Invité de l’émission « Grand Format » de Canal 3, ce dimanche 21 juin 2020, le secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes (Csa-Bénin), Anselme Amoussou s’est prononcé sur les mesures sociales prises par le gouvernement pour accompagner les entreprises et personnes affectées par la pandémie.
Pour le syndicaliste, l’initiative est à saluer quand bien même les attentes sont encore loin d’être comblées. «…Moi particulièrement, je ne suis pas totalement satisfait à partir du moment où il y a encore des pas à faire. 75 milliards, c’est sur la base d’une évaluation qui a été faite certainement par le gouvernement. Il gagnerait à nous sortir les chiffres qui couvrent les besoins. Les fonds sont destinés à quoi ? On a besoin d’avoir ces détails afin d’apprécier l’effort qui a été fait. Cela étant dit, c’est un effort. Et si le gouvernement tient parole, c’est une bonne chose, car il y a des gens, des structures qui en ont besoin. Et en tant que partenaires sociaux, on ne peut être que satisfait » a-t-il déclaré. Il s’est par ailleurs réjoui de l’appui apporté aux entreprises. Car, selon lui, les entreprises ont été vraiment impactées. «Il suffit de toucher les employeurs pour savoir ce que la pandémie a été pour eux. Si le gouvernement ne faisait rien, il y a des entreprises qui ne seraient plus en mesure de payer les salaires. Donc, payer une bonne partie des salaires à la place des employeurs pendant 3 mois est une mesure à saluer. Ce qu’il faut souhaiter est de demander au gouvernement de mettre le dispositif en place pour que ce fonds aille effectivement vers les travailleurs. Donc, il faut le suivi nécessaire avec un dispositif de suivi…. Quand nous allons dans les détails, vous verrez qu’il y a des mesures qu’on peut améliorer » poursuit le syndicaliste. Quant au remboursement de crédit de la TVA, il estime que c’est une manière d’encourager les gens à la consommation car les produits pourraient revenir plus coûteux aux Béninois. Evoquant l’exonération de la taxe sur le véhicule à moteur, l’homme y voit une bouffée d’oxygène pour le citoyen. « Vous et moi savons qu’il n’est pas facile de payer cette taxe qui varie de 30.000fcfa à 50.000fcfa. C’est autant d’argent que le consommateur final peut utiliser pour prendre en charge d’autres besoins. Donc tout ce qui va en faveur du citoyen lambda est à saluer » a-t-il fait savoir
Prise en charge de loyers pour les agences de voyage…
«…Je suis surpris que l’on circonscrive cette mesure au niveau des agences de voyage dont le nombre est insignifiant. Combien d’agences sont encore viables aujourd’hui au Bénin avec l’avènement de la Cellule des voyages officiels (Cvo) qui a pratiquement pris la majorité des prestations des agences de voyage ? Alors je ne sais pas si cette mesure a été vraiment réfléchie pour aller vers le plus grand nombre. Il me semble que les agences de voyage ne sont pas les plus touchées par cette pandémie. Elles sont certes touchées, mais qu’est-ce qu’on dit des écoles privées ? Qu’est-ce qu’on dit de l’enseignement primaire aujourd’hui ? Les écoles ont été fortement impactées. Car, il y a des écoles qui ont déjà mis en chômage technique des enseignants. En nous parlant de la poursuite des activités scolaires, nous parlons de l’organisation des examens. Et quand on sait l’impact de l’école privée sur le système éducatif, l’Etat gagnerait à étendre ses mesures vers les écoles privées ou un autre type de mesure. Car, elles font partie des structures qui ont été oubliées dans cette batterie de mesures », clarifie Anselme Amoussou.
