Depuis cinq ans, il préside aux destinées du royaume d’Illasso dans la commune de Sakété. Peu connu du grand public, sa majesté Adékpadawalé connu sous le nom de Kiffouli Adéhoumi à l’état civil a volontiers accepté de nous recevoir chez lui à Cotonou et de se prêter aux questions de votre journal. Peu bavard à l’occasion, il nous a néanmoins fait savoir que la royauté et la politique sont un tandem qui confère à un pays son équilibre aux plans culturel et socio-économique. Ainsi, a-t-il apporté des explications sur l’influence de la politique dans un royaume et la complémentarité entre le royaume et l’administration centrale. Politiquement engagé, il ne fera pas la langue de bois pour dévoiler son appartenance au Bloc républicain et son soutien au chef de l’Etat. Sans ambages pour le roi d’Illasso, Patrice Talon est l’homme de la situation et même les critiques les plus acerbes de certaines populations sur sa gestion du pays surtout au plan social ne lui feront pas changer d’avis. Selon lui, les actions sociales ne se résument pas qu’à des distributions d’argent et des facilités accordées, mais aussi et surtout à l’amélioration des conditions de vie et de travail des populations dans leur grand ensemble. De sa fondation et de la médecine traditionnelle, il a été également question dans cet entretien avec le roi Adékpadawalé qui est à découvrir.
Majesté Adékpadawalé, parlez-nous un peu de votre royaume ?
Illasso est un ancien royaume. C’est mon village maternel. L’histoire remonte au roi d’Illasso Oba Oshukpa qui a quitté son royaume pour aller s’installer à Sakété. Et depuis son départ, le royaume d’Illasso est resté abandonné. Après consultation, l’Ifa a souhaité l’intronisation d’un nouveau roi. C’est ainsi qu’il m’a choisi pour succéder au roi Oshukpa. Après les rituels, j’ai été intronisé Roi d’Illaso.
Pourquoi avez-vous voulu être roi ?
Personne ne décide être roi. C’est l’oracle qui choisit et on ne peut pas s’y opposer.
Quel est l’importance de la royauté dans un contexte républicain ?
Dans une République, le royaume joue beaucoup de rôles. Aux plans sanitaire, éducatif, socio-culturel, politique et économique, un royaume a sa part de responsabilité. En un mot, le royaume est un complément au contexte républicain.
Est-ce que la politique règne dans les royaumes ?
Bien sûr ! La politique règne. Du moment où le roi doit diriger un peuple, il doit faire usage de la politique. Il doit nommer des gens à des postes de responsabilités dans le royaume et communiquer avec son peuple. Lorsque le maire, le Chef d’arrondissement ou même le Chef de village veut s’adresser à une population, il a généralement recours au roi. Parce que ce dernier détient une certaine sagesse qui lui permet de convaincre ses sujets.
Est-ce que le Gouvernement a une influence sur les royaumes ?
C’est impossible. L’Etat ne s’impose pas aux royaumes. Ils sont autonomes.
On a vu dans ce même pays des royaumes où des rois ont été installés par les gouvernants.
Ce cas est plutôt différent. Lorsqu’il y a mésentente entre des personnes qui veulent devenir roi, l’Etat peut intervenir et normalement, il penche pour celui que l’oracle a choisi.
Y a-t-il un intérêt particulier que vous recherchez en voulant devenir roi ?
Il n’y a aucun intérêt particulier. Au contraire, c’est le roi qui se soucie du quotidien de son peuple. Il travaille pratiquement tous les jours pour voir son peuple épanoui. Il doit intercéder auprès du Gouvernement, frapper à toutes les portes afin qu’on améliore leurs conditions de vie. La preuve, c’est que nous n’avons pas un salaire.
A la veille des élections, on voit des présidentiables défiler dans vos palais. Ça veut dire et ça se sait, que les enveloppes passent aussi.
