Le coordonnateur du Projet d’Appui au Renforcement des Capacités du Parlement et des Organes de Gestion des élections (Parcpoge) Charlemagne Yankoty est le seul conseiller non Prd de la mandature finissante à la mairie de Porto-Novo. Invité sous l’arbre à palabres à l’Evénement Précis, Charlemagne Yankoty saisit l’occasion de ses échanges avec les journalistes de cette rédaction, pour faire le point de sa participation au conseil municipal de la ville capitale et dénoncer ce qu’il appelle « une mandature à problèmes » et « jalonnée de « scandales ». Selon lui, ce résultat qui a un impact négatif sur le développement de la ville est dû au système en place depuis 17 ans. D’un bilan à l’autre, le coordonnateur du Projet d’Appui au Renforcement des Capacités du Parlement et des Organes de Gestion des élections (Parcpoge) a tiré une fière chandelle au régime de la rupture présidé par le Président Talon pour les grandes transformations amorcées en quatre ans de pouvoir. L’actualité relative au coronavirus, la gestion de l’assemblée nationale sous le Président Louis Vlavonou sont aussi au menu des échanges avec Charlemagne Yankoty.
Et si on en parlait
Le gouvernement du Bénin a opté pour une approche graduelle dans la gestion de cette crise. Ne redoutez-vous pas comme au Ghana, une explosion du nombre de contagions, vu que le déconfinement est pour le 11 mai prochain ?
Il faut d’abord féliciter le gouvernement pour avoir accepté prendre certaines dispositions. Si vous observez un peu, même les organisations internationales ont apprécié les mesures prises par le Bénin en matière de lutte contre cette pandémie. Si le Bénin n’est pas premier, il doit faire partie des premiers pays à définir des cordons sanitaires. Tout ceci pour pouvoir contenir le mal. Mais tout ceci, c’est la discipline que nous observons, c’est le respect des mesures barrières. S’il devrait y avoir une explosion, on devrait sentir une nette progression dans les statistiques. Contrairement aux autres pays, le Bénin a les statistiques les plus basses. Il y a d’autres pays qui sont meilleurs que nous mais au regard du nombre de personnes infectées, on peut déjà saluer le gouvernement pour les mesures prises. Je doute qu’il y ait une explosion. Le plus important, c’est qu’il faut mettre l’accent sur la sensibilisation et le respect des mesures barrières.
Vous êtes conseiller communal à Porto-Novo et également en fin de mandat. Quel bilan faites-vous de cette mandature ?
Si nous prenons la municipalité de Porto-Novo, ça saute à l’œil que notre mandature a été caractérisée par des problèmes. Porto-Novo fait partie des communes où les maires ont été trainés devant des juridictions. C’est un peu triste pour l’image de la ville. Il y a quelques bonnes initiatives telles que le FIP (Festival International de Porto-Novo. Mais, malheureusement, on observe dans le déroulement que ce projet n’a pas drainé de monde tel qu’on l’aurait souhaité. Les bailleurs de fonds ont commencé par se retirer, ce qui justifie les difficultés que ce festival a connues. Quelque part, cela n’a pas été bien pensé. Lorsque nous prenons la question de l’emploi de la jeunesse, qui n’est pas du ressort d’une commune, il y a des initiatives qui témoignent de notre souci de renforcer l’économie locale. Mais, on n’a pas constaté cela au cours de notre mandature. Si nous voyons un peu tout ce que nous avons vécu avec notre mandature, c’est un peu difficile d’avoir un maire qui, pendant une année, a été interdit de voyages. Cela impacte le développement de la ville tout simplement parce qu’on s’est laissé tremper dans des scandales financiers. C’est regrettable et c’est ce qui caractérise la gestion à la tête de la mairie de Porto-Novo
Reconnaissez-vous avoir eu un maigre bilan au terme de la mandature ?
