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Claude Djankaki, Analyste Politique, « Sous l’arbre à Palabre » à l’Evènement Précis : «Le multipartisme intégral a disparu au Bénin»

Publié le jeudi 11 juin 2020  |  L`événement Précis
Claude
© aCotonou.com par Didier Assogba
Claude Djankaki, expert en Décentralisation et écrivain lors de la conférence de presse du président Nicéphore Soglo sur l`actualité africaine et Béninoise
Cotonou, le 05 Décembre 2017. L`ancien Président Nicéphore Soglo fait son méa culpa au Béninois pour le choix de Talon en 2016 et parle de l`actualité africaine.
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Au lendemain des communales du 17 mai dernier, l’analyste politique, Claude Djankaki, a saisi la tribune de la rubrique “Sous l’Arbre à Palabre” pour dire sa part de vérité sur le scrutin électoral ayant conduit à la victoire de 3 partis politiques pour la constitution des élus communaux et municipaux dans les 77 communes du Bénin. Face aux journalistes, l’Expert en Finances Publiques et Décentralisation, bardé de diplômes, a notamment opiné sur le faible taux de participation aux élections communales, l’exclusion de certains partis politiques de ces élections à travers le contenu de l’ancien code électoral, et bien d’autres aspects. Très déçu de destruction du modèle démocratique béninois, Claude Cossi Djankaki qui a vécu les moments forts de la conférence nationale et fortement travaillé pour l’avènement de ma décentralisation se désole de voir le système partisan galvaudé. C’est pourquoi il réaffirme sa désapprobation des réformes entreprises sur le plan politique par le Chef de l’Etat Patrice Talon. Conscient que le Chef de l’Etat est très sollicité actuellement par les acteurs politiques de la mouvance pour un second mandat en 2021, L’ancien secrétaire général administratif adjoint de l’Assemblée nationale, Claude C. Djankaki souhaite que le Président Talon remplisse son contrat solennel de faire un mandat unique, comme annoncé lors de sa prise de fonction en 2016.

Et si on en parlait

Comment appréciez-vous le processus électoral qui a démarré depuis quelques jours ?

Quand on est Sous l’Arbre à Palabre, il faut parler un langage franc et direct. Un adage aïzô dit : « Yé dou adjôgbô dô nouwanou mon non gon ». Dans la tradition Aïzo, il y a une danse qu’on appelle Adjôgbô. C’est une danse qui s‘exécute après les décès. Les danseurs arrivent, dansent, et à un moment donné, le rythme change et ils meurent tous ensemble. Après des rituels qui se font, ils reviennent en vie et se relèvent tous encore ensemble. Le fou du village qui a observé la danse s’est mis à rire pour dire : « ceci frise un arrangement. C’est comme un complot pour tromper les hyper intelligents comme moi ». Je vous raconte cette histoire parce que beaucoup de gens font usage de cet adage qui dit : « « Yé dou adjôgbô dô nouwanou mon non gon, édô édï sébla ». Telles que les élections sont organisées chez nous, nous voyons et nous constatons que c’est arrangé. Mais il y a cette peur qui fait que personne n’a envie de dire la vérité de ce qu’il observe. De mon observation, je trouve que ce qui se passe est grave.

Est-ce la cause du taux de participation obtenu pour les élections communales ?

Il y a de l’exclusion et le pourcentage l’exprime. De mon point de vue, le pourcentage obtenu est bas mais élevé. C’est élevé parce que pour les législatives, il y a eu 83 députés titulaires et 83 députés suppléants réunis pour solliciter les suffrages des électeurs. C’est ce qui a conduit au taux de 23% obtenu et qui a été bonifié par la Cour constitutionnelle à 27%. Quand on parle maintenant de 49%, les gens disent que c’est élevé parce que, cette fois-ci, il y a eu près de 1200 candidats positionnés par chaque parti comme titulaires plus 1200 environ comme suppléants, multiplié par les trois partis. Ce sont donc ces milliers qui sont allés vers les électeurs et comme c’est une élection de proximité, il y a des gens qui, étant donné qu’il y a un frère ou un cousin sur la liste, sont allés voter. Ce facteur aussi a joué et si on enlevait tout ceci, on n’aurait même pas 49%. Cela veut dire que la force de la mouvance s’est mobilisée et elle n’a pas pu réunir les 50% des inscrits sur la liste électorale. Pour ceux qui disent être satisfaits du taux de 49% obtenus pour ces élections, ils verront qu’on n’atteindra même pas 10% pour la présidentielle de 2021 quand le président sera candidat à sa propre succession face à quelques plaisantins qu’il aura choisi lui-même pour la compétition. Le boycott sera fait de telle manière que les gens n’iront pas voter mais, les résultats seront proclamés car, au Bénin, nous sommes nés avant la honte. Les résultats seront proclamés mais à l’international, les gens verront que nous avons élu un chef d’Etat illégitime. Tel que les choses évoluent, nous arriverons à ce résultat.