Pas du tout. Si vous voyez des hommes politiques chez les rois, sachez qu’ils arrivent pour recevoir notre bénédiction. Nous prions pour eux afin qu’ils gèrent en toute tranquillité les charges qui leur sont confiées. Nous prions également pour que la paix règne dans le pays.
Avant d’être roi, vous êtes d’abord un citoyen. Quelle est votre position sur l’échiquier politique national ?
Avant d’être roi, nous étions politiciens. Ce n’est pas parce qu’on devient roi qu’il faut abandonner la politique. Effectivement, je suis membre du Bloc Républicain. D’aucuns disent que les rois ne doivent pas avoir un bord politique. Mais je tiens à dire qu’avant d’être roi, on est d’abord politicien.
Pourquoi avez-vous choisi le Bloc républicain ?
J’ai choisi le Bloc républicain parce que les membres de ce parti m’inspirent confiance. Et ce qui m’a le plus intéressé, c’est que le Président Patrice Talon a, en moins de 5 ans, réalisé des choses extraordinaires. Je vois donc dans ce parti que les gens sont là pour travailler au développement du Bénin. Et je suis partant. Actuellement, je prie pour qu’il fasse un second mandat. Parce que s’il s’en va, qui peut faire mieux que lui ? Il faut donc le laisser faire un second mandat.
Pourquoi n’avez-vous pas choisi l’Union Progressiste par exemple surtout que ce parti soutient aussi les actions du chef de l’Etat ?
Ça dépend de chacun de nous. Je trouve que le Bloc Républicain épouse mieux mes valeurs et mes idéaux.
Cela suppose que vous allez amener vos sujets à choisir le Bloc Républicain
Chacun se bat de son côté. Mais au finish, on se bat pour une seule personne.
Est-ce que le fait d’être membre d’un parti politique ne crée pas des frustrations au sein du royaume d’Illasso ?
En dehors de ma casquette de roi, je suis aussi un individu. Mieux, la politique existait dans les royaumes. Avant, c’était les royaumes qui exerçaient la politique. Donc, si quelqu’un s’oppose au fait qu’un roi fasse de la politique, c’est son problème.
Nous sommes pratiquement à un an du terme du mandat du Président Patrice Talon. Quelle lecture faites-vous de façon globale de la gouvernance du pays ?
Je vais vous dire la vérité. On ne peut pas comparer deux choses incomparables. En termes de réalisation, il n’y a rien à dire. Allez à Porto-Novo, à Cotonou, Ouidah, Parakou…Si vous parcourez tout le Bénin, vous vous rendrez compte que le président travaille. Faire du social ne signifie pas seulement donner de l’argent à la population, c’est d’abord faciliter leurs peines. En construisant des infrastructures, il fait du social. Ce président, j’ai besoin de lui, qu’il continue ses œuvres. Il faut que nous l’aidions, il faut que nous laissions l’hypocrisie de côté et que nous le laissions travailler. Il a envie de travailler pour le Bénin. C’est celui qui connait mieux le Bénin qui peut travailler pour son développement.
Chacun apprécie à sa manière, certains disent que la réalisation des infrastructures, c’est bien mais il faut aussi que le Béninois mange à sa faim, ce qui, je suppose que vous vous en êtes rendu compte, est très difficile depuis l’avènement de la Rupture ?
Je pense qu’il est temps que nous trouvions à manger par nos efforts. Si le vol nourrissait les gens par le passé et que ce n’est plus le cas actuellement, on ne peut pas accuser le chef de l’Etat. Pouvait-il mettre la main à la poche et partager l’argent du contribuable à tout le monde ? C’est du social ça ? Aujourd’hui, on parle des pays de la sous-région qui amorcent le développement mais il faut qu’on parle de mon pays aussi. Que les gens cessent d’accuser injustement les gouvernants. A mon avis, il faut que le président Talon capitalise ses cinq ans et revienne encore en 2021, moi, c’est ma prière.
Pensez-vous qu’il y aura plusieurs candidatures pour que les Béninois puissent vraiment apprécier cette gouvernance à qui vous décernez des lauriers ?