Ce qui fait mal c’est le système mis en place pour la gestion de notre municipalité depuis 17 ans. C’est difficile de développer dans ce système. Quand on vous dit qu’un maire a détourné des centaines de millions et qu’il a fallu déposer des cautions financières pour recouvrer sa liberté, on se demande si ce dernier ne serait pas déjà démis par les responsables de son parti. Ceci parce qu’il a bafoué l’image du parti de par l’acte qu’il a posé. C’est un système qui ne permet pas à Porto-Novo de se développer et c’est ce que nous dénonçons. Il y a un temps pour tout. Aujourd’hui, les Porto-noviens et Porto-noviennes se rendent compte que ce système les a toujours conduits bêtement, leur a toujours menti, tout simplement parce qu’ils jouent sur le fait que rien n’a été fait à Porto-Novo par les régimes successifs pour faire révolter les gens. Mais aujourd’hui, malgré leur position ambiguë, on se rend compte que le Président de la République a fait beaucoup de réalisations dans Porto-Novo qui sont en train de changer l’image de la ville. Il n’y a donc plus de raison pour que les gens continuent de croire en leur mensonge. Comprenez bien que ça va changer. Aujourd’hui, les gens l’ont compris et ont changé le système. Le système n’a rien apporté de bon. Pour preuve, quand nous prenons les cinq ans que nous sommes en train de passer à la tête de cette mandature, le premier exercice est que notre compte administratif a été déficitaire. Nous n’avons rien produit. Le deuxième exercice, de 2017 jusqu’à la date d’aujourd’hui, du fait que le premier compte administratif a reçu un refus d’approbation, le Préfet qui est PRD a décidé lui-même par un arrêté, de siéger désormais pour tout ce qui concerne les délibérations de Porto-Novo. C’est ce qu’on n’a jamais vu par le passé, certainement qu’il était sous pression parce que cela ne relève pas du parti. A partir de 2017 qu’il a commencé par siéger, le compte administratif n’a été ni approuvé ni certifié jusqu’à nos jours. Cela dénote de cette complicité qui règne entre la tutelle et la municipalité. Ils ont pris Porto-Novo en otage. C’est pour nous le lieu d’inviter le Président de la République de nous aider à développer Porto-Novo. Les habitants de la ville sont conscients de la situation.
Visiblement, vous parlez comme une victime d’un système
Bizarrement moi je n’ai jamais été victime puisque d’abord je n’ai jamais été PRD, je les ai toujours affrontés et je m’en suis toujours sorti vainqueur. Et donc, je ne suis pas du tout une victime de leur système. Sur les 33 conseillers, j’ai été le seul à les affronter et j’ai toujours eu gain de cause et je le leur ai toujours dit, j’ai été la lumière de ce conseil. Ils étaient tous conscients que tous les points que j’ai toujours abordés en session du conseil communal, ont toujours été pertinents. Je n’ai jamais été confondu dans mes opinions, dans mes points de vue. Il faut que je vous le dise, en cinq ans, on est en train de changer le cinquième DAF (Directeur des affaires administratives et financières). C’est le cinquième qui est là. Moi, je suis financier de formation et je sais que ma participation à ce conseil a changé beaucoup de choses et c’est pour cela que j’ai dénoncé pas mal de scandales, pas mal de détournements. Ce qui est sûr, on aura le temps d’y revenir.
Quels sont vos arguments pour déloger ce système ?
Vous savez, rien qu’à voir aujourd’hui la façon dont les gens sont en train de sauter de la barque, c’est qu’ils ont trouvé qu’il y a de meilleures idées ailleurs. Il y a un vent d’espoir qui est en train de souffler. En cinq ans, nous n’avons rien réalisé sur les ressources propres. J’étais en train de vous dire que les deux premières années, les comptes étaient déficitaires. Troisième année, pour ne pas dire quatrième année, rien de concret sur les cinq ans. C’est maintenant qu’on est en train de dégager un maigre excédent, je dis bien maigre. Ce que moi j’appelle excédent, c’est ce qui ressort ou c’est le reliquat du fonctionnement. C’est pour la première fois qu’on est en train de dégager un reliquat et un très faible reliquat. Je peux aussi dire si on doit faire le retraitement sur les charges, il y a beaucoup de charges qui sont dissimulés. Aujourd’hui, nous constatons que notre maire vante le fait qu’on a payé les dettes antérieures, on a payé des arriérées mais on ne nous dit pas que c’est des dettes qui sont reconstituées autrement.