Pensez-vous qu’il y a eu un impact considérable par rapport au 56% obtenu en 2015, alors que la pandémie du coronavirus est aussi intervenue ?

La pandémie est intervenue mais il a été demandé aux électeurs d’aller voter. Qu’est-ce qui presse tant que ça ? Nous avions organisé ensemble les élections locales. Pourquoi aujourd’hui, faut-il forcément différer les élections locales et avec un empressement, aller organiser les élections communales et municipales ? Nous cherchons souvent des justificatifs à nos actions. La France a différé l’organisation du second tour. Sur les 36000 communes, plus de 30.000 sont allées aux urnes. Aujourd’hui que la France a voulu organiser le second tour, on dit déjà que le Bénin a fait école et la France veut suivre, alors qu’en France, les élections n’auront pas lieu sur toute l’étendue du territoire français à cette période de l’urgence sanitaire. C’est un peu comme ici où sur les 77 communes, on organise les élections pour 16 communes.

Le code électoral a imposé un certain nombre de conditions. Ne pensez-vous pas que tout ceci constitue des restrictions pour ceux qui voulaient aller aux élections ?

C’est une loi votée par les deux partis siamois et il n’y a aucune voix dissonante à l’Assemblée nationale. S’il y avait au moins l’opposition à l’Assemblée nationale, ils pouvaient au moins écouter l’opposition et corriger. C’est fait à dessein pour exclure les autres et faire partager leurs sièges. C’est ce qui s’est passé et je l’avais dit, à l’époque. Sur ma page Facebook, j’avais expliqué les dangers de cette loi et c’est ce que vous constatez aujourd’hui. Au finish, vous verrez que des maires seront difficilement installés dans certaines communes. On le savait et on le disait depuis longtemps. Donc, ce n’est pas nouveau pour moi puisque je le savais.

Pensez-vous que l’affaire des 10%, c’est pour exclure des partis ou des ambitions personnelles ?

C’est pour non seulement exclure mais pour tracer un boulevard pour 2021. Si vous prenez les chiffres depuis le renouveau démocratique, vous verrez qu’en dehors du parti au pouvoir, aucun parti n’a pu obtenir ces pourcentages. Le PSD de Amoussou Bruno dans le Mono, ne franchit jamais la barre des 10%. Le PRD dans l’Ouémé et le Plateau, tourne sensiblement autour de 7 à 8%. Et, ces élections ont révélé encore ce que nous savons. Le fils du terroir a prévalu. C’est vrai que le parti au pouvoir peut engranger des scores un peu partout parce qu’il a des partisans un peu partout. C’est ça qui fait qu’ils se sont retrouvés autour de 30 et quelque pour cent. Mais, ce sont les partis au pouvoir. Un parti qui est au pouvoir avec le ton de campagne que nous connaissons: « si vous ne nous suivez pas, vous n’aurez pas d’école, vous n’aurez pas de dispensaire, vous n’aurez pas de l’eau et d’électricité, vous n’aurez pas ceci, vous n’aurez pas cela ». Tout cela est fait et pourtant, on a eu ce score. Par contre, pour un parti qui n’est pas au pouvoir, ça va être difficile. C’est pour ça que c’est fait à dessein et c’est contre les principes de la décentralisation. La décentralisation, c’est quoi ? Le premier principe comme je me plais à le dire, c’est la règle de la subsidiarité. Cette règle dit quoi ? C’est régler les problèmes là où ils se posent avec ceux qui sont là. Or, aujourd’hui, je l’avais dit. Je disais qu’au soir du 17 mai, des partis auront 70% des suffrages exprimés et ils n’auront pas le moindre siège dans les conseils communaux où municipaux. Si vous prenez aujourd’hui par exemple le PRD, ce parti a sept sièges à Cotonou mais frappé par le critère de 10%, l’UP et le BR se sont partagés les sept sièges. Cela veut dire alors que si le PRD n’était pas éliminé aucun parti ne serait majoritaire. A Porto-Novo ce parti fait plus de 47% alors que l’UP et le BR n’ont pu atteindre ce score. L’UP et le BR réunis sont en dessous des voix de PRD à Porto-Novo et curieusement ce sont ces deux partis qui règnent en maître et le PRD est exclu. Quelle horreur, quelle tragédie, quelle hérésie, surtout qu’un tel système valorise des médiocres locaux et élimine les candidats légitimes. Et ça, on le savait et c’est pour cette raison que je dis qu’il faut éviter les lois d’exclusion. Et ce régime, c’est sa spécialité.

