L’économie béninoise reste marquée par la précarité et la prépondérance de l’informel, en dépit des stratégies de croissance pour la réduction de la pauvreté. Une transformation profonde, notamment du tissu industriel, s’impose pour inverser la donne et mieux valoriser le potentiel agricole et minier.
Il aura fallu 60 ans après l’indépendance pour que le Bénin passe du statut de pays à faible revenu à celui de pays à revenu intermédiaire de tranche inférieure, selon le classement de la Banque mondiale de juillet 2020. Fruit de réformes austères mais salutaires opérées ces dernières années, cette classification témoigne de l’augmentation du revenu national brut par habitant qui est passé de 870 dollars Us à la dernière mise à jour à 1250 dollars Us, à en croire l’institution.
Certes, quelques améliorations sont notées mais cette performance de la croissance économique n’est pas encore suffisante pour induire la réduction de la pauvreté qui reste encore une situation préoccupante. En effet, l’incidence suivant le seuil international en termes du pouvoir d’achat ressort à 47,5 %, selon l’Enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages (Ehcvm) dans l’Uemoa publiée en juillet dernier. En d’autres termes, près de la moitié des individus sont en situation de pauvreté monétaire au Bénin. La dépense moyenne annuelle nominale par tête s’élève à 373 050 F Cfa, pour un Seuil international de pauvreté en 2018 (3,2 dollars par personne et par jour en Parité du Pouvoir d’Achat de 2011) fixé à 281 528 F Cfa. Ces chiffres découlent des données recueillies sur la période de septembre à décembre 2018 et d’avril à juillet 2019.
L’on note des performances agricoles remarquables au fil des années mais le secteur secondaire, quant à lui, reste l’ombre de lui-même. Il est caractérisé par une atrophie, tirant la croissance économique vers le bas.
La structure de l’économie, après six décennies d’indépendance, reste encore tributaire, pour une grande partie, de la culture du coton, première culture d’exportation et locomotive de l’agriculture au Bénin qui compte pour environ 37 % du Pib et emploie 70 % de la population. La production nationale a connu un bond quantitatif remarquable ces quatre dernières années pour atteindre 732 000 tonnes de coton au cours de la dernière campagne.
Globalement, l’économie nationale subit les fluctuations du cours des matières premières agricoles sur le plan international, et est donc exposée aux chocs exogènes et aux mutations qui interviennent sur le marché mondial.
L’industrie peu développée
Le secteur secondaire reste le maillon faible de l’économie nationale, malgré l’attention qui lui est portée depuis des décennies. Le tissu industriel reste dominé par l’informel qui rassemble plus des deux tiers des unités de transformation. Il est peu développé et ne contribuant que pour 9 % au Produit intérieur brut (Pib) et emploie 10 % de la population active, selon le 2e Recensement général des entreprises (Rge 2) réalisé par l’Institut national de statistiques et d’analyse économique (Insae) en 2008.
Dès l’indépendance en 1960, le pouvoir public a affiché sa volonté de renforcer le tissu industriel dont le colon a jeté les bases, pour la valorisation des ressources naturelles végétales, animales et minières, la déconcentration industrielle et l’autosuffisance alimentaire. Mais du fait de l’instabilité politique observée au cours des douze premières années avec les changements répétés de régimes, les plans élaborés en vue de développer les entreprises et satisfaire les besoins intérieurs en produits manufacturés n’ont pu être mis en œuvre convenablement jusqu’à l’avènement de la Révolution du 26 octobre 1972.
Conscient que le secteur industriel constitue une clé pour le développement socio-économique, l’Etat y a consacré plus de 150 milliards de francs Cfa sur la période de 1972 à 1988, avec l’option socialiste prise par le Gouvernement militaire révolutionnaire (Gmr). Un programme ambitieux de valorisation du capital humain a été également élaboré pour renforcer le capital humain dans le secteur. Mais les entreprises étatiques tomberont en faillite, l’une après l’autre, et feront l’objet de dissolution, de liquidation et, ou de dénationalisation.