La titrisation ?
Evidemment, la titrisation. Aucune dette n’a été payée et je peux vous dire que lorsque vous émettez des titres pour environ cinq milliards, les titres que vous émettez là, c’est des dettes aussi que vous allez payer dans le temps et c’est en sept ans. A raison d’environ sept cent cinquante millions par an. Je peux vous dire déjà ici que le paiement de ces titres ou de ces dettes a démarré en 2018 ou début 2019. Mais, à la date d’aujourd’hui, Porto-Novo n’a pas pu payer une année entière les sept cent cinquante millions. A la date d’aujourd’hui, on a de retard sur ces échéances et quand on parle d’échéance, c’est-à-dire que la dette a été échelonnée dans le temps, de 2018 où l’échelonnement doit démarrer, sur sept ans. C’est dire que nous allons jusqu’en 2025. Ça veut dire que les cinq milliards que nous allons payer avec intérêt à hauteur de six milliards, il nous faut aller jusqu’en 2025, et plus d’un milliard de surplus à payer. Et dans ce calcul, notre administration n’a pas pu payer une échéance. Cela dénote de notre incapacité. Cela voudrait simplement dire que nous avons nourri une ambition dont nous n’avons pas les capacités. Par rapport à la date d’aujourd’hui, la mairie de Porto-Novo doit encore environ 800 millions. Ça fait plus d’une année entière. Et ça on vante partout qu’on a payé les dettes. Mais c’est archi-faux. On s’est endette aussi à ce même titre pour acheter des véhicules de haut de gamme. Un chef d’arrondissement roule une 4X4 d’une valeur de 40 millions à crédit pour se déplacer sur un petit périmètre à Porto-Novo. C’est là la mauvaise gestion des ressources dont nous parlons. Pendant que nous ne disposons même pas d’une niveleuse pour le reprofilage des voies, on se permet d’engloutir plus de 600 millions encore à combien de mois de la fin de notre mandat ? C’est ça, parce qu’il y a des rétro-commissions qu’on pourchasse.
Les fonds Fadec n’ont-ils pas permis de changer le visage de la ville ?
Porto-Novo a bénéficié de beaucoup de ressources Fadec. C’est le lieu de remercier le Gouvernement pour cette politique qui consiste à orienter de façon spécifique les ressources affectées aux communes. Et si Porto-Novo a pu tirer un peu son épingle du jeu, c’est compte tenu de l’orientation donnée à ces crédits qui sont destinés à des réalisations spécifiques pour ce qui concerne les Fadec affectés. Mais pour les Fadec non affectés, il y a eu de détournement la dernière fois. Le scandale financier qui a fait traîner le Maire devant les juridictions, c’est sur les ressources Fadec non affectés, parce que c’est comme une manne est arrivée, il faut qu’on en profite. Les ressources Fadec, si on les utilise pour faire des réalisations, c’est l’Etat qui réalise et non la mairie.
Qu’est-ce qui retient votre attention en ce qui concerne le bilan des 4 ans de gestion du Président Talon ?
Si le Président Talon n’existait pas, il fallait le créer. C’est le genre de Président qu’un pays peut avoir chaque 100 ans. Ce n’est pas fréquent. C’est un réformateur. C’est un Président qui est à l’instar d’Abraham Lincoln. Il est en train de révolutionner tout le système qu’on a vu depuis les indépendances jusque-là. En quatre ans, il a mis en place une infrastructure routière à nul autre pareil. Non seulement en termes d’étendue de réseau routier, mais également en termes de qualité. En quatre ans, voilà un Président qui a changé le système au niveau des fonctionnaires. Les grèves perlées qu’on a toujours observées dans ce pays, qui aurait cru qu’on peut passer une année entière sans qu’il n’y ait de grève dans ce pays dans aucun secteur ? Cela voudrait dire qu’on pouvait le faire. Aujourd’hui, les enfants vont à l’école sans qu’on ne parle même plus de grève. D’aucuns l’avaient qualifié de dictateur mais aujourd’hui, on se rend compte qu’on pouvait se passer des grèves. Voilà un Président qui a boosté la production agricole. On a des records sans tapage. C’est pour dire que c’est la première fois que nous obtenons des records du genre. Le Président Talon a amené dans l’administration une certaine crainte. Le goût du travail bien fait. On sent qu’il y a une crainte aujourd’hui dans l’administration. Il n’y a plus de laisser-aller comme par le passé.