A vous entendre, quelle analyse faites-vous des résultats qui sont sortis des urnes ?

Les résultats qui sont sortis des urnes montrent clairement que certains partis avec 70% des voix au plan local et moins de 10% de voix au plan national sont exclus alors que des partis avec moins de 40% des voix au plan local et un peu plus de 10% au plan national ont pu tirer leur épingle du jeu. En définitive on élit aujourd’hui des maires avec des jets de pierre à la sortie parce que ce n’est pas ça la volonté populaire. Ce qui caractérise la décentralisation c’est lorsqu’on permet aux élus de régler par leur délibération les affaires de la commune. Cela veut dire qu’un élu peut être fort et influent dans sa localité sans être connu au plan national.

Visiblement, vous soutenez l’idée que le pourcentage devrait être local et non national ?

Est-ce que ce pourcentage-là, on l’a même appliqué aux députés qui sont censés être les représentants du peuple? C’est ça le vrai problème. Vous savez, la décentralisation a des principes. Si ce n’est pas en France ou en Allemagne où le système centralisateur est tel qu’on organise les élections avec les structures d’organisation nationale, ça ne se passe pas comme ça. Ailleurs, on n’a même pas besoin d’organiser les élections locales le même jour ni avec le même mode de scrutin. Chaque région peut trouver le mode de scrutin qui lui convient. C’est d’ailleurs pour ça que quand vous lisez la loi, vous verrez qu’on parle d’autonomie de gestion. Quelle autonomie vous voulez alors que tout est dicté par le pouvoir central? Il ne faut donc pas exclure pour la forme. Ce sont des élections de proximité. Dans une localité tout le monde se connait. Il faut donc éviter des manipulations dans une société d’inter connaissance qui est la nôtre. Tout le monde doit être impliqué dans une élection de proximité. Vous étiez là lors de l’élaboration de la loi sur les partis politiques et l’avènement du multipartisme intégral. Vous êtes encore là aujourd’hui et vous vivez la réforme politique qui permet seulement à une poignée de partis d’aller aux élections. Cette loi n’est-elle pas meilleure que l’ancienne ?

Vous voyez, c’est là l’erreur que nous commettons chez nous au Bénin. On réforme pour réformer ce qui est par nature antidémocratique, c’est-à-dire le savoir et la pensée unique (pourquoi vouloir démocratiser ce qui est par nature antidémocratique). On part des idées nobles pour chercher à réformer ce qui n’a pas été expérimenté. Vous avez parlé de 300 partis politiques, non, mais quels problèmes ces 300 partis politiques ont créés, par rapport à cette réforme où sa première application en 2019 s’est soldée par des violences et des morts ? Je vais vous dire quelque chose. Vous savez, pour montrer à quelqu’un que telle chose est mauvaise, on part des idées nobles. Des idées que personne ne soupçonne les impacts à court, moyen et long terme pour aller détruire in fine. Ces 300 partis là, si vous les prenez et que vous faites une étude là-dessus, vous verrez qu’en réalité, nous n’avons que trois partis. Ou bien trois types de partis, si on doit parler de la typologie. Vous verrez les grands partis et ces grands partis, j’avais mené une étude sur eux. C’était en 1995 je crois et on a cherché à savoir quels sont ces partis qui ont eu plus de cinq députés à l’Assemblée Nationale: ce sont le RB , le PRD… Après ces grands partis, il y a ceux-là que j’appelle les partis intermédiaires qui ont moins de cinq députés à l’Assemblée nationale et ensuite les petits partis. Donc, nous avions 300 partis mais en réalité, nous n’avions que quelques partis que tout le monde connait et qui font le jeu démocratique. Donc, nous parler de 300 partis et aller organiser quelque chose qui nous donne le parti républicain, progressiste du Bénin(PRPB) que dis-je (l’UP et BR), un parti unique à deux branches, c’est la même chose que le parti de la révolution populaire du Bénin PRPB d’alors qui nous a conduit à la conférence nationale. C’est le PRPB sous une autre forme. C’est ça les deux partis et c’est comme ça que moi je vois les choses. Quand c’est comme ça, c’est grave. Quand vous ne faites pas de recul pour mieux analyser la situation, vous allez continuer dans la même lancée croyant aider le chef de l’Etat. Moi personnellement je prie pour lui. Parce que je connais le Béninois. Lui, il fait de l’exclusion au profit des gens qui sont aujourd’hui députés, maires mais ceux-ci vont se retourner contre lui dès l’avènement d’un nouveau régime. La preuve, les deux partis se réclament de lui mais ils ne peuvent pas s’entendre à propos du parti majoritaire et il eût fallu aller chercher une loi interprétative avant de poursuivre le processus d’installation des maires. Ce qui fait dire à certains de nos compatriotes que le Bénin est le seul pays au monde qui dispose une VAR pour ses élections. C’est ça qui m’amène à dire qu’on a dansé Adjogbo en présence d’un déréglé mental : ça semble de la conspiration, du complot. Même ceux qui, de bonne foi, croyaient que ce qui se fait là est bon, ils commencent par se réveiller déjà. Nous étions quelques rares personnes qui criions et qui disions que ça ne va pas. Normalement, on doit nous encourager à faire des critiques constructives mais à des moments donnés, il y a des chiens de garde du régime qui se jettent sur vous à la moindre critique alors que ces voix dissonantes peuvent amener le pouvoir à mieux faire.

