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Vous avez dit parrainage…politique ?

Publié le jeudi 10 septembre 2020  |  La Nation
Roger
© aCotonou.com par DR
Roger Gbégnonvi, ancien ministre sous Yayi Boni
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Par LANATION,
Michel de Montaigne, au XVIe siècle, a écrit dans ses Essais que « c’est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant, que l’homme. Il est malaisé d’y fonder jugement constant et uniforme». Quand il écrivait cette réflexion, Montaigne avait sans doute sous les yeux le kaléidoscope des temps à venir, où le Béninois de fin XXe siècle, début XXIe se trouvait en très bonne place. Car le Béninois de août-septembre 2020 ne peut que s’admirer dans le miroir que lui tend l’ancien Maire de Bordeaux, qui eût pu ajouter « contradictoire à souhait » pour parachever sa peinture. De fait, le philosophe avait à sa disposition moult exemples concordants, tel celui ci-dessous, avec ses ramifications, pour illustrer aisément la contradiction, l’ondoyance, l’inconstance, la vanité, et tutti quanti, du Béninois aujourd’hui.



Nous sommes au moment de l’une de nos vaillantes réformes scolaires disputées et plutôt très mal reçues. A la fin d’une année scolaire aux résultats délibérément complaisants au motif de ‘‘ne pas pénaliser les enfants’’, on vit des parents d’élèves, qui n’étaient pas agrégés de philo, bondir chez le maître d’école pour contester et refuser le passage de leur épigone en classe supérieure : « Je connais son niveau. Il ne pourra pas tenir. Je vous en prie, faites-lui redoubler son année. » Très beau témoignage de l’adhésion totale du Béninois à l’avancement au mérite. Rejet catégorique de la médiocrité. Très bon résidu de l’excellence qui caractérisa naguère, aux yeux de France et de Navarre, ‘‘le quartier latin de l’Afrique’’.
Mais trêve de poncifs élogieux. Attendons un peu que le grand homme se rende chez son coiffeur et, les indiscrétions pleuvant, tous apprendront que sous son chapeau et ses cheveux se trouve un crâne peuplé de bosses, un crâne ni constant ni uniforme et que, décidément, Montaigne avait tout vu. Le salon de coiffure en l’occurrence, ce furent les Programmes d’Ajustement Structurel qui, non contents d’avoir provoqué l’inattendu de la brusque fin de carrière de nombre de fonctionnaires d’Etat jugés par eux surnuméraires, conçurent l’abracadabrantesque idée de soumettre les fonctionnaires demeurés à l’avancement sur mérite. Il n’y avait que les Pas, cruels et sans âme, pour croire que l’avancement sur mérite fonctionnerait dans la fonction publique béninoise, sous prétexte qu’il en était ainsi dans la fonction privée, dans les casernes et dans les écoles des trois ordres. Erreur titanesque ! Les fonctionnaires non déflatés virent rouge. Boucliers levés, nuée de cartons jaunes et surtout rouge-sang. Mort à tout gouvernement qui oserait remettre en cause l’avancement automatique tous les deux ans de tout fonctionnaire d’Etat. La justice, c’était l’automatisme et non le mérite. Les protestataires, unanimes, brandirent deux arguments qui raflèrent les suffrages de l’ensemble du peuple béninois.
1.- Les chefs hiérarchiques devant juger du mérite ou du nonmérite de leurs subalternes ne pouvaient pas vouloir le bien de ceux-ci, d’où ceux-ci étaient recalés sans nulle forme de procès.
2.- Pour des raisons d’alcôve, les chefs hiérarchiques feraient avancer au non-mérite les femmes de leurs administrations et laisseraient tous hommes pleurer comme des veaux : irrecevable! Que feraient les rares femmes chefs hiérarchiques ? Bof, sans importance.
Le troisième argument non-dit des protestataires, c’était la cessation du travail si l’on insistait pour voir leurs mérites. A une époque où les grèves décollaient sans aucun tour de piste et prenaient vitesse de croisière dès le décollage pour ne plus savoir comment freiner et redescendre, aucun gouvernement n’osa contredire les parents exigeant l’avancement sur mérite pour leurs enfants à l’école et le refusant mordicus pour eux-mêmes dans la fonction publique. Et ce fut tant pis pour la bonne gouvernance, le Fmi, la Banque mondiale, et l’éminent Maire de Bordeaux au XVIè siècle du deuxième millénaire de l’ère chrétienne.


