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Criet/Détournement des frais de scolarité des étudiants: Deux cadres de l’ex-Centre universitaire de Djougou retournés en prison

Publié le lundi 22 juin 2020  |  La Nation
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© aCotonou.com par DR
Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet)
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Par Thibaud C. NAGNONHOU, A/R Ouémé-Plateau,

Alors qu’ils bénéficient d’une liberté provisoire depuis le 26 mars dernier après un an de prison, Hyppolite Ogoutéhibo et Abdel Aziz Osséni, respectivement chef service scolarité et chef service comptabilité de l’ex-Centre universitaire de Djougou, retournent en prison pour six ans encore pour le premier et neuf ans pour le second. Ils ont été en effet condamnés par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) pour détournement de deniers publics.

Dix ans d’emprisonnement ferme, cinq millions FCfa d’amende et 3 948 500 F Cfa de dommages-intérêts à payer à l’Etat. Telle est la sentence de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), statuant en matière criminelle, vendredi 19 juin dernier, à l’égard de l’accusé Abdel Aziz Osséni, chef service comptabilité de l’ex-Centre universitaire de Djougou sous tutelle de l’Université de Parakou. Il a été condamné pour les infractions de détournement de deniers publics et de faux et usage de faux en écritures publiques. Hyppolite Ogoutéhibo, alors chef service scolarité au niveau de ce campus, s’en est sorti, quant à lui, avec une peine moins lourde. Il a été en effet condamné à sept ans d’emprisonnement ferme, à cinq millions FCfa d’amende et à 2, 445 millions FCfa à titre de dommages-intérêts à payer à l’Etat béninois.
A la barre vendredi 19 juin dernier, Hyppolite Ogoutéhibo, chef service scolarité de l’ex-Centre universitaire de Djougou, a été le premier à déposer. Il a reconnu les faits mais a dit avoir restitué aux étudiants, courant 2014-2015, une partie du montant qui lui est imputé. Il a précisé avoir versé à la banque la somme de 1,150 million F Cfa et 955 000 FCfa au Trésor public. Hyppolite Ogoutéhibo a apporté les quittances des deux versements. S’agissant du reste des 2 445 000 F Cfa, l’accusé dit les avoir directement restitués aux étudiants concernés contre décharge individuelle. Ce qui leur a permis de régulariser leur situation au niveau de la comptabilité de l’Up. Il a versé au dossier ces décharges et le relevé des payements opérés par les étudiants concernés. Seulement, les décharges produites par l’accusé n’ont pas convaincu le président de la cour de céans, Guillaume Dossa Laly. Pour le magistrat de siège, les étudiants concernés ne sont pas présents pour certifier lesdites décharges. Mieux, rien au dossier ne prouve que les fonds payés par ces étudiants leur ont été restitués par Hyppolite Ogoutéhibo. Et que ce ne sont pas par exemple les parents qui les ont à nouveau déboursés afin de régulariser la situation de leurs enfants. Ainsi, face à l’absence à la barre des étudiants signataires des décharges pour la certification, le président de la cour de céans a jugé non éligibles lesdites preuves de payement couvrant les 2 445 000 F Cfa. Tout ce qui n’est pas payé à la banque ou au Trésor public est du mal payé et n’est pas éligible à la comptabilité de la cour, souligne Guillaume Dossa Laly.
A son tour à la barre, Abdel Aziz Osséni, chef service comptabilité de l’ex-Centre universitaire de Djougou, a aussi reconnu les faits. Toutefois, il a contesté le montant de 3 948 500 F Cfa mis à sa charge par la commission d’inspection. Ili n’a reconnu que 3 418 500 F Cfa et dit ne pas se retrouver dans le surplus de 530 000 F Cfa à lui imputé. Abdel Aziz Osséni a informé la cour avoir déjà remboursé à tous ses victimes. Il ne reste que les
530 000 F Cfa dans lesquels il dit ne pas se retrouver. L’accusé a, par ailleurs, déploré de n’avoir pas reçu le rapport de la commission pour faire ses observations.
En plus, il lui est reproché d’avoir falsifié une quittance pour justifier le payement des frais de scolarité d’un étudiant proche de lui. Lesquels sous lui ont été régulièrement envoyés par les parents de ce dernier et qu’il n’a jamais reversés. Il sera poursuivi alors pour l’infraction de faux et usage de faux en écritures publiques en plus du crime de détournement de deniers publics.
Certains des étudiants concernés ont répondu présents à l’audience et ont défilé à la barre pour déposer. Seulement, ceux-ci ne se constituent pas partie civile. A titre de témoin, le directeur de l’ex-Ensta-Dj, Christophe Bahimé, qui a dirigé l’école de 2013 jusqu’à sa fermeture en 2016 par le gouvernement du Nouveau départ, a aussi dit tout ce qu’il sait de l’affaire pour éclairer la cour. Idem pour le représentant du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (Mesrs), Robert Ayékowi, actuellement chef service Ressources humaines du Mesrs. Il a expliqué que le ministère attend la décision de la cour pour tirer toutes les conséquences de droit. L’Etat béninois représenté par l’Agent judiciaire du Trésor (Ajt) se constitue partie civile. Par la voix de Polycarpe Ganmavo, l’Ajt réclame pour toutes causes de préjudices subis par l’Etat béninois la somme de 2 445 000 F Cfa à Hyppolite Ogoutéhibo et 1 470 000 F Cfa à Abdel Aziz Osséni.


