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Nathalie Picarelli, économiste à la Banque mondiale: « Le Bénin a le deuxième meilleur score Cpia en Afrique en matière de gestion économique »

Publié le lundi 6 juillet 2020  |  La Nation
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© aCotonou.com par DR
Nathalie Picarelli, économiste à la Banque mondiale
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Par Kokouvi EKLOU,

Le Bénin a enregistré des progrès dans l’évaluation de la politique et des institutions nationales (Country Policy and Institutional Assessment-Cpia) publiée, il y a quelques jours, par la Banque mondiale. Le score global Cpia du pays est passé de 3.5 en 2019 à 3.6 en 2020, une première progression de ce score durant la décennie 2010-2020. Nathalie Picarelli, économiste à la Banque mondiale, explique les résultats positifs obtenus par le Bénin et pointe les défis à relever par le pays pour mieux performer.


La Nation : Le Bénin a fait des progrès dans la dernière évaluation Cpia de la Banque mondiale, rendue publique, il y a quelques jours. Tout d’abord, en quoi consiste cette évaluation ?

Nathalie Picarelli : L’évaluation Cpia de la Banque mondiale consiste à établir un état des lieux sur les progrès réalisés par les pays, dans le cadre du renforcement de la qualité de leurs politiques et de leurs institutions afin de favoriser une croissance durable et de réduire la pauvreté. L’évaluation se fait tous les ans pour les pays éligibles aux fonds Ida, c’est-à-dire les fonds à conditions concessionnelles pour les pays à faible revenu.
Cette année, le Cpia couvre 75 pays dont 39 en Afrique. L’évaluation se base sur 16 critères représentant les dimensions institutionnelles d’une stratégie efficace de réduction de la pauvreté. Les critères sont regroupés en quatre catégories : la gestion économique (groupe A), les politiques structurelles (groupe B), les politiques de lutte contre l’exclusion sociale et en faveur de l’équité (groupe C) et la gestion et institutions du secteur public (groupe D). Pour chaque critère, les performances des pays sont notées sur une échelle allant de 1 (faible) à 6 (fort).
Pour le Bénin, un atelier a été organisé en novembre de l’année dernière avec les différents acteurs gouvernementaux et la Société civile dans l’objectif de faire un état des lieux des réformes que le gouvernement a mises en place en 2019, et de passer en revue les résultats. Les spécialistes de la Banque mondiale dans chacun des 16 domaines y ont participé pour pouvoir faire une évaluation informée. Par la suite, le gouvernement a rétabli une cellule de suivi des réformes Cpia pilotée par le ministère de l’Economie et des Finances.

Quelle est son importance dans le partenariat entre la Banque mondiale et les pays ?

Premièrement, les scores de l’évaluation Cpia jouent un rôle essentiel dans la mesure où ils sont un des critères qui déterminent la répartition des prêts concessionnels et des dons Ida. Les pays les plus performants sur la base de leur score Cpia pourraient s’attendre à avoir une enveloppe plus conséquente afin de stimuler la croissance et promouvoir une prospérité partagée. Deuxièmement, l’évaluation annuelle Cpia permet de mettre en avant une idée directrice de la Banque mondiale: le développement s’obtient à partir des réformes institutionnelles mises en œuvre et par la mise en place de politiques publiques solides. Il ne s’agit pas avec le Cpia d’évaluer la performance sur des critères qui peuvent être affectés par la conjoncture (comme la Covid-19 par exemple) mais les réformes structurelles. La publication annuelle des scores par la Banque mondiale permet de faire un suivi et de reconnaitre les efforts entrepris par les gouvernements des pays membres de l’Ida.
Il est important de souligner que les scores Cpia ne sont pas des acquis. Tous les ans, les équipes pays de la Banque mondiale évaluent les progrès mais aussi les reculs, et proposent les arguments en faveur de la notation. Par la suite, il y a un processus interne d’harmonisation et de contrôle pour s’assurer que les notations sont cohérentes aux efforts réalisés par rapport aux autres pays membres de l’association.


Dans quels domaines le Bénin a-t-il fait des progrès ?

Au cours de l’année écoulée, le Bénin a fait des progrès significatifs dans quatre domaines particuliers. Tout d’abord, la gestion économique a été améliorée grâce à la publication de statistiques régulières et complètes sur la gestion de la dette, ainsi qu’à l’introduction de budgets programmatiques, et les progrès soutenus en matière de consolidation fiscale. Dans le domaine de la gestion économique, le Bénin a le deuxième score le plus élevé en Afrique, après l’Ouganda. Deuxièmement, le secteur financier a été rendu plus résilient en poursuivant les réformes sur les exigences des normes internationales des accords de Bâle II et de Bâle III. Troisièmement, le meilleur processus de planification du secteur de la santé a permis d’augmenter la note relative au capital humain. Enfin, des progrès ont été réalisés en matière de droits de propriété avec une meilleure transparence du système d’administration foncière, la publication en ligne du cadastre et surtout l’adoption d’un décret facilitant la conversion des permis d’habiter en titres fonciers pouvant être reconnus comme des garanties par le régulateur bancaire (Commission bancaire de l’Uemoa). Cette réforme devrait également améliorer la rentabilité des banques. À la fin octobre, environ 600 garanties avaient été formalisées, correspondant à 72 milliards de francs Cfa de garanties sous-jacentes.