La cagnotte pour les artisans oui mais insignifiante
Si une somme de 4,98 milliards de Fcfa est prévue pour accompagner les artisans, Anselme Amoussou s’interroge sur ce qui pourrait revenir à chacun des 55 000 artisans recensés. « Faites le calcul et vous verrez. C’est un gros effort pour une caisse commune mais au final, ce n’est pas un effort si significatif pour les artisans. Je dois dire que cet argent va vers les artisans qui se sont fait enregistrer, parce que…pour les mesures annoncées par le gouvernement, on a fait la part belle à tout ce qui est entreprise formelle enregistrée alors qu’on sait très bien que notre économie est à plus de 80% informelle. Qu’est-ce qu’on a fait pour le secteur informel ? Quand on veut prendre des mesures, il faut tenir compte de l’environnement…J’ai le sentiment que ces 74 milliards iront vers des entreprises qui en ont moins besoin que les gens qui doivent sortir de leur maison pour aller chercher de quoi entretenir leur famille. J’ai entendu le gouvernement dire qu’on poursuit l’enregistrement des extrêmes pauvres…Comment a-t-on pris deux à trois mois pour analyser la situation et annoncer encore aujourd’hui qu’il faut poursuivre l’enregistrement des extrêmes pauvres pour voir ce qu’il faut faire pour eux. Nous sommes dans un contexte où on sait comment nous fonctionnons. Le gouvernement sait très bien comment l’économie fonctionne et comment les gens vivent difficilement, et quel a été l’impact de la pandémie sur l’aggravation de la précarité dans notre pays », déplore le syndicaliste.
Factures d’électricité et d’eau…
« C’est là que j’accuse la démarche du gouvernement. Il lui suffit simplement de discuter avec les acteurs sociaux et on lui aurait faire comprendre que cette mesure n’a pas besoin d’être annoncée. Même si elle a été faite, elle n’a pas besoin d’être annoncée comme une mesure phare du gouvernement. A la limite, on peut accueillir ça comme une insulte. Car au finish qu’est-ce que ça signifie de façon pratique ? Le gouvernement dit : « Je dois faire une augmentation de vos factures depuis quelques semaines, mais j’ai différé l’augmentation et je comptabilise cela comme étant de l’argent que je donne à la population pour gérer la pandémie ». Dans notre contexte, cela n’a aucun sens…Le gouvernement doit arrêter de citer cela comme une bonne mesure », se désole Anselme Amoussou.
Reprise des cours pour les écoliers du CI au CM1
« Nous avons toujours dit que cette reprise d’Août ne nous paraît pas rationnelle. Elle n’est pas logique. De manière pédagogique, elle ne correspond à rien de mon point de vue, parce qu’à situation exceptionnelle, il faut savoir prendre la mesure de la situation pour trouver les moyens pour que les plus petits ne reprennent pas. Il n’y a pas de rentrée logique en Août pour le cas que nous vivons aujourd’hui. Demandez à tous les chefs d’établissement du public comme du privé. Ils vous diront que le niveau d’exécution des programmes atteint aujourd’hui dans les écoles permet de donner les résultats aux enfants et de nous planifier pour que l’année prochaine, nous puissions voir ce que nous pouvons faire pour rattraper un certain nombre de choses avant la rentrée. On a déjà fait ça dans notre pays. C’est une mesure qu’on appelle de tous les vœux. Nous allons nous entendre à nouveau avec les autres confédérations pour jouer notre partition en interpellant encore une fois nos ministres de tutelle qui ne communiquent pas du tout sur la pandémie. On peut faire un point aujourd’hui de la rentrée. Est-ce que ça a été fait ? On a donc à faire ou à la direction de la communication ou au ministre des finances qui viennent parler de l’école. Ça n’a pas de sens. Donc, c’est le moment plus que jamais que les ministres sortent pour nous dire l’état de la situation dans les écoles. Pour notre part, on doit surseoir à la rentrée d’août prochain et laisser les enfants en sécurité à la maison. Je voulais préciser que la rentrée dernière a été effectuée sans la mise en place des subventions aux écoles publiques. Donc, même avec la meilleure volonté du monde, les chefs d’établissement n’ont pas les moyens de veiller au minimum dans les écoles. Je pense que l’explosion actuelle nous interpelle et demande que le gouvernement puisse revoir sa copie sur un certain nombre d’actions notamment par rapport à l’école » conclut le syndicaliste Anselme Amoussou.