C’est crainte ou bien terrorisme ?
Ce n’est pas du terrorisme. C’est de la discipline. On sent que c’est un homme de rigueur. Un homme qui sait là où il veut aller et qui a des méthodes. Mais nous savons qu’on ne peut pas faire des omelettes dans casser des œufs. Le Président Talon nous a prouvé en 4 ans que le Béninois a un fort potentiel. Le Béninois est capable de beaucoup de choses. En 4 ans, on est devenu une référence. Qui pourrait imaginer que le Bénin peut résister, bientôt un an, à une fermeture de ses frontières avec le Nigéria et qu’on ne serait pas en train d’observer des ballets entre le Bénin et le Nigéria pour aller supplier ? Il nous a donné une certaine fierté. Mais ça n’a pas empêché les infrastructures en cours d’évoluer. Je pense que c’est un Président dont on doit être fier. Il fait tout dans une grande discrétion. On ne le voit pas sur les chantiers en train de se promener. Voilà un Président qui est en train d’atteindre son objectif d’offrir à tous les Béninois de l’eau potable d’ici 2021, de l’électricité. On avait tout le temps connu de délestage, mais sans crier sur tous les toits, on a vu qu’aujourd’hui, il y a une certaine stabilité au niveau de l’électricité.
Qu’est-ce qui explique la progression qu’on note sur le plan économique ?
La première chose que je peux dire, c’est la bonne gouvernance. Vous pouvez ne pas être riche, mais lorsque vous êtes rigoureux, en matière de gouvernance, c’est un grand atout. Donc on observe que le Président Talon déjà à sa prise de service, les primes fantaisistes que les gens prenaient ont été élaguées. Il a supprimé des primes. Il a mis de l’ordre et de la rigueur. Il a essayé, au niveau de certains secteurs clés, de digitaliser pour plus de transparence. Quoi qu’on dise, au lieu que les individus soient riches, c’est l’Etat qui s’enrichit. Quand nous prenons le PVI (programme de vérification des importations), on a beau le décrier, si aujourd’hui il y a des performances, c’est que quelque part il faut noter que le PVI y a contribué. Les poumons économiques de notre pays, on va parler du port et des recettes fiscales. C’est globalement ça. Mais au niveau du port, on sait que c’est le PVI et consorts. Au niveau des recettes fiscales, aujourd’hui, nous voyons toutes les mesures que le Gouvernement met en place pour qu’il y ait moins d’évasion. Je pense que tout cela contribue à la performance dont on est en train de parler. Mais au-delà de tout cela, il y a aussi les productions record qui vont nous permettre d’avoir des devises. Je pense qu’il y a beaucoup de facteurs qui y ont contribué. Et c’est le lieu de féliciter le Gouvernement, parce que beaucoup de pays nous envient par rapport aux performances que le Bénin obtient malgré cette récession sous régionale.
Pensez-vous que le Bénin se porte économiquement bien quand les gens se plaignent de la faim ?
