doit remettre le flambeau pour que celui-là continue la course jusqu’à bon port et c’est compliqué. Ça veut dire qu’il voulait continuer. Yayi à un moment donné a senti que c’est bon de lâcher de la même façon. Le projet contournement Nord n’a pas encore commencé. Le président Talon veut quand même aller loin. Donc 10 ans je pense que c’est raisonnable. Il a commencé des chantiers, il faut lui laisser le temps de finir. Actuellement, comme je vous l’ai dit, la promotion de l’économie locale n’est pas encore bonne pour nous. Nous on a vu qu’il faut lui donner du temps. Quand ça chauffait, il n’aimait même pas sortir. Mais quand ça a commencé par foncer, par se détendre il a commencé par sortir, parce que les ouvrages ont commencé par sortir. Les populations sont contentes. Au moins, il peut se contenter de ça. Par contre, quand les choses n’allaient pas il ne pouvait pas pointer son nez dehors, parce que les gens ne voyaient pas encore la situation. Gérer un pays, ce n’est pas facile.
Carte d’identité: L’homme du peuple
Quand on lui demande pourquoi malgré ses nombreux titres de ministres, députés, maire, il n’a jamais voulu quitter sa résidence dans le quartier populaire de Sainte Cécile, Isidore Gnonlonfoun, répond avec un brin de malice : « Là où je suis, si vous rentrez quelque part, le lendemain je serai au courant de tout. » Cette proximité avec son milieu est l’un des déterminants de sa réussite en politique. Et pourtant, Isidore Gnonlonfoun a passé l’essentiel de sa carrière dans les méandres de l’administration publique béninoise. Né en 1954 d’un père ancien agent de la CFAO et surtout pêcheur, c’est à l’école primaire catholique Sainte Cécile de Cotonou qu’il décroche le CEP en 1969. Du Cours secondaire les Cheminots au lycée Béhanzin, il parvient à prendre le BEPC puis le Bac qu’il décroche en 1978. Etudiant, il fait le Collège polytechnique universitaire (CPU) dans la filière Techniques administratives et gestion administrative. Il y rencontre de grands professeurs qui lui donnent le goût de l’administration. « J’ai eu la chance d’avoir eu des professeurs émérites, ils étaient vraiment consciencieux et ça m’a permis d’avoir quelque chose », affirme-t-il. Au second cycle de l’Ecole nationale d’administration, il fait l’administration générale et territoriale. Et son premier poste est bien la présidence de la république où il entre en 1982. Même à ce niveau, le fils de pêcheur allait régulièrement sur le lac les soirs, avant de prendre les chemins du bureau le lendemain. Trois ans plus tard, Isidore Gnonlonfoun entre au Ministère du travail. « Quand je voyais les enseignants descendre pour venir chercher un acte administratif, j’étais abattu puisqu’on les tournait en rond, se rappelle-t-il. Et comme nous-mêmes, on a appris tout ça, je prenais ces actes-là et je les aidais puisqu’ils n’avaient pas besoin de descendre si on avait une administration efficace. » C’est là qu’il est resté jusqu’en 1995, année à laquelle il est élu député de la seconde législature pour le compte du PRD. Isidore Gnonlonfoun n’est pas réélu en 1999 et retourne au Ministère de la fonction publique où il fut chargé de mission du ministre Ousmane Batoko. Plus tard, nommé secrétaire général de la circonscription urbaine de Cotonou, il en devient le chef par intérim de 2000 à 2001. Et c’est à ce poste qu’il fait l’expérience de la contestation à cause des réformes hardies qu’il tenait à mettre en œuvre. « Je prends le cas de la gestion des ordures ménagères, dit-il. Quand je suis arrivé, j’ai voulu mettre la main dans le panier. Mais j’ai attrapé les mains de personnalités haut placées. » En cause, plusieurs hauts bonnets de l’administration qui, bien qu’étant agents permanents de l’Etat, avaient créé des entreprises, ce qui est contraire à la loi. « C’est pourquoi, je dis que le plus grand tribunal, c’est le tribunal de la conscience », confie-t-il. Le président Kérékou le rappelle en 2003 pour le nommer conseiller technique aux affaires administratives, chargé du suivi de la décentralisation jusqu’en 2006. Entre temps, il fait un DESS en management municipal spécialité gestion des villes au CESAG à Dakar. Réélu député en 2007 puis en 2011 sous la bannière des FCBE de Cotonou, il devient un acteur politique incontournable au sein des populations autochtones de Cotonou. Président de la commission des relations extérieures de l’Assemblée nationale jusqu’en 2013, il est nommé ministre de la décentralisation et de la gouvernance locale, poste qu’il occupe jusqu’en 2015. Elu conseiller communal puis premier adjoint au maire de Cotonou au terme des élections de 2015, il remplace en 2017 le maire Léhady Soglo suite à la crise ayant frappé le conseil communal à l’époque. Quand on lui demande ce qui explique son entrée en politique, il répond : « Moi, je n’étais pas destiné à faire la politique. C’est la lutte contre l’injustice à la base qui a fait qu’on avait créé une association au niveau de ma communauté. Les gens nous ont remarqué et nous ont amené à la politique. »
Intimité: Simplicité
Marié et père de plusieurs enfants, le ministre Isidore Gnonlonfoun est un féru du cuir rond. C’est un ancien gardien de but, qui garde d’ailleurs des séquelles de la pratique de ce sport. Mais aujourd’hui, il n’en a plus vraiment le temps. Son régime alimentaire est plutôt simple. A table, il aime bien l’akassa et le vin. Pour être son ami, il faut surtout cultiver la sincérité.