Les députés ont écouté hier jeudi 5 décembre, les éléments de réponse du gouvernement sur la situation de la Centrale thermique de 80 Mw de Maria Gléta dans la commune d’Abomey-Calavi. C’est le ministre en charge de l’Energie, Barthélemy Kassa qui a entretenu la Représentation nationale sur cette question orale avec débat posée par les honorables Nazaire Sado et Eric Houndété. Pas très rassurés, les députés recommandent la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire et d’information pour tirer les choses au clair et faire des propositions pour sortir ce projet de l’impasse.
Par Thibaud C. NAGNONHOU
La Centrale thermique de Maria Gléta est fonctionnelle depuis mercredi 4 décembre dernier. L’information a été révélée hier par le ministre en charge de l’Energie, Barthélémy Kassa qui a planché devant la Représentation nationale dans le cadre de l’interpellation du gouvernement sur la question.
En effet, des explications du ministre, les travaux de cette Centrale thermique, quoique encore non achevés, ont été provisoirement réceptionnés le 3 avril dernier. Sinon sept des huit turbines à gaz ont subi avec succès les essais de mise en service.
La mise en marche progressive des sept unités a été validée par l’ingénieur conseil BNETD qui a expertisé le 4 décembre dernier le fonctionnement de cette Centrale, a souligné Barthélémy Kassa. Selon lui, le gouvernement a décidé de confier l’exploitation de l’ouvrage à la Société béninoise d’énergie électrique (SBEE). Dans ce cadre, des polices d’assurances ont été mises en place depuis le 26 septembre dernier pour la phase d’exploitation. Il s’agit des polices d’assurances «incendies», «bris de machine» et «responsabilité civile chef d’entreprise».
Aussi, pour une bonne exploitation de la Centrale, les activités de formation théorique et pratique du personnel de la SBEE ont-elles été organisées.
Selon le ministre en charge de l’Energie, compte tenu du coût relativement élevé d’exploitation au combustible liquide jet A1, le fonctionnement de la Centrale sera d’abord limité à quatre heures par jour. Ceci pour combler tant soit peu le déficit énergétique aux heures de pointe, 19 à 23 heures en attendant la résolution du problème d’approvisionnement en gaz.
Le coût des travaux réalisés par l’entreprise américaine CAI, s’élève à 45 milliards FCFA contre 37,9 milliards de coût prévisionnel. Pour Barthélémy Kassa, cette augmentation du coût est due à la réalisation de certains travaux qui n’étaient pas prévus au contrat de base mais nécessaires aux travaux notamment la construction de la canalisation en gaz, l’installation de certains équipements de sécurité et de lutte contre l’incendie, la viabilisation du site, notamment le raccordement aux réseaux de la SBEE et de la SONEB.
Tissus de contre-vérités
L’intervention de Barthélémy Kassa n’a pas réussi à dissiper totalement les inquiétudes des députés. L’honorable Zéphirin Kindjanhoundé qui dit avoir le ministre à l’oeil dans ce dossier, a mis à nu les contre-vérités contenues dans les réponses du gouvernement. Visiblement bien informé, il a révélé, contrairement aux propos rassurants du ministre, que les essais de mise en service mercredi 4 décembre dernier de la Centrale électrique, n’ont pas été concluants.
A l’en croire, sur les huit turbines, seuls trois ont fonctionné et n’ont pas pu aller au-delà de 2h48 mn d’essais. Pis, les trois turbines en question ont vu leur puissance énergique baisser de moitié. Au lieu de 30 MW attendus pour les trois turbines à raison de 10 MW chacune, elles n’ont produit ensemble que 15 MW soit 5 MW chacune.
Ce qui amène l’honorable Zéphirin Kindjanhoundé à suggérer la mise sur pied d’une Commission d’enquête et d’information parlementaire pour contrôler ce qui se passe à Maria Gléta. Tout comme ce député de la Mouvance présidentielle, Nazaire Sado et Eric Houndété, les auteurs des questions orales avec débat, feront remarquer également leur insatisfaction par rapport aux réponses du ministre.
Pour Eric Houndété, le dossier Maria Gléta est devenu une préoccupation nationale. Car, le montant en jeu est de 45 milliards FCFA.
«La centrale devrait nous permettre d’avoir une autonomie énergique au Bénin. Mais si c’est pour 4 heures de service pour secourir la population aux heures de pointe, il ne sert plus à rien», dénonce le député de l’Opposition. Il relève de la précipitation et de l’improvisation totale dans ce dossier. «Nous avons à faire à un éléphant blanc.
Et nous sommes en face d’une catastrophe économique et une menace par une catastrophe industrielle», alerte Eric Houndété. Et à Nicaise Fagnon de la Majorité présidentielle d’enfoncer le clou. «Le dossier Maria Gléta est un dossier de la nation où il ne doit y avoir ni Mouvance ni Opposition», clarifie-t-il. Pour lui, plusieurs des pièces notamment les réacteurs ayant servi au montage de cette Centrale sont des pièces reconditionnées et qui dateraient de la deuxième guerre mondiale.
«Ce projet va nous plonger dans l’abîme de la pauvreté car, le prix de production énergétique de cette Centrale sera trois fois plus cher que celui de l’énergie conventionnelle», condamne Nicaise Fagnon qui préconise la nécessité pour que le Bénin adopte une loi programme qui fixe et planifie les projets de développement à réaliser chaque année comme c’est le cas dans d’autres pays. Ce qui, selon lui, permettra au gouvernement d’éviter des errements.
«En tant que président du réseau parlementaire pour la lutte contre la pauvreté au Bénin, je demande halte au gaspillage des ressources de l’Etat !», a insisté le député FCBE avant d’épouser aussi la nécessité de la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire.
«Cette Centrale électrique est un éléphant blanc, une pacotille et une bombe à retardement», a souligné Gabriel Tchocodo qui dit craindre pour les populations riveraines. Il épouse la proposition de la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire pour vérifier ce qui s’est passé à Maria Gléta. Idem pour l’honorable Raphaël Akotègnon du PRD.
« Cette Centrale est un projet très mal pensé et les assureurs béninois ont des raisons d’être réticents. Il faut une expertise et savoir de quoi il retourne », apprécie-t-il. Mais leurs collègues Soulé Sabi Moussa, El Hadj Issa Azizou, Justin Sagui Yotto ne sont pas du même avis. Pour eux, le gouvernement fait beaucoup d’efforts depuis 2006 en matière de couverture énergétique au Bénin. Le chef de l’Etat doit être soutenu dans son initiative visant à donner de l’électricité à toutes les populations.
La loi sur le médiateur de la République rendue conforme à la Constitution
Les députés ont mis en conformité avec la Constitution du 11 décembre 1990 la loi instituant le médiateur de la République. La reprise de l’examen de ce dossier fait suite à la décision de la Cour constitutionnelle déclarant contraire à la loi fondamentale du 11 décembre 1990, l’article 7 de cette loi. Lequel article fait obligation au médiateur de la République de démissionner de son parti politique s’il en appartenait. La Cour constitutionnelle casse cette disposition et demande plutôt au médiateur de la République nommé de ne pas démissionner de son parti mais des instances dirigeantes, s’il en était membre.
Les députés ont suivi hier les observations de la haute juridiction en corrigeant cette disposition querellée. Le dossier a été adopté par 63 voix pour et 5 contre. Mais avant cette adoption, certains députés dont Wakouté Saguifa, Augustin Ahouanvoébla et Eric Houndété ont émis quelques réserves par rapport à la décision de la Cour constitutionnelle.
Th.C.N.