La défense menace

Dans ses réquisitions, le ministère public représenté par Edwige Aklou Tangni, 2e substitut du procureur spécial près la Criet, a démontré que le crime de détournement de deniers publics est constitué sur tous les plans à savoir légal, matériel et intentionnel à l’égard des deux accusés. Elle requiert de retenir contre Abdel Aziz Osséni l’infraction de faux et usage de faux en écritures publiques. Le ministère public démontre par ailleurs une collusion criminelle assez poussée entre les deux accusés, laquelle collusion a permis aux étudiants concernés d’échapper à tout contrôle de l’administration de l’Up qui ne peut pas savoir qu’il y a des étudiants qui sont frauduleusement inscrits et dont les frais de scolarité ont été utilisés à des fins personnelles par les deux inculpés. Ainsi, au nom de la société béninoise qu’elle représente, Edwige Aklou Tangni requiert que la cour condamne Hyppolite Ogoutéhibo et Abdel Aziz Osséni respectivement à sept ans et à dix ans de prison et à cinq millions FCfa d’amende chacun. Elle invite la cour à faire droit aux demandes de l’Etat béninois représenté par l’Ajt, partie civile et d’interdire les deux accusés de l’exercice de tout emploi public au Bénin.
La défense des deux accusés assurée par Me Aline Odjé, a qualifié de « terriblement excessif » le réquisitoire du ministère public. Elle implore la clémence de la cour et l’invite à ne pas suivre les réquisitions du parquet spécial près la Criet. L’avocate au barreau béninois plaide que la cour fasse ressortir dans sa sanction une mesure d’éducation. Me Aline Odjè plaide également une condamnation assortie de sursis, tenant compte du temps déjà passé en détention préventive par ses deux clients.
Mais dans son verdict, la cour est allée dans le même sens que le ministère public. Toutefois, elle n’a pas retenu contre les deux accusés la mesure d’interdiction définitive de tout emploi public requise par le parquet spécial. Seulement, cette sentence de la cour est loin de satisfaire la défense qui menace d’interjeter appel du jugement. En attendant, les deux accusés retournent en prison pour purger le reste de leurs peines à savoir six ans pour Hyppolite Ogoutéhibo et neuf ans pour Abdel Aziz Osséni.


Les faits

Il est reproché aux accusés d’avoir détourné les frais de scolarité de certains étudiants de l’ex-Ecole nationale des sciences et techniques agricoles de Djougou (Ensta-Dj) de l’ex-Centre universitaire de Djougou qui sont passés entre leurs mains. En effet, certains parents d’étudiants leur ont fait confiance et leur ont remis ou envoyé les frais de scolarité de leurs enfants. Ils devraient les reverser pour permettre à ces enfants de valider leurs inscriptions et disposer de leur carte d’étudiant avec le numéro matricule. Ce qu’ils n’ont jamais fait. Ils ont détourné les fonds. Pis, ils ont usé de manœuvres frauduleuses pour faire croire à l’administration de l’Université de Parakou que les étudiants concernés étaient tous à jour vis-à-vis de la comptabilité et les faire échapper ainsi à toute sorte de contrôle opéré par le rectorat de l’Up.