Au lendemain de la libéralisation de l’économie et la privatisation de plusieurs sociétés d’Etat, après la Conférence des forces vives de la nation de février 1990, le secteur privé appelé à assurer la relève de l’Etat qui détenait la plupart des industries, ne bénéficiera pas de mesures d’accompagnement pour sa restructuration et son éclosion.
Spécificités
L’industrie au Bénin est dominée par le secteur agroalimentaire en constante progression (plus de 25 %), notamment avec la fabrication des boissons, le travail du bois, la cimenterie et le textile.
Le sous-secteur cimentier compte quatre grandes unités ayant une capacité de production globale d’un million de tonnes par an. Il connaît une intense activité du fait du boom immobilier justifié par l’obsession du Béninois pour le « chez soi ».
Quant au textile, il reste embryonnaire avec des entités telles que la Société des industries textiles du Bénin (Sitex) créée en 1987, la Société béninoise de textiles (Sobetex), la Compagnie béninoise des textiles (Cbt) et le Complexe textile du Bénin (Coteb), qui tournent toutes au ralenti. En attendant la mise en œuvre d’un plan de relance du sous-secteur, le Bénin se contente d’exporter son coton fibre dont seulement 3 % de la production nationale est transformée sur place. Dans le même temps, les rangs des chômeurs grossissent chaque année et des milliards sont investis dans l’importation de vêtements et de tissus pour l’usage quotidien et diverses cérémonies. Heureusement, les regards sont tournés vers une société japonaise dénommée Marubeni qui s’annonce pour la construction d’une usine de transformation locale du coton fibre à Sèmè-Podji.
La filière anacarde, deuxième culture d’exportation du pays qui contribue à hauteur de 7 % au produit intérieur brut (Pib) agricole et de 3 % au Pib global, n’est pas mieux logée. La quantité de noix brutes exportées, ces dernières années, a souvent dépassé les 100 000 tonnes, selon le Conseil national des exportateurs de cajou du Bénin (Conec-Bénin). Les unités de transformation des noix encore fonctionnelles s’accommodent de procédés artisanaux et archaïques et la quantité de noix transformées reste faible : 18 000 tonnes sur 130 000 tonnes produites en 2019, soit moins de 14 %. Et la fermeture d’un bon nombre d’unités, après la crise internationale de 2018, complique davantage la situation.
Les autres filières agricoles marquent également le pas. Le sous-secteur du bois qui contribue de façon considérable à l’essor de l’économie béninoise, résiste vaille que vaille aux chocs. Après une visite dans les ateliers de la Coopérative des meubles à Akpakpa et à l’usine Atc Industrie de bois d’Allada, le président Patrice Talon a annoncé en avril 2018 des mesures d’appui pour favoriser l’éclosion de ces unités à travers l’approvisionnement en matière première et l’écoulement des produits finis.
——————— Un secteur informel prépondérant ————————
L’activité informelle reste prépondérante et précaire au Bénin. Le secteur demeure, à côté de l’Etat, le principal pourvoyeur d’emplois et de richesse, contribuant à environ 67 % du Produit intérieur brut (Pib), selon l’Enquête régionale intégrée sur l’emploi et le secteur informel (Eri-Esi 2018).
Malheureusement, il subit des contraintes relatives notamment à l’accès au financement et à la pression fiscale, lesquelles expliquent la réticence des chefs d’unité de production informelle (Cupi) à se mettre en règle vis-à-vis des textes. En effet, la plupart des entreprises béninoises sont caractérisées par une sous-capitalisation et une absence de planification et de structuration de leurs activités. Elles financent majoritairement (64,1 %) leur capital à partir des fonds propres, notamment par l’épargne ou la tontine. Elles sont confrontées à des difficultés liées essentiellement à la technique de fabrication (42,2 %), à l’approvisionnement en matières premières (26,5 %), au manque de machines et d’équipements (26,2 %), selon l’enquête.
Au nombre des obstacles structurels, il est signalé : l’asymétrie d’information, la culture de non remboursement du crédit, l’insuffisance de garantie, la faiblesse dans l’élaboration des dossiers d’investissement présentés aux institutions bancaires et aux fonds de garantie n