Quel est l’avenir de ces deux partis, PRD et UDBN qui n’ont pas de siège de conseiller, au vu de la loi ?

En fait, dans l’esprit du pouvoir, il n’y a que trois partis politiques aujourd’hui parce qu’il n’y a que ces trois qui ont pu franchir la barre des 10%. Les autres n’existent pas si ce n’est pas la loi, ou ne comptent pas. En politique, c’est la conquête du pouvoir qui est l’objectif de l’existence des partis politiques : si vous n’avez pas ce pourcentage-là, vous ne pouvez donc pas conquérir le pouvoir. Par contre les partis qui ne participent pas au jeu électoral après deux élections n’existent plus. La loi a dit réforme du système partisan, il faut de grands ensembles et elle fixe les grands ensembles qui sont le BR et l’UP. Les autres partis qui ne sont pas dans la logique doivent subir les mesures de rétorsions et de représailles sans appel. Certains militants ont dû choisir entre les deux blocs en fonction des amitiés ou des inimitiés pour sauver leur tête, car c’est mieux d’être avec le chef que contre le chef. Moi j’ai été délégué à la conférence nationale de février 1990 et je sais ce qui s’est passé. De la même manière, j’ai conduit le projet d’appui de la décentralisation/déconcentration et j’ai suivi de près les débats qui ont précédé l’adoption de tel ou tel article. Donc je n’ai pas intérêt à ne pas être franc envers la jeunesse parce que d’abord, si vous me trouvez peut-être un peu sévère, c’est parce que j’ai écrit des ouvrages sur la base de mes principes et j’ai des amis qui me lisent aux plans national et international. Je n’ai pas envie de faire ce revirement à 360° comme d’autres intellectuels pour qu’on me dise : qu’est-ce qui a pu changer ? Et c’est ce qui se passe aujourd’hui lorsque certains écrivent sous la dictée du pouvoir. De grands professeurs de renom parlent et les étudiants ne se reconnaissent plus. Moi je ne peux pas et je ne veux pas me comporter comme ceux-là.

Quelle est votre appréciation des blocages de la désignation de l’exécutif de certaines communes ?

Ce sont les deux partis qui sont à l’Assemblée nationale sans opposition qui ont concocté la loi. En l’espèce, ils se sont dit, là où toi UP tu es fort, moi BR je te laisse contrôler le conseil communal ou municipal; vice versa. En réalité, Le BR et l’UP, sont deux formations dont l’un contrôle le nord et l’autre le sud, ce qui les met tous dans la tranche des 30 à 40%. Un savant dosage pour broyer toutes les voix dissonantes. Par endroits les calculs politiques qui peuvent défier les choix portés sur les personnes devant animées l’exécutif communal la solution a été de mettre en veilleuse les élections pour aller chercher une loi interprétative des deux arbitres joueurs à l’assemblée nationale pour sauver les meubles.

Quels sont les défis de cette 4ème mandature, selon vous ?

Normalement, les défis de la décentralisation sont l’exercice de la démocratie à la base et le développement local. Et la démocratie, c’est la pluralité des opinions. Tout maire doit respect au Chef de l’Etat, mais ce respect ne doit pas se transformer en obédience aux partis au pouvoir(UP et BR). C’est-à-dire que comme je dois respect au chef, je le respecte de telle manière que s’il crée son parti, je rentre dedans. C’est ce qui s’est malheureusement passé et tous les 77 maires veulent être de la mouvance et voilà le résultat sur le terrain. Pour me résumer, je dirai que nous avons tout expérimenté déjà au Bénin, tous les systèmes politiques. On avait même eu des vice-présidents de la République. On a même eu trois personnes au pouvoir ensemble (la troïka). On a tout expérimenté. Donc, tout ce qu’on fait aujourd’hui, ce n’est que la réinvention de la houe dont on connaît déjà l’issue.