Le Bénin se porte mieux. On peut trouver à dire sur le plan social. Et c’est pour cela que le projet Arch est le bienvenu. Aujourd’hui, on ne voit pas encore tout l’impact de ce projet. Lorsque nous prenons le PAG, il y a plusieurs composantes. Pour certaines composantes telles que celles liées au cadre de vie, les impacts sont visibles. Mais pour ce qui concerne le projet Arch, il y a certaines réalisations qui ne sont pas encore perceptibles. Et je peux dire que tel qu’on parlait de la faim il y a deux ans, ce n’est plus la même chose aujourd’hui. Observez et vous allez constater qu’il y a une certaine amélioration qui a commencé à ce niveau. Aussi, il faut reconnaitre que les micro-crédits qu’on a l’habitude de donner, tel que cela se faisait, vous avez suivi des audiences au niveau de la CRIET où même des institutions ont été condamnées. Mais aujourd’hui, le Président pour avoir analysé, cherché à disséquer, a compris qu’il y a tout un système et que les fonds sont orientés vers des personnes fictives. Mais ils ont décidé de tout reformater, de tout reprendre à zéro, de telle sorte que le crédit qui sera donné désormais aux femmes le sera via mobile money. Aujourd’hui, tout le monde sait qui est détenteur d’un numéro. Tout le monde est identifié. Donc, ce n’est pas dans le cadre du crédit qu’on s’est identifié. On l’avait déjà fait. Mais au-delà de ça, on a la certitude en ce moment que le crédit est allé véritablement aux bénéficiaires. Et il est exigé encore des bénéficiaires que le remboursement sera par mobile money. Ce qui voudrait dire que si elles ont payé on le saura ou si elles ne l’ont pas fait on le saura.
Pour vous qui êtes à Porto Novo, avez-vous le sentiment qu’il n’y a aucun changement?
Moi je pense qu’on a eu le temps de constater que c’étaient des incantations de traiter le gouvernement de gouvernement maquette. Parce que, pour qui connait Porto-Novo il y a 4 ans, et pour qui s’y rend maintenant, il n’y a pas photo. Il n’y a pas comparaison. Ecoutez! Il y avait une seule voie, un seul axe bitumé à Porto Novo depuis les années des indépendances. C’est à dire la route inter État qui quitte le pont et traverse par Ouando. Mais à la date d’aujourd’hui, quand vous allez à Porto Novo, vous avez une double voie qui longe les rails. Depuis le temps colonial, c’est une voie que personne n’a rêvé voir bitumer un jour. Vous venez dans le 5ème arrondissement. La Rocade est lancée. Beaucoup de voies sont bitumées en double voie. Les voies pavées, n’en parlons pas, rien que pour la première phase. Mais quand c’est comme cela, alors qu’on parle de gouvernement maquette, n’y a-t-il pas des questions qu’il faut se poser? Est-ce que ce n’est pas pour faire de l’intox? Car, si ce n’est pas pour mentir au peuple, on aurait eu la patience d’attendre 4 ans avant de s’exprimer. La leçon que moi j’ai tirée, c’est que le Président Talon est un homme méthodique. Il prend plus de temps pour faire des études afin de s’assurer de la qualité du travail, être convaincu que cela répond à ses aspirations pour le développement.
Le Président de la République appuyé par la septième législature a procédé à la réforme du système partisan. Comment appréciez-vous cette réforme ?
Cela fait partie des réformes majeures du régime du Président Patrice Talon. Le Bénin fera école en Afrique et dans le monde. Parce qu’il y a quelques années, tout le monde déplorait cette kyrielle de partis qui naissaient. Imaginez-vous un peu par le passé, si c’était il y a quelques années, en ces temps on aurait déjà créé beaucoup de partis politiques, ne serait-ce que pour prendre le contrôle de sa localité. Et lorsque le propriétaire du parti meurt, le parti aussi meurt. Des fois même lorsque le propriétaire du parti n’est plus aux affaires, le parti ne fonctionne plus. Je trouve que c’est une réforme majeure qui mérite d’être saluée. Et c’est en cela que je suis quelque part sidéré par cette vision du Président Houngbédji. Même si par la suite, il ne s’est plus conformé à son rêve, il fait partie de ces leaders politiques qui ont clamé haut et fort, la réforme du système partisan et l’ont soutenu. Il en a même fait un point de son projet de société. Donc voilà quelqu’un qui a eu le temps d’étudier l’échiquier politique béninois et qui s’est rendu compte qu’il nous faut réformer le système partisan. Mais malheureusement je déplore un peu le destin de ce monsieur. Il s’en écarte un peu, un peu. Il a viré comme beaucoup d’autres qui ont cherché à virer, mais heureusement les autres ont compris que ce n’est plus la peine de retourner en arrière. De plus de deux cent partis, aujourd’hui on en a environ cinq qui vont aux élections communales et municipales, c’est-à-dire les élections de proximité. Qu’en serait-il alors des élections au niveau national ou les présidentielles ?
