Dans un forum de discussion sur les réseaux sociaux, répondant à une question, un thuriféraire du régime de la Rupture a dit exactement ceci : « Reste là hein. C’est ça je te dis kléoun comme ça et je ne reviendrai pas dessus avant le 06 Avril 2021 ». Aussitôt, un député de l’Assemblée nationale, également soutien du pouvoir, réplique : « Il n’y a pas de 06 avril 2021, mais de 13 juin 2021. Bonsoir à tous ! Surtout pas de questions ni de commentaire désobligeant. Dieu vous protège !». Qu’est-ce que ce dernier veut insinuer exactement? Mystère. Étonnement.
Au Bénin, le 06 avril est évocateur. C’est la date où le président élu prête serment. Ceci, depuis 1996 où la Cour constitutionnelle a fait reprendre au Général Mathieu Kérékou sa prestation de serment pour avoir omis le bout de phrase : ‘’les mânes des ancêtres’’. C’est ainsi que la prestation de serment a désormais eu lieu le 06 avril de l’année électorale, au lieu du 04 avril.
Qu’a donc voulu faire comprendre le député en parlant de 13 juin 2021 au lieu du 06 avril 2021 ? Ne dit-on pas que la meilleure façon de cacher quelque chose à un africain est de le mettre dans un livre ? Quand on se réfère à la Constitution révisée et au Code électoral de 2019, on peut tenter de faire un rapprochement.
Article 153-3 de la Loi N° 2019-40 du 07 novembre 2019 portant révision de la loi numéro 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin: « L’élection du président de la République est organisée le deuxième dimanche du mois d’avril de l’année électorale.
Un second tour de scrutin est organisé, le cas échéant, le deuxième dimanche du mois de mai.
En aucun cas, l’élection du président de la République ne peut être organisée simultanément avec les élections législatives et les élections communales.
Dans tous les cas, le président de la République élu entre en fonction et prête serment le quatrième dimanche du mois de mai ». Cette disposition, sera reprise dans le code électoral dans ses articles 8 et 131. Art 8 de la Loi 2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral : « L’élection du président de la République est organisée le deuxième dimanche du mois d’avril de l’année électorale. Un second tour de scrutin est organisé, le cas échéant, le deuxième dimanche du mois de mai. En aucun cas, l’élection du président de la République ne peut être organisée simultanément avec les élections législatives et les élections communales ». Article 131 de la même loi : « Le président de la République élu entre en fonction et prête serment le quatrième dimanche du mois de mai de l’année électorale. Le vice-président élu entre en fonction au même moment que le président de la République élu ».
Interprétations…
De la lecture croisée de toutes ces dispositions, une constance se dégage : désormais, le président élu ne prête plus serment le 06 avril de l’année électorale mais le 4e dimanche du mois de mai, pratiquement vers fin mai. Etant donné que l’actuel chef d’Etat a prêté serment le 06 avril, son mandat devrait prendre fin le 05 avril 2021 à minuit. Mais vraisemblablement, ce ne sera pas le cas. Conformément à la nouvelle Constitution, Patrice Talon devra poursuivre son mandat jusqu’au dernier dimanche du mois de mai 2021, date à laquelle le nouveau président élu prêtera serment. Ce qui suppose que le mandat actuel sera prorogé de près de 2 mois. Logiquement donc, Patrice Talon ne partira pas le 6 avril 2021. Il bénéficiera d’une prorogation de mandat de deux mois environ.
Dans la même veine, sans doute que beaucoup de Béninois ne le savent pas, avec la révision de la Constitution et la retouche du code électoral, l’élection présidentielle n’aura plus lieu en mars, comme c’était le cas depuis des décennies, mais le 2e dimanche du mois d’avril pour le 1er tour, et le 2e dimanche du mois de mai, pour le second tour. C’est tout ceci réuni qui envoie la prestation de serment au dernier dimanche du mois de mai, presque début juin. Est-ce de cela que parle le député en évoquant la date du 13 juin ou existe-t-il un tout autre calendrier inconnu du peuple et qui ne figurerait pas dans la loi ?
Mais pourquoi fin mai ?
Pourquoi le législateur a choisi désormais fin mai (pratiquement début juin) pour la prestation de serment et non le 6 avril ? Qu’il vous souvienne qu’après sa prise de pouvoir, le 06 avril 2016, le gouvernement de la Rupture a introduit en juin un collectif budgétaire au Parlement. Le projet de loi de finances rectificative exercice 2016, introduit deux mois après l’accession au pouvoir de Patrice Talon, devrait réajuster les prévisions budgétaires héritées du gouvernement Boni Yayi et maîtriser les charges de l’Etat. Est-ce pour arrimer le mandat de Talon au mois de juin 2016 pendant laquelle il a introduit un collectif budgétaire au Parlement que le législateur a renvoyé la prestation de serment à fin mai ? Suppose-t-il que la gouvernance actuelle n’a pris concrètement effet qu’à partir de l’introduction de ce collectif budgétaire ?
Plus d’éclairage sur le sujet dans les prochaines publications