Je ne peux pas condamner le fait qu’il y ait plusieurs candidatures. C’est parce que c’est l’égoïsme qui nous pousse à poser de nombreuses candidatures. Sinon si c’est deux ou trois partis qui sont éligibles, que ces deux ou trois partis aillent à la compétition pour qu’on puisse savoir ce que les gens veulent.
Selon vous, est-ce que les lois dernièrement votées par les députés de la 8ème législature n’empêchent-elles pas une compétition ouverte pour la présidentielle de 2021 ?
Aucune loi n’empêche la compétition, quelle est cette loi qui empêche la compétition ? La vérité est que les lois sont déjà votées, donc il faut qu’on les respecte. Et personne ne peut aller contre une loi qui a été votée et qui s’applique déjà.
Parlons d’une autre de vos priorités. Vous avez créé une fondation, c’est quoi sa mission ?
La fondation ‘’Obadé kpadawalé’’ est une fondation qui a vocation de porter assistance aux démunis notamment les orphelins et toute autre personne qui est en situation de besoin. Pour le moment, je n’ai pas de partenaire, je gère la fondation sur fonds propres. Le seul partenaire que je peux dire que j’ai, c’est le ministère des affaires étrangères qui, chaque fois qu’ils ont des dons à faire, par exemple des vivres comme les dattes qui leur sont envoyées ou des kits scolaires, pense à nous.
Nous savons que les rois, c’est aussi des connaissances de nos réalités endogènes ; vous êtes phytothérapeute ; quel est votre parcours sur ce terrain ?
La consultation est une chose qui me plaisait beaucoup. Et suite à ça, j’avais commencé par fréquenter des vieux et des sages et de fil en aiguille, j’ai acquis les dons de la consultation. Ce qui fait qu’aujourd’hui, je peux voir des choses de l’ombre. Pour me résumer, je m’y connais effectivement en matière de recettes médicinales traditionnelles et sur ce terrain, je fais un peu de tout.
Nous sommes dans un contexte sanitaire que vous n’ignorez pas, alors dites-nous est-ce que les associations des tradi-praticiens ont en vue un remède contre la Covid-19 ?
Pour ce que je peux vous dire pour l’instant, c’est que nous avons eu une concertation au cours de laquelle nous avons consulté le Ifâ à Ilasso dans la commune de Sakété. Nous avons écouté le Ifâ et on a fait des rituels pour éviter que la pandémie nous ravage tous.
Nous avons en Afrique des ainés qui s’y connaissent en matière de médecine traditionnelle et autres mais ces ainés n’aiment pas transmettre leur savoir à la jeune génération. Pourquoi cet état de chose ?
Il faut noter que les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas, pour la plupart, prêts à recevoir la connaissance de leurs ascendants. Ils veulent tout de suite tout savoir et tout avoir. Ils ne veulent souvent pas suivre le processus progressif qui conduit à l’acquisition du savoir. Ils ne veulent pas rester auprès des vieux, suivre les choses et voir comment ça se passe. Le jeune lorsqu’il est là, il est déconcentré et ambitieux. Donc, la transmission de l’héritage sera difficile avec ça. Un jeune qui veut être sage reste à côté d’un vieux et apprend. Mais, les jeunes sont maintenant pressés et désorientés. Par rapport à tout ceci, créer une école de l’apprentissage de l’héritage traditionnel est un rêve que je nourris. Et si nous avons des partenaires et que les moyens sont là, on peut le faire.
Un mot pour conclure cet entretien
Pour finir, je remercie le président Patrice Talon pour tout ce qu’il fait pour notre pays, que Dieu veille sur lui, sur sa famille et son gouvernement. Aussi, j’invite mes compatriotes à respecter les gestes barrières. Pour le moment, le coronavirus n’a pas de remède mais, nous devons garder espoir.
Propos recueillis par : Angelo DOSSOUMOU S.