Il y a un an que l’He Louis Vlavonou est devenu Président de l’Assemblée nationale. Pour vous qui êtes à l’Assemblée nationale, comment est-ce que vous appréciez sa méthode de travail ?
C’est le lieu de rendre un hommage très mérité à notre Président, l’honorable Louis Gbèhounou Vlavonou. D’abord, c’est un homme caractérisé par une humilité hors pair. Il est en train de réformer à fond le parlement et l’administration parlementaire. Aujourd’hui, on se rend compte que, même le personnel parlementaire est fier du fait que le choix de Président soit porté sur le Président Vlavonou. Il est un homme calme et qui a un grand potentiel de management. Pour preuve, pour la première fois dans l’histoire de notre parlement, le secrétaire général administratif est de la maison. Sous d’autres cieux, on va chercher des amis, qu’on estime très compétent, magistrat de haut rang, cadre émérite dans telle administration, sans faire confiance au personnel parlementaire. Mais voilà un Président qui vient et pour ses premiers actes, décide de porter haut un personnel parlementaire comme le secrétaire général de l’administration parlementaire, c’est inédit. Cela dénote de sa confiance en ce personnel. C’est motivant. Parce que ce faisant, cela lui permet surtout de donner confiance et de mettre à l’aise ce personnel.
Tous les lundis, si vous le voulez, venez, vous allez voir. Le Président Vlavonou a institué le cérémonial des couleurs. Quel que soit ton rang, tout le monde se retrouve au niveau du drapeau. D’abord, c’est un moment de convivialité, mais en même temps, c’est un moment qu’il utilise pour passer des messages, pour motiver le personnel parlementaire, pour nous réunir autour de l’emblème national qu’est le drapeau et nous montrer qu’il faut être engagé pour faire un travail de qualité. C’est de petits gestes mais qui ont un fort impact. Voilà un Président qui est venu et tout le monde sait dans quelles conditions il a pris les rênes de ce parlement où ils avaient même de grandes difficultés financières. Pour preuve, je ne sais pas si pour une fois un Président de parlement a été élu et c’est avec son propre véhicule qu’il vient au service pendant plusieurs mois. Le Président a roulé sa propre voiture. L’équipe sortante n’a pas eu cette attention pour que l’équipe entrante ait des véhicules à sa disposition. Et le Président a conduit son propre véhicule pendant un bon moment. Mais les anciens véhicules ont été réformés. Dieu seul sait, ce que les gens ont encore fait des ressources. Puisqu’on est venu voir les caisses vides. Beaucoup de sacrifices ont été consentis. Le Président a élagué beaucoup de primes, en commençant par lui-même. Il a fait beaucoup de sacrifices. D’aucuns disent même qu’il partira pauvre. Parce que pour lui, ce n’est pas le matériel qui est le plus important. Donc un Président comme celui-là, on n’en trouve pas tout le temps. Ce n’est pas quelqu’un qui donne l’apparence d’être ‘’saint’’, d’être correct ou humble : il est correct. Il est rigoureux dans sa gestion. Et puis je vais vous dire aussi, dans ses nominations, surtout aux postes techniques, il ne mêle pas la politique. Sinon beaucoup de ceux-là qui sont à des postes sensibles, il y en a qui sont Prd et qui sont maintenus encore dans leurs positions. Donc voilà quelqu’un qui est resté impartial, mais pointu dans ses choix. Vraiment, c’est le lieu de lui rendre un hommage mérité, moi personnellement, parce qu’il m’a fait confiance et qu’il m’a confié les rênes du Projet de renforcement des capacités du parlement et des organes de gestion des élections, un projet financé par le Pnud et qui vise à renforcer les capacités de l’administration parlementaire et, au-delà, des autres organes de gestion du parlement. C’est un projet qui fait beaucoup et qui appuie même le réseau des journalistes parlementaires.
Le Président Louis Vlavonou est un modèle qu’il faut pour évoluer.
