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Communales/ Henry Amoussou au sujet de loi interprétative votée: «Le parlement est allé très vite en besogne»

Publié le mercredi 3 juin 2020  |  Matin libre
Henry
© aCotonou.com par dr
Henry Amoussou, Doctorant en Droit Privé et Chargé d’enseignement à l’Université de Reims Champagne-Ardenne
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Suite aux blocages dans le processus de désignation et d’élection des Maires dans plusieurs communes, le parlement béninois a depuis hier, mardi 2 juin 2020, pris une résolution. Celle d’adopter à l’unanimité une loi interprétative complétant le code électoral, afin de pallier ce blocus. Un procédé qui selon Henry Amoussou, n’est qu’une fuite en avant du législateur. Interview….

ML: Présentez-vous !

HA: Henry Amoussou je m’appelle. Je suis Doctorant en Droit Privé et Chargé d’enseignement à l’Université de Reims Champagne-Ardenne.



Après l’élection des conseillers, plusieurs communes n’ont pas pu pour l’heure élire leurs Maires soit pour rejet des candidats présentés ou encore l’existence de plusieurs candidats au sein des listes majoritaires. Comment interprétez-vous ce comportement des élus vis-à-vis de la loi ?


D’entrée, il faut noter que le processus électoral enclenché et en cours ne viendra à terme qu’à l’installation définitive des élus au niveau de la tête des mairies et arrondissements (après introduction des différents recours et règlements définitifs des contentieux électoraux par l’organe en charge qu’est la Cour Suprême dans le cas d’espèce). Ledit processus est prévu et régi sur une base légale. Et ce n’est rien d’autre que la loi portant code électoral qui constitue cette base légale. L’élection des Maires et Chefs d’arrondissement que vous venez d’évoquer doit par voie de conséquence se tenir sur la base de cette norme juridique. Cette dernière (Loi n°2019-43 portant code électoral en République du Bénin) prévoit l’élection du Maire et de ses adjoints en son chapitre II, et plus précisément aux articles 189 et suivants. L’article 189 de cette loi en vigueur jusque-là en l’occurrence dispose : << Le maire et ses adjoints sont élus par le Conseil communal en son sein, au scrutin uninominal secret et à la majorité absolue. Le candidat aux fonctions de maire ou d’adjoint au maire est présenté par le parti ayant obtenu la majorité absolue des conseillers >>. Nous référant à cette disposition, nous ne saurions condamner les conseillers élus et ne pouvions interpréter autrement leurs comportements si ce n’est dire, qu’ils sont dans la légalité. Nous pouvons pour ne pas nous voiler la face, relever juste des intrigues politiques au sein des partis politiques ayant obtenu les majorités absolues. Une absence de consensus autour d’un candidat unique qui relève de la cuisine politique interne desdits partis et sur laquelle je ne saurais me prononcer, puisque n’étant pas acteur politique. Cependant, je peux trouver une autre explication à cet état de chose qui bloque le processus électoral en cours en évoquant une probable insuffisance de la loi.

Justement, après donc le blocage de l’élection des Maires dans plusieurs communes, les députés ont décidé de réviser le code électoral en vigueur pour une deuxième fois en moins d’un an. En attendant d’avoir l’intégralité des nouvelles modifications apportées, qu’en dites-vous ?

Je présume qu’il y a eu une prise de conscience active ou automatique de la part du législateur, par rapport à certaines insuffisances de la loi portant code électoral. Ce qui fait qu’il a préféré en plein processus au lieu d’une loi modificative, simplement voter une loi interprétative. Ceci, pour lever l’ambiguïté par rapport aux dispositions qui créent ce blocage juridique. Seulement, dans tous les cas, avant qu’il ne s’agisse d’une loi modificative ou une loi interprétative, des conditions devraient être réunies. Et parlant de loi modificative, je crains qu’elle soit une option à adopter dans les conditions actuelles pour ne pas donner l’occasion à tous de chanter ce dogme standard de “changement de règles du jeu en cours de jeu”, qui est d’ailleurs une pratique prohibée. Et cela dit, je peux répondre déjà à la question de savoir si c’est la meilleure solution. Une loi modificative à l’heure actuelle n’en est une en principe.