Le classement Fadec de l’année 2019 a fait constater qu’il y a des communes qui sont encore en retard par rapport à l’exécution de certains projets. Qu’est-ce qui peut expliquer ces retards, selon vous ?

À cette question, je n’ai pas de réponse. Je ne peux qu’émettre des hypothèses. La première, je dirai que cela peut-être dû à la planification. La seconde, cela peut être dû aux procédures d’exécution des dépenses.

Parlant de la planification, je prends l’exemple d’une commune dont la priorité est de construire des salles de classe, parce qu’on a constaté qu’il y a des élèves sous les arbres ou qui sont assis sur des briques. Si dans une commune comme ça on veut construire un hôtel de ville de haut standing, cela peut traîner. Ou bien au lieu de construire l’hôtel de ville qui réunit tous les services, on décide de construire un hangar ici, des appâtâmes par-là, ça peut se heurter au refus et ça peut traîner aussi. Ou alors, au niveau des conseils communaux, peut-être, il y a des clivages qui ont empêché le conseil de voter son budget à temps. À supposer que ce soit le budget de l’année dernière qui est reconduit pour la nouvelle année, or on attendait que le nouveau budget soit voté et exécuté dans la volonté de faire avancer les choses en complément du Fadec. Si au niveau de tout cela, il y a un problème, il est clair donc que cela puisse être ressenti sur le taux d’exécution.

Ce ne sont que des hypothèses. Pour avoir la vraie réponse, il faut aller vers les auditeurs ou le responsable de la structure. Mais en tant que financier qui connaît les procédures, je pense aussi que ça peut-être les raisons qui justifient un tel taux d’exécution. Ou alors, il y a les calculs politiques en dessous. Prenons par exemple 2019 et 2020 où nous sommes déjà en processus électoral. Les gens peuvent dire, si on donne la possibilité d’exécuter le budget de l’année en cours au maire sortant, il va se faire de l’argent, et pour cela il faut le bloquer. Il y a donc assez d’hypothèses à cette question.

Parlant de la gouvernance Talon, que pensez-vous des 4ans écoulés?

La gouvernance Talon…vous êtes tous ici (au Bénin). Et personne n’est venu d’ailleurs hier que je sache. Alors, aujourd’hui, nous avons ceux qui disent que tout va bien, d’un côté et de l’autre, ceux qui disent que tout va mal. Voilà le climat dans lequel nous vivons. Pour l’analyste que je suis et en ayant le regard sur les deux camps, je mène le raisonnement suivant. Pour ceux qui disent que tout va bien, ils sont généralement ceux qui ont combattu le candidat TALON mais avec le talent de se retrouver dans le camp de la victoire, même les réformes qui créent des remous et de l’exclusion sont des prouesses mais lorsque vous les rencontrez en apartheid ils vous disent, il n’était pas mon candidat mais puisse que vous l’avez décidé ainsi nous le soutenons contre vents et marées. En réalité, ils disent tout bas tout va mal et tout haut ils disent tout va bien. Il s’agit d’une hypocrisie collective à nulle autre pareille.

Pour ceux qui disent que tout va mal, ce sont généralement les partisans du Président TALON aux premières heures de la rupture qui sont aujourd’hui exclus de tout et certains contraints à l’exil.

Dites-nous, vous vous situez où dans les deux catégories ?

Vous me connaissez bien. Moi j’ai toujours critiqué Yayi Boni quand il était au pouvoir. Aujourd’hui je critique le Président TALON par rapport à sa gouvernance qui ne me permet pas de regretter le Président YAYI Boni. Moi je suis un observateur dans une position médiane car je suis formée dans l’administration publique ayant le sens de l’Etat et des responsabilités. Je cherche l’intérêt général. Et donc, quand je vois que cet intérêt général est menacé, je donne mes avis techniques en conséquence. Donc c’est ce que moi je fais. Aujourd’hui, je n’ai personnellement rien contre le président TALON qui du reste a fait une partie de ses études dans mon village à Toffo sous notre Directeur d’école Monsieur TALON Bernard son oncle. Le fait de me sentir éventuellement proche de ceux qui disent que tout va mal n’est que l’expression de ma franchise car ceux qui disent que tout va bien tout haut disent également tout va mal en raison de l’hypocrisie et la méchanceté qui caractérisent l’homme béninois comme l’a si bien démontré Emmanuel MOUNIER.

