En matière de contrôle de l’action gouvernementale, que peut un Parlement au sein duquel les 83 acteurs sont tous issus des deux partis politiques siamois, nés des entrailles du Pouvoir exécutif ? Beaucoup d’observateurs de la vie sociopolitique avaient tiré la sonnette d’alarme sur les risques que courait le Bénin en organisant des élections législatives exclusives, sans les partis politiques d’opposition. Les jours passant, les faits semblent donner raison à ces analystes et observateurs, tant la huitième législature de l’Assemblée nationale affiche sa passivité dans certains gros dossiers de la République. Tenez! Alors même que le débat sur la réfection du Palais de la République par le chef de l’État, Patrice Talon, continue, le président du Parlement, Louis Vlavonou et ses collègues n’ont pas daigné interpeller le gouvernement notamment le ministre des Finances pour en savoir davantage et surtout situer l’opinion publique nationale et internationale sur ce qu’il en est réellement. À combien revient au contribuable béninois le relooking du Palais exhibé le 1er août sur fond d’indignations du public? A-t-on lancé un appel d’offres préalable ? Quelle est où quelles sont les entreprises adjudicataires du revêtement du bâtiment et des mûrs, puis du remplacement des fleurs…? Y-a-t-il urgence de faire un tel investissement face à d’autres priorités de l’heure ? Autant de préoccupations qui auraient pu pousser les 83 soutiens du pouvoir à simuler tout de même une parodie de séance de questions d’actualité. Mais, à observer de près, le peuple devra attendre longtemps. Ceux qui sont sensés le représenter n’ont pas encore ce temps ou n’en ont que faire. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’ils ne seront pas là où on les attend le plus. Pour preuves, la gestion des nombreux fonds levés sur le marché par le gouvernement, la gestion qu’il fait de la pandémie de la Covid-19, le dossier fermeture des frontières par le Nigeria qui reste d’actualité… ne sont pas des préoccupations de l’institution parlementaire. Pour le cas Palais rénové, des citoyens sont obligés d’écrire à Louis Vlavonou, mardi 12 août dernier. Quelle suite sera réservée à cette lettre dont l’intégralité est publiée ci-après ? Difficile de le savoir.
Worou BORO
Intégralité de la lettre ouverte adressée à l’Assemblée nationale
Messieurs / Mesdames les Députés,
Nous venons respectueusement en tant que de citoyens épris de paix, de justice et d’équité, vous soumettre quelques doléances. En effet, le 1er Août 2020, notre cher et beau pays le Bénin a célébré les 60 ans de son accession à la souveraineté internationale; instant de joie et surtout de réflexion. Particulière en raison de la COVID-19, de la morosité économique et de la dégradation du climat social, la célébration de cette année a eu le mérite de nous révéler à nous-mêmes et de mettre en lumière la place qu’occupe l’Humain dans les politiques publiques et dans nos cœurs.
Dans la ferveur de cette célébration, se côtoyaient le bon et le moins bon, l’opulence et l’indigence. Pendant que nombreux de nos compatriotes se trouvent de plus en plus en difficulté à satisfaire à leurs besoins fondamentaux et que, par voie de presse, nous apprenons qu’un des nôtres s’est donné la mort, en raison de son incapacité à faire face aux soins de santé de sa femme alitée, notre pays fêtait ses soixante années d’indépendance dans le faste au Palais de la Marina.
Si mettre l’argent du contribuable dans le beau, l’esthétique, rénover des bâtiments qui hébergent les institutions qui plus est la Présidence de la République, ne devrait susciter autant de polémiques et d’indignation, il va de soi que Quatorze (14) milliards de FCFA (selon les indiscrétions) sont énormes et frisent, dans un contexte comme le nôtre, une sorte d’indifférence de nos Gouvernants face à la misère du Peuple qui ne demande que le minimum pour survivre. Oui, survivre parce qu’il ne vit pas, ce Peuple que vous représentez au Parlement.
Dans ce Bénin, notre pays, où malgré les importants réalisations et efforts du régime du « Nouveau Départ », le droit à l’éducation, à la santé, à l’eau, à l’alimentation, au logement et au bonheur ne sont toujours pas effectifs, il est incompréhensible de nous voir choisir l’agréable au détriment de l’utile. S’en offusquer n’est nullement une absence de goût ou un désamour pour l’élégance et l’agréable. Car, il est un secret de polichinelle que les pays qui mettent l’argent du contribuable dans l’agréable sont ceux ayant fini de satisfaire aux besoins élémentaires de leurs peuples. Sauf erreur, notre pays n’est pas encore à ce stade.
- Advertisement -
- Advertisement -
Quatorze (14) milliards de nos francs nous auraient permis d’opérationnaliser plusieurs projets ou infrastructures socio-communautaires de base, affiner notre politique d’assistance sociale, financer la réinsertion des prisonniers etc. Pourquoi ne pas avoir pensé à la rénovation notre hôpital de référence, le CNHU ? Bien que le Programme d’Action du Gouvernement ait prévu la construction d’un hôpital de référence à la hauteur de nos rêves dans la Commune d’Abomey-Calavi, il n’est pas moins vrai que le Centre National Hospitalier et Universitaire Hubert KOUTOUKOU MAGA et nos centres hospitaliers départementaux continuent d’enregistrer des cas qui auraient pu trouver solutions, si le Gouvernement avait opté pour leur rénovation, surtout que la construction envisagée n’ouvre pas la voie à la fermeture de ces Centres. La rénovation du Palais pouvait attendre. La santé, par contre, ne peut pas attendre.
Cher.e.s Députés, vous êtes du Peuple. Vous représentez le Peuple. Nous savons que vous n’êtes guidés que par la loyauté envers la République. Nous savons également que contrairement à votre première année marquée par une absence d’action visant le contrôle de l’action gouvernementale, vous êtes animé.e.s de la ferme volonté d’en faire, s’il y en a.
C’est pourquoi, dans une démarche républicaine et patriotique, loin de toute intention malveillante et rumeurs alimentées par les nouveaux médias, nous voudrions vous demander de bien vouloir jouer votre partition, conformément à vos prérogatives. De façon spécifique, nous vous invitons à :
demander à notre Gouvernement de faire la lumière, au nom de la transparence, chère au Gouvernement de la « Rupture » et du droit à l’information, sur le montant exact que la rénovation du Palais de la Marina a coûté au contribuable béninois ;
demander au Gouvernement les raisons de ce choix alors que le Peuple continue de serrer les ceintures, les factures sont de plus en plus exorbitantes, des milliers de citoyens sont réduits au chômage et la précarité est toujours ambiante ;
inviter le Gouvernement à privilégier, à l’avenir, soit l’utile ou soit joindre l’utile à l’agréable.
Convaincus que seule la loyauté envers la République est votre guide et que vous prendrez des mesures idoines pour la prise en considération de nos doléances, nous vous prions de recevoir, Messieurs / Mesdames les Députés à l’Assemblée Nationale, nos salutations patriotiques.
Miguèle Fifamin HOUETO Landry Angelo ADELAKOUN
Juriste, Militante pour les droits Humains Juriste, Militant pour les droits Humains
Romaric ZINSOU Eddy Camille KOTO
Juriste, Militant pour les droits Humains Enseignant, Psychopédagogue