Quid alors d’une loi interprétative et pourquoi?

Elle, à priori, oui. Une loi interprétative à priori. Mais pour en arriver là, il faudrait normalement laisser le processus électoral suivre son cours, laisser la Cour Suprême connaître du contentieux électoral en relevant ce blocage juridique lié à la désignation des candidats au poste de maire (conformément à l’article 192) du code électoral. Ceci parce-que l’entrée en vigueur de la loi portant code électoral n’avait été conditionnée au vote d’une loi interprétative au préalable. La preuve est que le processus électoral est en cours actuellement et régi par la loi portant code électoral, comme je l’ai eu à rappeler supra. Si le juge se sent donc capable de régler le contentieux en interprétant la disposition qui pose problème et favoriser un dénouement de situation, nous pourrions taire toutes les polémiques actuelles. Mais au cas où le juge électoral au niveau de la Cour suprême n’y arrivera pas, il pourra saisir le législateur sur la base d’un “référé législatif” pour que ce dernier vote une “loi interprétative” du code électoral en ses dispositions objet de polémiques.

Donc cette manière actuelle de procéder par le parlement est une façon de mettre les charrues avant les bœufs ?

Charrues avant les bœufs, je ne qualifierai ça ainsi mais plutôt une fuite en avant sur fond de bris des étapes. D’aucuns pourraient dire que le législateur a vu le danger se profiler à l’horizon. Mais l’idéal aurait été d’attendre un échec de l’organe chargé du contentieux et la saisine ensuite du législateur par un référé législatif. Qui sait si le consensus aurait été trouvé suite aux premiers reports des élections de maires? Le parlement est allé très vite en besogne.

Quelles seront les implications de cette démarche sur le processus électoral en cours ?

Sur la base de cette la loi interprétative donc, le législateur pourra éclairer les uns et les autres. Cela relève du pouvoir législatif qu’il exerce. Par rapport aux implications, à priori il ne devrait en avoir que sur les communes n’ayant pu élire leurs Maires et/ou qui ont porté le contentieux au niveau de la Cour suprême. La loi interprétative devrait simplement permettre à l’organe chargé du contentieux d’aider lesdites communes à avoir leurs dirigeants.

Quelles sont les causes selon vous de toutes ces instabilités juridiques ou révisions régulières du code électoral ?

Je ne parlerai pas “d’instabilités juridiques” car cela peut se traduire par “vide juridique”. Ce qui n’est le cas actuellement car la norme existe, juste son interprétation et par ricochet son application pose problème. Aucune œuvre humaine n’est parfaite et la recherche quotidienne de “clarté, d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi qui sont des caractéristiques érigées en principes à valeur constitutionnelle dans le droit positif béninois” peuvent expliquer et justifier cet état de chose décrié par tous. Je dirai même que ces types de blocages juridiques constituent pour nous une chance nous obligeant et le législateur surtout à œuvrer pour le respect de ces caractéristiques de la loi, érigées en principes. Ce, après avoir pris conscience des limites de nos textes de lois.

Comment y remédier définitivement ?

Un remède définitif n’existe malheureusement pas. Car, les lois sont votées au regard des contextes tant juridiques que socio-économiques et elles méritent adaptation ou toilettage au fur et à mesure que ces contextes évoluent ou changent.

Un mot de fin ?

J’appelle tout simplement en dépit de tout, les uns et les autres au calme et à laisser le législateur dans son rôle. La loi (le texte en lui même) existe mais l’on ne peut la dissocier de l’esprit de la loi qui fait appel à son interprétation en vue de son application. Et cela justifie d’ailleurs la jurisprudence abondante, l’existence des revirements jurisprudentiels, qui constituent tous des sources du droit. Je vous remercie.

Réalisation: Janvier GBEDO (Coll.)
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