Je vais vous dire le nœud de mon désaccord avec les réformes. Moi j’étais à la conférence nationale. Beaucoup de gens ne savent pas pourquoi on a adopté le multipartisme intégral. Et c’est dans la constitution de 11 décembre 1990. C’est comme une prophétie afin de décourager tous ceux qui pourraient éventuellement profiter de leur situation dominante pour créer des partis politiques à leur compte et empêcher d’autres d’en créer pour équilibrer le paysage politique nationale. Ceci étant, cette prophétie est-elle réalisée? Les délégués à la conférence nationale n’ont-ils pas prédit ces dérapages en y apportant des solutions ? Où en sommes-nous aujourd’hui avec notre entêtement à vouloir tenter coûte que coûte le diable ? C’est pourquoi à chaque fois, l’on parle de consensus national à valeur constitutionnelle. Pourquoi on disait cela ? Parce qu’on a compris ce qui s’est passé sous la révolution et même avant. Et on a essayé de voir les forces et faiblesses des anciens textes pour construire une démocratie participative.

On a dit alors de laisser celui qui veut créer un parti, de le faire. Donc, le multipartisme intégral. Voilà donc une constitution qui proclame ce multipartisme intégral et c’est sous cette constitution qu’on a adopté ces réformes d’exclusions. Donc toutes les lois sont violées «violemment « y compris la constitution. Et quand l’esprit du multipartisme disparaît, voilà ce que ça crée.

C’est pour cela que quand vous allez dans les pays anglo-saxons, ils ont leur méthode qu’on appelle le Brainstorming où tout le monde doit pouvoir parler. Même l’alcoolique qui est en face doit parler car la solution peut venir d’un simple individu pour s’imposer aux autres. Nos parents comprenaient tellement bien tout cela qu’ils n’embrigadaient pas la parole sous l’arbre à palabres. Parce que ce qui est cher pour l’alcoolique peut être le début des recherches de solution au problème qui est posé.

Avez-vous d’autres observations ?

C’est avec beaucoup d’émotion qu’un soir, alors que j’étais dans mon salon, j’ai suivi la présentation du programme d’action du gouvernement. Une très bonne présentation de laquelle j’ai retenu que le gouvernement a 4 projets phares. Au nombre de ces projets phares, il y a la voie du contournement nord de Cotonou, qui est un très bon projet. Mais, malheureusement ce n’est pas exécuté. On m’a aussi parlé de l’aéroport de Glodjigbé, parce que ça fait partie des projets phares du gouvernement. Moi qui ai parcouru certains pays du monde, j’apprends que l’aéroport sera à Glodjigbé et dans le même temps l’aéroport est desservi par le petit pont Djonou des années 30 de Godomey. Si une pluie tombe on ne pourra même plus aller à l’aéroport de Glodjigbé parce que le pont sera envahi par les eaux, ce projet n’est peut-être pas prioritaire pour l’instant même si c’est un projet majeur. Je tolère par contre l’aéroport de Parakou à cause de sa situation géographique. On me dit par exemple qu’on doit enlever le marché Dantokpa pour l’implanter à Calavi. Des gens ont encouragé ce projet mais moi de mon observation, je trouve que c’est mauvais parce que si vous prenez la typologie des communes, vous verrez que nous avons des communes lacustres où les gens ne se déplacent qu’avec leur pirogue pour venir s’approvisionner ou pour vendre leurs produits. Sans rien observer, on dit qu’on enlève ce marché alors qu’il n’est pas mis là pour rien. Il joue un rôle d’équilibre entre les communes lacustres de So-ava et des Aguégué. On ne déplace pas comme on veut un marché. Si on le déplace, il ne s’anime plus. Allez revisiter tous les marchés déplacés et revenez moi pour les détails. C’est pour cela qu’à des moments donnés les études d’impacts environnementaux sont nécessaires à la phase d’étude des projets. Moi j’ai une approche systémique des choses contrairement à l’approche analytique à laquelle nous sommes habitués.

Quelles sont les pages vertes dans le fonctionnement de ce régime que vous relevez ?

Quand on est dans un système qui a fait son petit bonhomme de chemin pendant 30 ans, on ne vient pas le déstabiliser. Si l’on ne fait pas la part des choses, vous allez vite me comptabiliser parmi ceux qui disent tout va bien et après rien ne va. Voilà pourquoi je dis le rétablissement de la démocratie doit être une priorité par rapport aux projets qu’on nous agite çà et là et dont la suivie dépend de la cohésion nationale. Ce qui est bon pour moi peut ne pas l’être pour d’autres et vice versa.

Un invité nous a dit ici que ce qui est bon dans ce régime c’est le fait qu’il a lutté efficacement contre la corruption avec la création de la Criet qui fait que désormais le vol, le détournement ont un peu cessé ?