Le Bénin a mis 10 ans pour passer d’un score de 3.5 à 3.6 ? En quoi 0.1 constitue-t-il une avancée ?

Parce que le score Cpia mesure les réformes structurelles et leurs résultats, les acquis sont progressifs et ne se font pas du jour au lendemain. Ce type de réformes prend du temps. Comme je l’ai rappelé en novembre dernier lors de l’atelier, il s’agit vraiment d’un marathon et non d’une course de vitesse !
Un pays qui est connu pour sa vocation réformiste comme le Rwanda, d’ailleurs souvent le premier du classement dans différents domaines, a pris 5 ans pour passer de 3.8 (2009) à 4.0 (2015). A l’échelle de l’ensemble des pays à faible revenu, le score s’est détérioré en moyenne de 0.1 au cours des 10 dernières années.
Deux autres caractéristiques des scores rendent le trajet aussi lent. D’abord, comme je l’ai rappelé, les scores ne sont pas des acquis. Les pays peuvent faire des progrès une année et ne plus être capables de les maintenir l’année suivante. Deuxièmement, les scores sont relatifs car ils sont harmonisés de manière à être sûr que la notation reflète les progrès équivalents au cours de l’année écoulée par rapport aux autres pays de l’Ida. Il faut dans une certaine mesure faire mieux que les autres aussi !
L’avancée du Bénin cette année est donc très importante ! Elle montre non seulement un progrès substantiel par rapport aux scores des 10 dernières années, mais témoigne d’une meilleure performance relativement aux autres pays, notamment dans les domaines ci-dessus cités. Le défi pour cette année sera de pouvoir maintenir ce score avec des réformes qui reflètent autant de progrès que celles de l’année passée.

Dans quels domaines le Bénin doit-il s’améliorer pour mieux progresser ?

Il y a toujours des progrès à faire dans tous les domaines, particulièrement pour maintenir les scores. Pour améliorer son score global, le Bénin devrait se concentrer sur les scores où il est le plus faible, surtout relativement à la moyenne des autres pays d’Afrique. Premièrement, il faut continuer à renforcer la profitabilité du système bancaire et l’inclusion financière. Ce dernier point est aussi en lien avec une meilleure politique d’inclusion pour les femmes et les filles. Le pays se situe toujours en dessous de la moyenne mondiale (69 %) de l’inclusion financière et présente le plus grand écart entre les sexes dans l’Uemoa, avec seulement 29 % des femmes au Bénin ayant accès à un compte de transaction contre 49 % des hommes d’après les statistiques Findex. Une troisième piste est le renforcement des systèmes de protection sociale et de retraites, et la régulation du marché du travail. Le projet Arch en cours pourra bientôt apporter des résultats, mais il y a encore peu de filets sociaux, comme l’assurance chômage par exemple.
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Quel pourrait être l’impact du coronavirus sur les progrès enregistrés au niveau du Cpia ?

Comme on l’a rappelé, le Cpia s’intéresse aux mesures structurelles, de longue haleine ! La Covid-19 viendrait impacter la croissance économique et les indicateurs sociaux, mais le score du Bénin pourrait toujours augmenter si le gouvernement continue son engagement réformiste des dernières années, notamment en matière de transparence budgétaire, de transparence dans la politique de gestion de la dette, et les autres domaines évoqués. Dans ce sens, la crise sanitaire est aussi une opportunité pour pouvoir prendre des décisions importantes dans des domaines clés, notamment en matière de protection sociale et de politique d’insertion pour les jeunes dans le marché du travail.

Le Cpia est moins connu que le Doing Business, comment faire pour impliquer davantage les acteurs non étatiques dans cet exercice ?

La Société civile est très impliquée dans le processus d’évaluation du Cpia et nous invitons aussi des représentants des médias dans les discussions que nous organisons avec l’administration publique. Effectivement, il y a nécessité de communiquer davantage sur le contenu du Cpia et son importance dans l’amélioration des politiques publiques et des institutions. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Banque mondiale a initié cette année à l’endroit des étudiants d’Abomey-Calavi un concours Cpia. Par équipes de trois à quatre personnes, des étudiants ont soumis des travaux sur la problématique de l’égalité des sexes au Bénin.
Les résultats du concours seront communiqués dans les jours à venir.

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