Le Bénin passe désormais dans la catégorie des pays à revenus intermédiaires, tranche inférieure. Le pays que dirige Patrice Talon quitte ainsi le rang des pays à faibles revenus et tutoie les pays comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Maroc. L’annonce a été faite par la Banque mondiale le 1er juillet dernier. Fait historique et donc un motif de satisfaction pour le gouvernement de la Rupture, il suscite cependant des interrogations dans le rang du citoyen lambda qui n’arrive pas à voir l’impact de cette augmentation de revenus dans sa bourse.
Le passage du Bénin dans la catégorie des pays à revenus intermédiaires induit que le Revenu national brut (Rnb) par habitant a connu une augmentation. Dans le cas d’espèce, il passe de 870 dollars à 1250 dollars. Ce qui en soit devrait constituer un ouf de soulagement, étant donné que le Béninois est plus riche aujourd’hui que hier. Peu importe les contours de ce classement. Peu importe que cela soit le fait d’un Rebasage, les économistes entrechoquent les idées sur la question. Ce qui constitue une bonne nouvelle pour le gouvernement devrait également l’être pour le citoyen lambda. Mais en se concentrant sur l’impact de ce surclassement du Bénin, on se demande ce qui a changé. Du côté du pouvoir, le discours est le même. Le chef de l’Etat n’a toujours pas dit à ses compatriotes qu’il est maintenant temps de desserrer un peu les ceintures. Le contexte économique est toujours marqué par la fermeture des frontières du Nigéria, les effets néfastes sur l’économie de la crise sanitaire mondiale, à tel enseigne que le gouvernement a revu complètement à la baisse la croissance économique annoncée pour 2020.
Du côté des gouvernés, le panier de la ménagère est-il plus consistant ? Autrement dit, le pouvoir d’achat du Béninois s’est-il amélioré ? Dans les foyers, les marchés, … les plaintes ont-elle cessé quant à la cherté de la vie et la mévente ? A priori, non. Alors la question qui se pose, à qui profite celle embellie financière annoncée par la Banque mondiale ?
Une richesse dans les mains d’une minorité ?
La réponse peut se trouver au niveau de la base de calcul, ce que d’aucuns appellent le Rebasage. Selon Constant Sinzogan, le Bénin est arrivé à cette ‘’prouesse’’ en changeant le mode de calcul de cette ‘’richesse’’. Le nouveau mode de calcul qui a permis au Bénin de progresser dans le classement serait essentiellement basé sur le secteur cotonnier. Or, ce secteur impacte environ 1,5 millions de personnes de façon directe et indirecte. Qu’en est-il alors des autres secteurs ? Etant donné que le Bénin se veut un pays de transit donc de service, quelle est la part du Port de Cotonou, de l’aéroport, de l’agriculture, du l’économie numérique,… dans ce surclassement ? S’il n’y a rien à espérer de ce côté, vu les difficultés économiques accentuées par le Coronavirus, comment espérer que le classement impacte les 11 millions de Béninois ? A l’arrivée, on se demande si l’augmentation de revenus ne concerne pas que les acteurs du secteur cotonnier.
Ce qui étonne le plus, outre le classement, c’est l’exploitation à caractère propagandiste qu’en fait le gouvernement. Le même gouvernement qui trouve des justifs pour clouer les institutions financières internationales au pilori quand les données sont en sa défaveur. Au final, qu’est-ce qui devrait compter pour le gouvernement ? Est-ce les chiffres macroéconomiques des institutions de Bretton Woods ou la satisfaction du citoyen lambda quand il constate dans sa poche que son pouvoir d’achat s’est considérablement amélioré ? Si vraiment ‘’richesse’’ il y a, n’est-ce pas sa bonne répartition qui doit être le challenge du gouvernement au lieu de se gargariser d’un tel score qui reste sur papier?