Oui on a créé la Criet mais, est-elle au service de la justice et de l’équité? C’est ça la vraie version des choses. La Criet est là. Pourtant, on n’a pas touché aux dossiers de l’Assemblée Nationale, de Maria-gléta et entre temps on a acheté des motos au ministère de l’environnement. C’est parce c’est le camp de ceux qui disent que tout va bien. Au même moment nous luttons contre la corruption, j’aurais souhaité une lutte implacable qui concerne tous les dossiers de la nation. C’est pourquoi moi personnellement avant de me prononcer sur une question, je reste dans une logique de justice et de l’équité..

Les Cotonois voient beaucoup de pavés, beaucoup de goudrons et vous avez une autre approche parlant de l’asphaltage ?

Pour ceux qui pensent que je suis contre l’asphaltage, j’ai simplement opiné sur ma page Facebook qu’il faut laisser ce qui relève des compétences des communes aux communes. Et à l’Etat les routes internationales, nationales et intercommunales. Ce qui est en cause c’est plutôt la maîtrise d’ouvrage. L’Etat arrache aux communes cette compétence sous prétexte des détournements de fonds publics au lieu de jouer le rôle de gendarme derrière les maires incriminés. Les maires ne sont donc bons que dans les soutiens aux PAG et très médiocres lorsqu’il s’agit de les laisser jouer leur rôle de leadership communal. C’est ce que je déplore. Ce que moi je vois après le renouveau démocratique depuis plus de 20 ans, c’est que chaque régime qui vient faire de l’entretien des voies une priorité pour dire qu’il a construit des milliers de kilomètres de voies sans que l’on ne constate de nouvelles constructions de voies pour l’aménagement du territoire. Il faut commencer par construire ce qui est nécessaire pour le pays au lieu d’en faire un exploit, l’entretien des routes de l’époque du roi Agadja.

Et de tous ces projets lequel vous a plu ?

Ce que moi je veux pour nos gouvernants aujourd’hui, c’est l’aménagement du territoire. S’occuper essentiellement des voies tracées depuis Agadja qui est dépassé aujourd’hui. Et c’est pour cela que la question que vous évoquez est venue sinon je l’avais évoquée sur ma page Facebook. Tenez, Porto-Novo est à dix kilomètres de Calavi à vol d’oiseau. Et je dis : « Mais qu’est-ce que ça coûte à nos gouvernements, même à bras d’hommes d’ouvrir des tranchées pour mettre des pirogues, pour favoriser au moins le transport fluvial ? » Quand vous arrivez à Zinvié, Adjohoun est en face de vous, juste une rivière vous empêche d’y accéder. Quand vous êtes à Zè, Bonou est tout proche mais pour y aller, il faut contourner à partir de Cotonou et Porto-Novo. La liste est longue , elle n’est donc pas exhaustive. C’est pourquoi je suggère le nécessaire avant l’agréable que constitue certaines ruelles de Cotonou.

4 ans de gouvernance, deux visites du chef de l’Etat au Nord, est-ce normal?

C’est normal. Vous voulez que je dise que ce n’est pas normal? Qu’est-ce qu’il va chercher dans les contrées, si ce n’est pas allé auprès de l’électorat ? Vous savez, dans les petits pays qui sont les nôtres, pour se faire réélire, il suffit de tenir les soixante-dix-sept maires et on est en train de les tenir. Les quatre-vingt-trois députés on les tient, qu’est-ce qu’on ira chercher encore au Nord ? On n’a plus besoin d’aller au Nord.

2021 c’est déjà presque là dans quelques mois. Si on vous demandait ce que vous voudrez pour Patrice Talon, puisque vous parlez de sa réélection.

Moi de toutes les façons, je ne dis rien de différent que ce que lui-même a dit. Lui-même le jour de son investiture, nous a dit «pour mon mandat unique je ferai ci je ferai ça». Il a dit ça. Donc il a envie de faire un mandat unique. Nelson Mandela n’a pas évoqué un mandat unique, portant il l’a fait. Soglo a voulu d’un second mandat il ne l’a pas eu. Donc quand moi je vois tout ça là, je ne peux pas opiner, mais je ne peux que souhaiter qu’il reste dans sa logique. Il a voulu d’un mandat unique. C’est cela, encourageons-le à son mandat unique car on juge l’homme sur sa parole.

Et s’il changeait?

C’est aussi son droit de changer.

Et en ce moment ce sera quoi votre combat?

Mon combat est d’abord le rétablissement de la démocratie, mon combat c’est de ne pas restreindre la liberté d’expression. Mon combat c’’est d’ouvrir la compétition à d’autres pour le bonheur de ce peuple meurtri affligé.

S’il revenait en tant que candidat, pensez-vous qu’il sera réélu sur la base des résultats qu’il a obtenus pendant son premier mandat?