Dans la suite du dialogue social, la révision constitutionnelle a été opérée. Est-ce que vous jugez nécessaire ou opportun d’opérer cette révision ?
C’est vrai que la révision a été actée et qu’elle est la bienvenue. Nous tous nous en sommes conscient. Maintenant juger de son opportunité, mais il faut qu’on aille dans l’historique des tentatives de révision pour chercher à savoir si c’était vraiment opportun ou pas. Depuis Kérékou, on a commencé par réfléchir sur cette révision de la constitution. Au moment où Kérékou tentait de réviser la constitution, beaucoup s’y étaient opposés. Yayi Boni est venu et en dix ans, il a tout le temps tenté de réviser. Nous-mêmes, nous avons vu qu’il y a des imperfections au niveau de notre constitution. Comment peut-on être conscient des imperfections et nous abstenir de corriger ? Tout simplement parce qu’on a peur qu’on touche certains articles sacro-saints comme le nombre de mandats. Le Béninois est trop suspicieux et c’est ce qui nous arrière. Mais le Président Talon a prouvé de par cette révision qu’on peut réviser la constitution sans créer de dégâts. On peut tout dire, aucune constitution n’est parfaite. Même celle des Etats-Unis. Donc si nous sommes conscients que la constitution n’est pas parfaite, cela veut dire qu’à un moment donné on doit songer à la toucher. Toucher la constitution pour la corriger afin de nous conformer à la dynamique actuelle, afin de tenir compte des réalités de nos jours. Les réalités de 1990 ne sont pas les mêmes que les réalités d’aujourd’hui. Donc il va falloir qu’on soit en train de toucher jusqu’à avoir une constitution très solide. C’est ce qui est fondamental. Donc pour moi, il fallait toucher la constitution.
Mais cela n’a pas empêché que moins de 10% des femmes soient titulaires sur les listes actuellement. Cela faisait partie des arguments ayant permis d’amorcer cette révision. Les femmes ne sont pas mieux positionnées qu’avant.
Vous savez, c’est un processus qui doit être progressif. On ne change pas les habitudes du jour au lendemain. Si vous observez un peu, nous avons une culture qui a toujours mis les hommes au-devant de toute chose et même nos femmes s’y résignent. Celles qui osent vraiment sortir la tête, vous les voyez sur l’échiquier. On ne peut pas forcer quelqu’un pour faire son bonheur. Déjà la constitution a prévu qu’une place de choix soit réservée désormais aux femmes. Quand nous prenons l’Union progressiste, observez nos listes. D’abord dans la composition des listes, c’est une obligation de positionner et de mettre dans de bonnes conditions les femmes et de leur donner beaucoup plus de priorité. Je mets au défi les autres listes.
Nous n’allons pas terminer cet entretien sans vous demander ce que c’est que le PARCPOGE, quelles sont ces missions et attributions au côté de l’assemblée nationale ?
Le PARCPOGE est le projet qui permet un renforcement des capacités du parlement. Quand on dit renforcement des capacités, c’est aussi bien financier que technique. En effet, le PNUD vise à renforcer la transparence et pour renforcer la transparence, c’est qu’il faut renforcer le capital humain au niveau du parlement pour que ceux-là aient les connaissances nécessaires pour le vote des textes de loi qui doivent amener à renforcer la transparence. Il y a certains secteurs clés sur lesquels le PNUD a voulu agir et cela ne peut être possible sans le parlement. Et pour y arriver, il faut forcément renforcer les capacités du parlement et ces renforcements concernent aussi bien le parlement que le personnel parlementaire. Donc au-delà de tout ça, il y a l’équipement au niveau du parlement. Vous savez tous qu’aujourd’hui le PNUD a doté l’Assemblée d’une radio et cette radio permet aujourd’hui à la population de suivre en direct les débats parlementaires. Cela participe à la reddition des comptes et donc à la transparence. Aujourd’hui le PNUD est en train également d’accompagner le parlement dans une étude pour la mise en place d’une télévision au niveau du parlement. Donc tout cela se fait avec l’appui du projet PARCPOGE qui est le bras technique et financier du PNUD au niveau du parlement. Ce projet va au-delà du parlement, parce que prend en compte les élections. La CENA a été renforcée par ce projet. Le plan stratégique de la CENA, c’est le projet qui l’a financé. Au niveau de la HAAC, le plan stratégique de la HAAC, c’est notre projet qui l’a accompagné et le projet a encore financé le renforcement des capacités au niveau de la CENA. C’est dire que c’est un projet qui vise vraiment un accompagnement du renforcement des capacités de certains acteurs politiques, pour plus de transparence au niveau de l’amélioration de la gouvernance et autres.
