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Militantisme féminin d’hier à aujourd’hui: De grands noms, un bilan

Publié le mercredi 19 aout 2020  |  La Nation
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Par Maryse ASSOGBADJO,



Des indépendances à ce jour, les femmes ont marqué la vie politique nationale en s’appuyant sur le militantisme, les dynamiques du milieu associatif, l’évolution du cadre juridique et en s’adaptant à la modernité. Mais la route est encore longue. Bilan non exhaustif du parcours politique des femmes dans le cadre des noces de diamant du Bénin.


« Dans la semaine qui commence, les quatre Etats du Conseil de l’Entente vont accéder à l’indépendance. Le Dahomey est heureux et fier d’être le premier à exercer pleinement sa souveraineté interne et externe. C’est pour nous un jour d’allégresse qui consacrera l’union de tous les enfants de ce pays pour la paix et la fraternité, jour qui marquera un nouveau pas en avant de l’Afrique vers un avenir meilleur».
C’est par ces phrases chargées d’émotions que le président Hubert Maga annonçait officiellement les couleurs de l’indépendance du Bénin, ce 1er août 1960 dans une ambiance de grand jour.
Six décennies après, l’eau a coulé sous le pont. Le Bénin poursuit inexorablement sa marche vers le développement. Les pages d’un lendemain meilleur s’écrivent non sans péripéties, mais avec l’engagement des différents gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays, dans la paix et avec le concours de tous.

Les femmes ne sont pas restées en marge de cette marche. Quel point peut-on faire de leur parcours depuis 1960 ? Quelles ont été les avancées enregistrées et quelles ont été leurs contributions au développement du Bénin, jadis Dahomey?
En jetant un regard sur la période 1960 à 1972, période de l’indépendance à la révolution et d’une grande instabilité politique, il est loisible de constater que les stigmates de la gouvernance coloniale n’ont laissé aucune place à la femme. Durant la période coloniale, elles étaient peu présentes, voire absentes de l’arène politique béninoise. « Elles restèrent alors cachées lors de la période suivant l’accession à l’indépendance, et également lors du premier règne de Mathieu Kérékou. Ainsi, aucune femme n’a été candidate aux élections présidentielles successives entre 1960 et 1990», relève Cathérine Lagacé dans son mémoire de maîtrise en politique, intitulé ‘’Femmes et politique au Bénin: un défi à relever’’.

Aucune femme positionnée

L’histoire renseigne que les partis politiques n’ont jamais positionné de femmes sur les listes des candidats aux élections législatives avant la révolution du 26 octobre 1972. « Ni le Parti dahoméen de l’Unité (Pdu), ni l’Union démocratique dahoméenne (Udd) n’ont présenté de femmes aux élections législatives de 1960 et 1964, même pas des suppléantes. Aucune femme n’a siégé au bureau des législatures qui vont se succéder », relève Marie-Odile Attanasso, ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique dans son ouvrage, ‘’femmes et pouvoirs politiques au Bénin, des origines dahoméennes à nos jours’’.
Elle poursuit : « Depuis l’accession du Dahomey à l’indépendance en 1960 jusqu’en 1972, les femmes ont milité dans les partis politiques mais n’ont pas occupé des postes de responsabilité importants. Le premier combat de l’élite féminine politique a consisté à éduquer les femmes en vue d’une prise de conscience de leur force socioéconomique et de leur rôle politique ».
Dans ce cadre, le Groupement des femmes dahoméennes (Gfd), créé en 1961 et dirigé par Marie do Régo, épouse du président Hubert Maga, va se lancer dans la sensibilisation et l’éducation des Dahoméennes, en se fixant comme mission de réveiller les femmes pour leur faire comprendre leur rôle tant politique que social, une sorte d’alphabétisation politique de la femme de l’époque.
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Il a fallu attendre novembre 1979 pour voir une femme siéger au Parlement béninois. La période 1972 à 1989 laisse place à l’émergence de plusieurs instances dédiées aux femmes, en dépit des difficultés économiques que connaissait le pays.
« De 1972 à 1989, nous avons vécu un virage politique et économique à 180 degrés avec l’option du socialisme scientifique basé sur le marxisme-léninisme, où l’économie agonisait, où la révolution s’est endurcie et traitait durement ceux qui pensaient différemment. Mais c’est aussi et surtout la période au cours de laquelle, les femmes connaîtront l’émergence numérique la plus forte jamais enregistrée au Bénin à la faveur de la création du Conseil national de la révolution (Cnr), et de certaines de ces instances locales féminines très politisées telles que le Comité d’organisation des femmes et l’Organisation des femmes révolutionnaires du Bénin », se remémore Huguette Bokpè Gnacadja, actrice de la société civile.
La période révolutionnaire a été plutôt faste pour les femmes au plan politique. « La révolution a institué un système de quota qui permettra une représentation des femmes au sein de l’Assemblée nationale révolutionnaire.La loi fondamentale de 1977 a posé le principe d’égalité juridique entre hommes et femmes », relate-t-elle. Ce qui a permis à dix-neuf mille six cents femmes sur soixante-dix mille conseillers en 1975, soit 28 %, de se faire élire, peut-on lire dans le mémoire de Catherine Lagacé.
Une nouvelle dynamique s’installe pour les femmes en 1990, à l’issue de la Conférence nationale des forces vives de la nation, au cours de laquelle, elles ont joué un rôle important. Cette période a favorisé le multipartisme intégral avec la création de six partis politiques dirigés par des femmes dont, Rosine Vieyra Soglo, ancienne première dame.