Je sais que vous avez la réponse et vous voulez quand même mon avis. Oui, puisqu’il sait le sentiment de chacun de nous. Et c’est pour cela que les élections dans notre pays, il y a une autre formule pour contourner la volonté populaire. Donc c’est cela. Pensez-vous que si l’opposition à l’époque était allée aux élections législatives, qu’elle n’allait pas contrôler l’Assemblée nationale ?

Parlant d’opposition, quelle est votre opinion sur l’opposition béninoise?

On ne veut pas qu’il y ait d’opposition. Si on veut qu’il ait d’opposition on aurait eu d’opposition aux dernières élections.

Il y a quand même Fcbe?

Je n’ai pas le même sentiment que vous. Cette forme de Fcbe ne reflète pas la réalité. Puisque le leader même a déjà claqué la porte. Je ne peux pas dire que cette Fcbe voulu et trouvé pour accompagner les deux partis n’est qu’une formalité pour donner du crédit à l’international. Mais ne dites pas surtout que les Fcbe sont de l’opposition parce que les opposants connus et redoutés n’ont pas été positionnés sur leur liste quand bien même ils ont envie d’aller aux élections communales et municipales.

Vous pensez à qui si les Fcbe doivent présenter un candidat pour aller à la présidentielle?

Je n’ai aucune idée.. A la limite, je peux vous donner un profil de candidat qui pourrait être de l’opposition crédible. Il faut que le candidat soit un homme ou une femme qui a prouvé par le passé son sens de responsabilité, de loyauté et qui a la qualité de grande écoute. Il y a des gens de grande conviction, comme il y a des gens qui n’assument pas leur conviction.

S’il vous était donné de conclure ces échanges, que direz-vous ?

Pour conclure, je dirai qu’on ne change pas une société par des lois ou par décret. Tout est stratifié dans une société. Malheureusement dans la nôtre tout est à l’envers, plus de repère, l’argent a tout détruit , nous sommes passés de la démocratie optimale à une démocratie tutélaire. Les lois de la République, au lieu d’avoir une portée générale, impersonnelle, lisible, claire et précise deviennent des lois drones dressées contre des adversaires pour régler des querelles politiques.

Carte d’identité: Un cadre pluridisciplinaire

Admis au concours des Contrôleurs des Finances dans la fleur de l’âge, Claude Cossi Djankaki est entré dans la Fonction Publique par le biais du Ministère des Finances en 1976. Il a été vite promu au poste de Chef de Division des Dépenses Communes. Il a ensuite bénéficié en 1980 d’une bourse de stage en France pour faire ses études en Gestion Financière. Profitant de cette opportunité, il a effectué sa spécialisation en administration territoriale à l’université de Reims. De retour au Bénin en 1985, Claude Djankaki a été repéré par le Ministre de l’Intérieur d’alors, Edouard Zodéhougan qu’il connaissait à l’Université du Dahomey à cette époque. C’est alors qu’il a été successivement nommé sous la révolution

– Directeur de l’Administration Territoriale (DAT)

– Directeur des Études et de la Planification(DEP)

-Directeur des Affaires Financières et Administratives(DAFA)

– Président du Conseil de d’Administration de la SOGEMA.

A l’avènement du Renouveau Démocratique en 1990, il a été délégué à la Conférence Nationale. Ensuite il a été nommé

– Chef de Cabinet du Ministère de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative

– Chef de Cabinet au Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de l’Administration Territoriale, Chargé du Projet tripartite d’Appui à la Décentralisation/Déconcentration.

– Directeur Général de la SOGEMA

– Secrétaire Général Administratif chargé de la coopération Interparlementaire

– Secrétaire du groupe UIP

– Président du Comité chargé de l’élaboration du budget de l’Assemblée Nationale

– etc.

A la retraite depuis quatorze ans, Claude Cossi Djankaki est surtout connu pour ses avis d’expert sur les Finances Publiques et Décentralisation. Il a reçu la formation des formateurs à la gestion urbaine et aux finances locales à l’Institut de Développement Économique de la Banque Mondiale et à l’Institut International d’Administration Publique de Paris

Intimité : Un amoureux du footing

Avec 14 ans de retraite, Claude Djankaki demeure toujours jeune car il a adopté un régime alimentaire exemplaire. Aujourd’hui, il n’a plus de plat préféré et ne mange plus à partir de 19h. Pour lui, quand on a faim à cette heure-là, il faut chauffer de l’eau et boire avec des clous de girofle. Il est aussi un ancien maître-nageur et fait aujourd’hui beaucoup de marches pour maintenir sa forme. Il préfère sa ferme agricole au village que les bruits de Cotonou et environs.

LA REDACTION
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