Me Alexandrine Saïzonou Bédié au sujet de l’autorité parentale « Le parent qui n’accomplit pas son obligation peut être traduit devant les juridictions »
Me Alexandrine Saïzonou Bédié est avocate au barreau du Bénin. Sur l’émission Actu Matin de la chaîne de télévision Canal3, elle s’est prononcée sur les droits et obligations des parents vis-à-vis de leurs enfants en vue de leur épanouissement. Pour elle, le non-respect de ces obligations est passible de peine. Aussi, les familles en difficulté peuvent, quant à elle, s’adresser aux centres promotion de sociale pour une prise en charge adéquate.
Pourquoi parle-t-on d’autorité parentale ?
On parle d’autorité parentale parce qu’elle est exercée de manière conjointe, c’est à dire par les deux parents. Or, l’autorité parentale auparavant, c’est le père qui était le tout puissant. C’est lui qui décidait de tout. On estime que c’est lui qui devrait avoir droit de vie et de mort sur l’enfant. C’était une injustice qui était faite à la femme. Mais on a essayé de régler cela. L’État béninois a ratifié des textes au plan international. Et ces textes l’obligent à mettre dans son droit positif les dispositions auxquelles il a donné son accord au plan international.
C’est quoi alors l’autorité parentale ?
L’autorité parentale, c’est l’ensemble des obligations et droits des parents vis-à-vis de leurs enfants. Cela veut dire que les parents ont l’obligation de protéger leurs enfants. Et dans la protection, nous mettons la sécurité, la santé et la moralité des enfants. Ils doivent y veiller. Il y a également l’obligation d’entretenir les enfants. L’entretien, c’est de s’occuper d’eux, leur donner suffisamment à manger, bref prendre soin de l’enfant en sorte qu’il soit à l’abri du besoin. Il y a l’obligation qu’ils ont, ensemble, d’éduquer les enfants et de gérer leurs biens. Parce qu’il y a des enfants qui ont hérité d’un grand-parent, d’un oncle etc... Il y a aussi des enfants qui, très tôt, se sont mis à travailler. Il revient à leurs parents de gérer leurs biens. Ce sont des obligations. Mais ils ont des droits, parce que les enfants sont tenus de les respecter, de faire honneur à leurs parents et de suivre les décisions prises par les parents dans leur intérêt supérieur.
L’autorité parentale peut-elle prendre fin ?
L’autorité parentale peut prendre fin par la majorité de l’enfant et par son émancipation. Lorsque l’enfant devient majeur, elle n’est plus sous la tutelle des parents.
Pourtant on dit chez nous que les parents demeurent des parents
Cela dépend. En matière de droit, un enfant qui a 18 ans peut décider de sa vie. Ça n’empêche pas les parents de conseiller les enfants. Mais ils ne peuvent plus avoir la direction des enfants comme si c’étaient des mineurs. Donc, l’autorité parentale prend fin avec la majorité et l’émancipation de l’enfant. La femme mineure peut être émancipée. Ça peut prendre fin avec une décision de justice. Lorsque le parent est indigne et constitue un danger pour l’enfant, le juge des enfants peut décider de lui retirer l’autorité parentale. Donc, l’autorité parentale peut prendre fin dans ces cas.
Vous avez dit que l’autorité parentale s’exerce avec les deux parents. Que ce passe-t-il en cas de décès de l’un des parents ? Est-ce à dire que l’autorité revient au parent survivant ou aux grands parents ?
L’autorité parentale revient uniquement au parent survivant. C’est les deux qui ont mis au monde l’enfant. Donc, quand ils sont ensemble, l’autorité parentale est exercée par les deux. Même s’ils ne sont pas ensemble et qu’ils vivent, l’autorité est exercée.
Même s’ils sont divorcés, l’autorité parentale est exercée. Le parent qui n’est pas à côté de là où vit l’enfant peut contribuer à l’éducation à l’entretien et à la protection de l’enfant.
Qu’en est-il d’un orphelin de père et dont les grands parents qui sont vivants ?
S’il a des parents qui sont vivants, cela n’empêche. Mais c’est le parent survivant qui a l’autorité parentale. Les autres peuvent venir en appui. Maintenant, s’ils constatent que le parent qui a l’autorité parentale de fait, n’est pas en mesure d’apporter ce qu’on peut attendre de lui, et que l’enfant n’est pas bien entretenu, ils peuvent saisir l’autorité compétente et demander que ce parent soit déchu et que l’autorité parentale soit confiée à un oncle, un grand-père ou autre. Mais lorsque les parents vivent, l’autorité parentale leur est attribuée.
Et si un parent décide délibérément de ne pas assumer cette autorité, y a-t-il des sanctions prévues à cet effet ?
Nous sommes dans un pays de droit. Le parent qui n’accomplit pas son obligation peut être traduit devant les juridictions. La loi l’a prévu. Il y a l’article 171 du code de l’enfant qui dit que le fait d’abandonner un enfant est déjà un manque à son obligation d’entretien et de protection de l’enfant. L’article 337 du code de l’enfant a prévu une peine de 2 ans à 5 ans et une amende de 10.000 à 200.000 Fcfa. L’article punit tout parent qui prive un enfant d’aliments, de soins, d’éducation et l’absence de suivi des enfants. Mais, il y a également le code pénal qui, dans ses dispositions, notamment en son article 603, punit les parents qui abandonnent le domicile, c’est-à-dire, qui n’assument pas les obligations découlant de l’autorité parentale. Lorsque vous abandonnez votre enfant, vous ne le connaissez pas, vous ne le guidez pas, vous ne vous occupez pas de sa santé, vous ne faites rien. Et dans ce cas, la loi punit d’un emprisonnement de 3 mois à 1 an et vous payez une amende de 50.000 à 250.000 Fcfa.
Une dame dit qu’elle a peur de s’approcher d’un avocat, parce que ça fait 7 ans que son époux l’a abandonnée avec 3 enfants. Mais celui-ci n’a pas été déclaré mort. Que doit-elle faire dans ce cas ?
Dans ce cas, elle peut se rendre à l’office central de protection des mineurs poser son problème. En principe, quand vous prenez le code de l’enfant, ces personnes en difficultés doivent pouvoir être prises en charge par l’Etat. Donc, au niveau du ministère de la famille, il faut qu’elles fassent une démarche vis-à-vis des centres de promotion sociale. Des dispositions ont été prises pour qu’on vienne en aide à ces personnes. La dernière fois dans mon quartier, j’ai vu une dame qui était en état de grossesse et se baladait avec deux enfants dans des conditions inimaginables. Elle dormait à la belle étoile. Donc, j’ai saisi la Direction de la famille et de l’enfance. Mais cette dame a été prise en charge. Le délégué du quartier est venu me témoigner sa gratitude. Les gens ne savent pas qu’il y a des structures qui sont mises en place. Demandez à cette dame d’aller dans ces centres. Si on sait où habite le mari, on peut saisir le tribunal. Le juge les convoque et on oblige le mari à payer quelque chose. S’il est fonctionnaire de l’Etat, on peut faire une saisie-attribution sur son salaire. Mais le mari est un artisan, c’est là que ça devient compliqué. Mais en principe, l’Etat doit pouvoir mettre en place des structures pour prendre en charge ces personnes.
Transcription : Patrice SOKEGBE