Légère amélioration

Avec l’avènement du renouveau démocratique, l’on note une légère augmentation de la représentation féminine dans les gouvernements béninois. En effet, en mars 1990, le nouveau premier ministre de la Transition, Nicéphore Soglo, nomme deux femmes ministres contre douze hommes, élevant du coup le taux de participation des femmes au gouvernement à 14,28 %.
Ainsi, Véronique Lawson, pédiatre, était à la tête du ministère de la Santé publique, tandis que Véronique Ahoyo, assistante sociale, occupait le poste de ministre des Affaires sociales, de l’Emploi et du Travail.
Malheureusement, cette dynamique ne fera pas long feu et peine à être corrigée aujourd’hui. La réalité des chiffres au sein des instances décisionnelles démontre le faible effectif numérique des femmes.
« Au niveau du leadership communal, notre score à peine meilleur aux mandatures précédentes a été de 5,19 %. Depuis 1990 à ce jour, le Parlement peine à enregistrer plus de 7 % de femmes. Au niveau du gouvernement, c’est seulement au cours de l’ère du président Boni Yayi que le taux de 30 % de femmes a été atteint», analyse Huguette Bokpè Gnacadja.

Il se dégage tout de même une lueur d’espoir avec la Rupture. «Nous avons poussé des soupirs de désenchantement au fur et à mesure des nominations. La modification de l’article 26 de la Constitution en faveur de la mise en œuvre de l’égalité en droit de la femme et de l’homme est une opportunité pour les femmes de faire leurs preuves pour les prochaines législatives», espère-t-elle.
A cela s’ajoutent les mesures spécifiques dans la loi électorale favorables à la promotion et à l’amélioration de la représentation de la femme au sein des assemblées parlementaires nationales, communales, municipales et locales pour garantir 24 sièges au moins aux femmes au sein du Parlement.
Ces résultats sont le fruit du militantisme politique soutenu et défendu par des femmes de poigne telles que RafiatouKarimou, Thérèse Waounwa, Eugénie Dossa, Elisabeth Balley, Grâce Lawani, Nathalie Barboza, Marie-Jeanne Ruffino, Béatrice Lakoussan, Valentine Gangbo….
Aujourd’hui, mieux qu’hier, les femmes veulent être des actrices au premier rang en politique.

Plus de rôles de second plan

« Il en est autrement aujourd’hui des femmes qui s’engagent dans la politique. Elles ne veulent plus jouer les figurantes ni uniquement les pourvoyeuses d’électeurs vers les lieux de meeting, pas plus que les « marmitonnes» du parti pour l’entretien des citoyens venus aux meetings. Elles veulent assumer leur part de responsabilité », apprécie Marie-Odile Attanasso.
Ce point de vue diffère de celui d’Huguette Bokpè Gnacadja, qui fait constater que la participation des femmes à la vie politique et publique relève encore d’un choix difficile : « La présence des femmes dans la vie publique et politique dépend de leur appartenance ou non à une obédience politique. L’arène politique est celle de la conquête du pouvoir et de la recherche d’un cheval gagnant où l’on ne fait de quartier à personne. C’est aussi une affaire de gros moyens et d’endurance dans l’exercice de l’entregent et beaucoup de femmes renoncent à s’y user ».

Elle tente de situer les responsabilités : « Les femmes elles-mêmes sont frileuses quant à l’exercice du leadership politique et l’action dans la vie publique parce que la décision de leur implication se prend à un niveau familial, contrairement aux hommes ».
A ses yeux, le parcours des femmes se trace lentement avec des moments lumineux et des épisodes décourageants. «Nous sommes tantôt tenues en haleine par de grandes nominations, tantôt refroidies par des attentes déçues. On observe depuis autant de décennies, ce tableau figé principalement parce que la mutation des mentalités vers l’acceptation que femmes et hommes sont égaux en droit, en traitement et en opportunité est très lente et ne dépend pas nécessairement du niveau intellectuel des hommes et des femmes », souligne Huguette Bokpè Gnacadja.
L’effectif des femmes au sein des instances décisionnelles prouve à suffisance les défis à relever par les femmes et les pouvoirs publics pour redresser la pente.

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