Le père Serge Martin Ainadou est prêtre du diocèse de Cotonou, en mission à l’École d’évangélisation « Jeunesse Lumière » en France. Chaque semaine, il propose une réflexion sur l’actualité.
Face à la pandémie du Covid-19, devenue comme un spectre, notamment dans certains pays d’Afrique, des initiatives, dans le domaine de la phytothérapie, ont vu le jour. Considérée pourtant comme sans danger car naturelle, la phytothérapie entre parfois en collision avec les certitudes de la médecine conventionnelle. En dehors des recettes de « grand-mère » qui affluent sur les réseaux sociaux suscitant de faux espoirs, des témoignages sérieux accréditent l’efficacité de certains traitements à base de plantes. Le plus souvent, les phytothérapeutes traditionnels « sérieux » sont invités à une certaine retenue sur l’efficacité de leurs trouvailles. Si une telle attitude de prudence peut traduire une réserve cartésienne s’opposant à toute tentation de « charlatanisme », elle ne cache pas moins une difficulté de conciliation plus sérieuse entre la phytothérapie traditionnelle et la médecine moderne.
Phytothérapie et médecine moderne
Et pourtant, au regard de la complexité des risques de toxicité liés aussi bien à une thérapie par les plantes mal cadrée qu’à une thérapie s’appuyant sur des connaissances biochimiques, il y a lieu de trouver un équilibre, notamment en contexte africain. En réalité, les conditions de précarité et d’accès inégal à des soins de santé obligent certains à recourir à l’automédication ou à faire confiance naïvement à des « charlatans » dans l’espoir d’une solution miracle. D’un autre côté, le pouvoir de l’argent dicte sa loi dans l’industrie pharmaceutique dont les produits sont inaccessibles aux plus démunis. De ce fait, l’on pourrait s’autoriser, au nom même de la sacralité de la vie humaine, à suggérer aux gouvernants, notamment en cette période de pandémie, de mettre davantage en valeur l’« ethnopharmacologie » – comprise comme conciliation entre le recensement des pratiques thérapeutiques traditionnelles auprès de tradi-thérapeutes d’une aire culturelle déterminée et l’étude en laboratoire à évaluer l’efficacité de ces plantes et à les promouvoir.
Une ouverture sur l’universalité des connaissances
La seule défense morale d’y avoir recours, pour le bien-être des populations, ne suffirait plus ici. Cela suppose une bonne dose d’humilité, dans la recherche et une certaine ouverture sur l’universalité des connaissances. Cela exigerait une volonté politique de « rupture » et pourrait consister à doter, par exemple, ce secteur de recherches en phytothérapie moderne de moyens idoines dans nos pays africains. De sorte à mettre en valeur les compétences de tant de jeunes professionnels de santé. Partant, il ne s’agira plus de continuer à entretenir, peut-être, inconsciemment, un certain fossé historique opposant phytothérapie traditionnelle et la médecine moderne.
Ce qui urge, pour nos États africains, notamment, c’est de concilier alors ces deux secteurs vitaux de la santé. Car, pour le bonheur des populations, ils ont réciproquement besoin l’un de l’autre ; et surtout, pour une certaine visibilité des efforts, que les acteurs continuent de poursuivre conjointement des recherches face aux défis actuels de la santé.