Ainsi, les étudiants concernés ont régulièrement composé comme leurs autres camarades à jour. Ils ont obtenu régulièrement leurs notes pour passer chaque fois en classe supérieure pendant les trois ans de leur cursus, de 2010 à 2013, au niveau de l’ex-Ensta Dj. Ils ont même soutenu leur mémoire. Le pot aux roses sera découvert lors de la réclamation de l’attestation de Licence sanctionnant leurs trois années d’études. Le rectorat de l’Up leur a opposé une fin de non-recevoir catégorique. Il a été répondu à ces étudiants qu’ils ne se trouvent pas dans la base de données de l’Up et n’ont pas de numéros matricules, preuve de leurs inscriptions. Jusqu’ici, ils n’ont pas obtenu leur parchemin pour poursuivre le diplôme de master. Les incessantes dénonciations et plaintes de ces étudiants ont amené le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (Mesrs) à mettre sur pied en février 2019 une commission pour voir clair dans la situation. Les investigations ont abouti à l’interpellation des deux accusés qui ont été placés par la suite sous mandat de dépôt le 21 février 2019 pour détournement de deniers publics. Le rapport de la commission de contrôle a été même examiné en Conseil des ministres du 13 février dernier. Lequel met à la charge d’Hyppolite Ogoutéhibo et Abdel Aziz Osséni respectivement la somme de 4, 550 millions FCfa et 3 948 500 FCfa.


Formation de Jugement

Président : Guillaume Dossa Laly

Assesseurs : Bienvenu Sohou et David Anani

Ministère public : Edwige Aklou Tangni, 2e substitut du Parquet spécial près la Criet

Greffier : Me Jocelyn Sékou

————————- Les étudiants victimes,les plus grands perdants —————-

Les accusés écopent certes des condamnations de sept ans d’emprisonnement ferme pour l’un et de dix ans pour l’autre avec des amendes et des dommages-intérêts à payer. La justice a joué sa partition, pourrait-on dire. Mais cette main lourde de la cour est loin d’égaler les dommages et conséquences collatéraux causés aux étudiants victimes par les accusés et cadres de l’Université de Parakou. Du fait de cette situation, les étudiants concernés n’ont pas jusqu’ici leur diplôme de licence en agronomie. Alors que leurs parents leur ont régulièrement payé les frais de scolarité et les étudiants ont composé régulièrement à toutes les étapes de leurs cursus.

Faute de diplômes, ils ne peuvent pas poursuivre aujourd’hui leurs études en Master pour sortir ingénieurs agronomes à l’instar de leurs camarades de promotion dont certains travaillent déjà. Pendant ce temps, ils sont encore à la traine à la recherche de leurs attestations censées être délivrées depuis sept ans. Puisque l’Université de Parakou ne les reconnait pas. Ils n’ont jamais figuré dans sa base de données comme ayant été régulièrement inscrits et disposant d’une carte d’étudiant avec un numéro matricule pouvant les identifier comme tels.
Le comble dans cette affaire est que le verdict de la cour ne permet pas techniquement aujourd’hui au Mesrs ni à l’Université de Parakou, même s’ils ont la volonté, de régulariser la situation de ces étudiants et leur permettre d’avoir leurs diplômes.

La Criet n’a pas cette compétence. Sans une décision du juge administratif en leur faveur, les étudiants concernés ne pourront jamais avoir leur licence pour tenter de s’insérer dans la vie active et de jouir des fruits de leurs efforts. Ce qui constitue un drame pour les parents de ces étudiants qui ont pourtant financièrement saigné pour garantir un avenir à leurs enfants. Aujourd’hui, leurs efforts semblent être vains, du moins pour l’instant, du fait de certains cadres de la même l’administration universitaire qui ont détourné leurs frais de scolarité et par ricochet ruiné leur vie. Vivement une issue administrative pour cette affaire pour permettre aux étudiants concernés de prendre leur destin en main après tant de temps déjà perdu.

Th. C. N.
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