Les résultats des élections communales ont montré une avancée majeure. Aujourd’hui au Bénin, aucun parti ethnico-régionaliste n’a d’élus. C’est la première fois depuis l’indépendance de notre pays que cette situation survient où clairement l’ancrage ethnique ou régionaliste ne définit plus les partis.
Oui, on peut objecter que les FCBE ne détiennent réellement de mairie que dans le département des Collines et dans le septentrion. Mais le parti a réussi à avoir des élus dans presque tous les départements, sauf à Cotonou. A cet égard, l’opposition a été pratiquement éradiquée de la ville de Cotonou et n’existe plus à Porto-Novo, les deux plus grandes villes du pays. Mais elle contrôle Parakou, la métropole du septentrion. Dans le même temps, on la retrouve dans les autres départements. On n’oubliera pas que son premier responsable, Paul Hounkpè, s’est fait élire dans le Mono, à Bopa.
Quand on prend également le Bloc Républicain, il a essaimé un peu partout, au point d’avoir des mairies dans la Vallée de l’Ouémé (Adjohoun par exemple), dans le Mono (trois communes sur six), le Couffo (le cas d’Aplahoué), le Zou (Bohicon et Za-Kpota par exemple) ainsi que Djougou dans la Donga et Karimama dans l’Alibori. Ne parlons pas de l’UP qui, en dehors de Cotonou, Porto-Novo, Abomey-Calavi, contrôle aussi Tchaourou, Malanville, Djakotomey, Tanguiéta ou encore Kétou et Abomey.
Avec la réforme du système partisan, l’un des objectifs majeurs est ainsi atteint : obliger les partis politiques à être des socles sur lesquels se construit l’unité nationale. Ainsi, chaque formation politique se voit contraint d’avoir une assise nationale, en luttant en son sein à un brassage des identités. Nous sommes loin des années 1960 où l’action politique polarisée autour des trois grands leaders (Maga, Ahomadégbé, Apithy) est marquée par le rejet des autres du fait de leurs appartenances ethniques ou régionales.
Nous sommes même loin des élections de 2015 et 2016 où, clairement, s’est manifesté l’ancrage régional des partis.
Cette tendance est rendue possible par des évolutions invisibles mais régulières dans la conception politique de nos populations. Evidemment, il n’arriverait pas encore à un ressortissant de Natitingou de postuler à un poste électif à Zogbodomey, à un ressortissant de Comè d’aller se positionner à Adja-Ouèrè ou même à un originaire de Kouandé de chercher à se faire élire à Ségbana. Les anciennes habitudes électorales n’ont pas fondamentalement changé. L’élection de dimanche montre que le rejet systématique de l’autre, le refus d’adhérer à un parti politique parce qu’identifié comme le parti des Bariba, des Aïzo, des Adja, des Fons ou des Gouns, ce rejet a fortement reculé.
Les déboires du PRD et de l’UDBN ont leur source dans leur mauvaise lecture de cette évolution très marquée. Ils indiquent que toute volonté de parti unique régional ou ethnique est désormais vouée à l’échec. Tous ceux qui tenteront dans l’avenir de ne se cantonner que dans un fief, finiront par s’autodétruire.
Cette évolution a été forcée par la loi. Il s’agit d’une dictature de la loi qui montre une prise de conscience par les acteurs politiques de la nécessité de travailler à une consolidation de l’unité nationale. Bien entendu, personne ne me convaincra qu’il suffit de le faire ainsi pour construire l’unité nationale. Les tendances du passé n’ont pas disparu et ne disparaitront pas, si les électeurs eux-mêmes restent attachés au fond à ne choisir que les fils du terroir. S’ils n’ont du vote qu’une conception ethnique ou régionaliste. Un cas pour montrer que cette tendance n’a pas disparu : Tchaourou.
Certains ont été surpris de constater que les FCBE n’aient pas eu la majorité dans cette commune. Et au fait, ce n’est pas la première fois que cela arrive, d’autant que sous l’ancien régime, Tchaourou avait échappé aux hommes du pouvoir. Parce que le groupe ethnique de l’ancien président n’y est pas majoritaire. Les autres ethnies présentes dans la commune ont tendance dès lors à marquer leur existence en votant contre Yayi.
C’est dire qu’il y a encore du travail dans la construction de ce que nous avons appelé le bloc national. Depuis l’élection législative de l’année dernière, le Bénin est entré dans une nouvelle phase de la construction de l’Etat-nation. Mais les performances de la loi ne suffiront pas à gommer les barrières identitaires. Ce sera le nouveau chantier des politiques.