Patrice Talon tient au respect scrupuleux du code électoral en ce qui concerne l’élection des maires. Autrement dit, dans les communes où une majorité absolue s’est dégagée en faveur de l’un ou l’autre des trois partis admis au partage des sièges, le chef de l’Etat appelle au respect de l’article 189 du code électoral qui stipule : « Le maire et ses adjoints sont élus par le Conseil communal en son sein, au scrutin uninominal secret et à la majorité absolue. Le candidat aux fonctions de maire ou d’adjoint au maire est présenté par le parti ayant obtenu la majorité absolue des conseillers ». S’il est vrai que pour ces communes, 34 pour l’Up, 20 pour le Br et 07 pour la Fcbe, il n’y pratiquement pas de soucis à faire, la maldonne pourrait être d’un autre ordre. En effet, pendant la campagne électorale, les partis ont présenté, dans la plupart du cas, les personnes qu’ils comptent élire au poste de maire, s’ils obtenaient la majorité absolue. Le choix de ces personnes, souvent tête de liste dans leurs arrondissements respectifs, a favorisé le vote des populations en faveur de telle ou telle autre liste. Maintenant que c’est fait et que le parti a obtenu la majorité absolue, il y a des tentatives de substitution de candidats au poste de maire. Par exemple à Cotonou, l’Up a fait sa campagne sur l’image de Luc Atrokpo comme prochain maire de Cotonou. Si au soir de l’élection du conseil municipal, c’est un autre conseiller Up qui est élu maire, l’article 189 du code électoral aurait été respecté. Mais la population de Cotonou aurait été flouée. Des substitutions de ce genre sont déjà en train d’être observées sur le terrain notamment à Lokossa où des leaders locaux de l’Union progressiste décident de faire maire une autre personne que celle dont le nom a été cité tout au long de la campagne. Evidemment, l’appel au respect de la loi lancé par le chef de l’Etat ne va pas au-delà de l’article 189 du code électoral.
Patrice Talon aura certainement un regard sur le respect de cette disposition dans les municipalités et dans les communes du Grand Nokoué. Mais il est évident qu’il ne peut maîtriser toutes les intrigues politiciennes, les intérêts partisans en jeu dans la désignation des maires des autres communes. Et déjà des manœuvres s’opèrent dans ce sens au détriment de l’intérêt général, le choix de celui qui a le meilleur profil pour impulser le développement à la base.
Des alliances contre nature en perspective
En dehors des communes où une majorité absolue s’est dégagée, des alliances sont indispensables dans 16 communes pour le contrôle des conseils communaux. Dans un tel contexte de négociations, de promesses de toutes sortes, les chances sont égales pour les trois partis. C’est une illusion de croire que l’Up et le Br, étant des partis siamois, sortis des entrailles du chef de l’Etat, vont d’office s’allier contre la Fcbe pour le contrôle de ces 16 conseils communaux. A Dassa-Zoumè, par exemple, l’Up et le Br ont chacun 12 conseillers et la Fcbe 01 conseiller. Il serait plus facile pour l’Up ou le Br de composer avec le seul conseiller Fcbe que de se mettre ensemble en partis frères. Avec le seul conseiller Fcbe, les discussions tourneront juste autour d’un seul poste à concéder, soit celui de 1er ou 2e adjoint au maire. Alors qu’une alliance entre l’Up et le Br suppose un partage à parts presque égales. Des exemples comme ça peuvent être de mise dans d’autres communes comme Ouèssè (UP : 11, Br : 09, Fcbe : 05); Savalou (Br : 11, Fcbe : 08, Up : 06); Dangbo (Up : 09, Br : 07, Fcbe : 03) ; Bopa (Up : 07, Fcbe : 07, Br : 05), etc. Dans ces conditions où entre en jeu l’intérêt d’un parti à préférer composer avec tel autre, même une consigne venant du chef de l’Etat pourrait rencontrer des résistances. Des gens sont même capables de convaincre le chef de l’Etat de l’intérêt pour le parti à composer avec Fcbe, qu’avec le parti frère siamois. Et c’est ce à quoi pense le député Br Abdoulaye Gounou quand il dit qu’une alliance avec la Fcbe n’est pas exclue. Encore que pour beaucoup d’analystes politiques, cette Fcbe là ne peut être véritablement prise pour un parti d’opposition.
Conformément à l’article 192 du code électoral, cette semaine commence l’installation des conseils communaux et municipaux, après la proclamation par la Céna des résultats des élections du 17 mai 2020. Les tractations commencées le week-end dernier se poursuivent dans les états-majors des trois partis admis au partage des sièges, l’Union progressiste (Up), le Bloc républicain (Br) et la Force cauris pour un Bénin émergent (Fcbe). Dans les communes où une majorité absolue s’est dégagée pour l’un ou l’autre de ces trois partis, on estime que le choix du maire ne devrait pas poser de problème. Ce n’est pas évident. Déjà des mécontentements naissent dans certaines communes où les leaders locaux tentent d’imposer leur choix contre la promesse faite lors de la campagne. Dans les communes où le jeu d’alliance s’avère indispensable pour le contrôle de la mairie, des alliances de contre nature ne sont pas à exclure.