Dans ce cadre, est-ce que ce projet va amener les députés à réviser le règlement intérieur de l’Assemblée nationale?
Oui, je dois vous dire que cette réflexion est en cours. C’est une priorité pour la huitième législature. Ce n’est pas au projet de décider, mais c’est au parlement de décider. Quand le parlement décide et qu’il s’avère nécessaire, le PARCPOGE est là pour les accompagner pour mieux se donner un nouveau règlement intérieur, et pourquoi ne pas leur permettre d’avoir les ressources, d’avoir les experts nécessaires, des personnes averties pour les aider à bien concevoir leur règlement intérieur. Donc tout ce qui est renforcement de capacités pour leur permettre d’avoir un meilleur règlement intérieur, le projet est là pour les accompagner. Mais ce n’est pas au projet de décider.
CARTE D’IDENTITE: Un développeur notoire
Actuellement Conseiller communal à Porto-Novo, Charlemagne Yankoty est né en 1977 dans cette même ville. Il fait ses études primaires à l‘EPP d’Akonaboè jusqu’en 1990, puis le secondaire aussi bien au CEG Djègan Kpèvi qu’au Lycée Béhanzin où il obtient son Bepc en 1995 et son Baccalauréat série D en 1998. A l’Université, il s’inscrit à la Faculté des Sciences Economiques de de Gestion (Faseg) où il décroche sa maîtrise plus tard avant d’aller en politique. Amoureux des mathématiques, Charlemagne Yankoty aime aussi les finances. Il est aussi détenteur d’un BAC G2, d’un BTS, d’un master en finance des entreprises, et d’un DESS en Comptabilité et contrôle de gestion à l’Ecole doctorale de l’Université d’Abomey-Calavi. Il explique son entrée en politique par le souci du développement local. « C’est le développement qui m’a amené en politique. Je suis le Secrétaire Général de l’Association de développement d’Akonaboè, et le Secrétaire Général adjoint du Collectif des associations de développement du cinquième arrondissement à Porto-Novo », confie-t-il. Ces associations sont nées suite à des bradages de domaines publics dans la ville capitale. Ainsi, les luttes menées ont permis de conquérir ces domaines. Ce qui fait qu’à chaque fois qu’il y a une élection au niveau local, il est toujours sollicité par ses concitoyens parce qu’ils estiment que ceux qui doivent faire la politique, c’est ceux qui ont une certaine expérience du développement à la base. Il sera alors élu en 2015 conseiller communal. Il est aujourd’hui le Coordonnateur du Projet d’appui au renforcement des capacités du parlement et des organes de gestion des élections (PARCPOGE) à l’Assemblée nationale. Gestionnaire de formation, il est aussi le Directeur d’une institution financière appelée IAMB Microfinances créée en 1998. C’est l’une des institutions de microfinances qui affiche les meilleures performances. En termes de modèle au niveau international, il dit avoir de l’admiration pour l’ancien Président sud-africain, Nelson Mandela, mais au plan national, il est fasciné par l’humilité et la rigueur du Président Louis Vlavonou. Toutefois, il précise que pour le moment il est son propre modèle et veut servir de référence aux autres.
Intimité: Père de jumeaux
Religieusement marié dans une église évangélique, Charlemagne Yankoty est père de 5 enfants dont une paire de jumeaux. A table, il aime manger les légumes avec la pâte noire accompagnée d’un peu de vin, de bière ou d’eau. Il fait aussi la marche pour maintenir sa forme. Pour être son ami, il faut faire preuve de sincérité.