Du parrainage

Au troisième millénaire de cette même ère, en août-septembre 2020, le ci-dessus ancien Maire de Bordeaux, a été vu assis sur sa tombe, en train d’observer, amusé, la gent béninoise en guerre ouverte contre le parrainage politique. En vérité, les Béninois n’ont rien contre le parrainage. Animistes et catholiques, ils sont fiers, lors de leur admission aux sacrements de Baptême et de l’Eucharistie, de se présenter avec des parrains à la parole indubitable pour garantir au prêtre célébrant qu’ils serviront Jésus-Christ en fidélité, dignité et noblesse. Catholiques et candidats à entrer en Loge, c’est dans une atmosphère de solennité grave et heureuse qu’ils s’en vont frapper les trois coups rituels à la porte du Temple de Lumière, pour demander à y être accueillis, après avoir été suivis, accompagnés et encadrés durant des mois par un parrain trié sur le volet. On viendrait donc mal à propos, on commettrait l’impardonnable péché contre l’Esprit si l’on suspectait les Béninois d’opposition au parrainage, alors qu’ils l’aiment, le suscitent, le vénèrent. Ce ne sont que deux modalités du parrainage qui les mettent aujourd’hui dans une colère noire anthracite ou sénégalaise.
C’est d’abord le ‘‘politique’’ accolé outrageusement à ‘‘parrainage’’. Insupportable. Parce que la politique – et le Béninois ne le sait que trop pour en être un fervent praticien -, la politique est le terrain de tous les jeux et enjeux discourtois, grossiers, roussis, félons, mensongers, larcins gros comme ça, et Satan sait quoi encore.
Comment ose-t-on parler au Béninois, qui s’y connaît parfaitement, de parrainage politique. Pourquoi se cache-t-on derrière son petit doigt pour ne pas nommer correctement la chose ? Parrainage satanique ! Car tous ses élus, députés, maires et consorts et patati et patata, à qui l’on portera des dossiers de candidature à parrainer, qui ne sait pas qui ils sont ? Tous des bandits (sic) qui, en lieu et place de parrainage, feront du cousinage, du copinage, du marchandage, du braquage, du bradage, du pourrissage, et Satan sait quoi encore en ‘‘age’’ nauséeux. Alors qu’il soit entendu une fois pour toutes : oui au parrainage devant l’Eglise et devant la Loge, mais pas en politique : c’est indiciblement dangereux
Exit le parrainage politique

L’autre modalité qui met hors de lui le Béninois à propos de cet audacieux parrainage politique, c’est le moment, le contexte. On ne sait quel diable a convaincu l’homme de la Rupture que son pays avait besoin d’être réformé. Mais voilà, depuis qu’il est là, c’est la débandade. Il nous dépouille de tout et, surtout, de tout ce qui faisait notre richesse. Il nous a dépouillés des places publiques où nous nous étalions avec nos oignons, nos piments, nos oranges, etc., pour faire fortune au soleil d’Afrique ; il a osé réduire nos 250 partis politiques à cinq environ, nous rendant presque aussi pauvres que la République Fédérale d’Allemagne, nous maintenant quand même un peu devant les pauvres Etats-Unis d’Amérique, mais pour combien de temps ? Méchant comme il est, il pense certainement à nous mettre à égalité avec ces misérables Yankees qui n’ont rien compris à ce que représente comme tremplin vers la gloire une foultitude de partis politiques ; à cause de sa créature appelée Criet et qui joue les Cerbères, le bon argent facile a déserté le pays, et les filles de joie sont au chômage dans les buvettes bas de gamme : les pauvrettes n’ont plus d’amants de sauvette, et c’est insupportable. Pas satisfait de ce cumul de péchés, dont le plus petit est susceptible de le propulser en enfer, il envisage à présent de détruire le droit, que nous croyions inaliénable, de nous présenter à l’encan à la Présidence de la République. Ne voit-il pas que c’est une richesse que nous soyons passés de 26 candidats présidentiables à 32, et que son devoir patriotique était de porter possiblement leur nombre à 40, 41, 77, pour la plus grande estime internationale du Bénin ? Au lieu que, avec son parrainage politico-satanique, ils ne seront peut-être que cinq. Quand ils ne seront plus que deux, comme aux Etats-Unis d’Amérique, dont la misère dans tous les domaines est insoutenable à cause précisément de ce chiffre minable, il nous aura fait atteindre le fond de la déchéance politique. Ô tristesse !
C’est donc très raisonnablement que l’un des prédécesseurs de l’homme de la Rupture est entré en Résistance et en colère rageante, et pousse des cris d’orfraie et de prophète des malheurs d’Israël et d’Egypte : « On va balayer tout ça ! Nous allons vers la Terre promise ! » Non loin de lui, un journaleux, qui fait sa revue de presse dans la langue de Béhanzin alors que les écrivaillons publient dans la langue de Molière, ce journaleux donc prétend voir à l’horizon proche l’avènement d’un juriste immense qui va rendre notre plancher à son état d’antan. Ce serait formidable s’il y croyait. Mais à sa façon de dire sans rire, on sent qu’il rigole et se moque. Il ricane. Il faut qu’il fasse attention, car le ‘‘balayer tout ça’’ comportera des pendaisons. Voudrait-il être pendu haut et court à l’avènement de la Terre Promise ? On sait qu’il n’a pas volé ce qu’il faut d’argent pour aller s’étaler en exil de luxe sur les Bords de la Seine démunie ou du pauvre Hudson. Il faut qu’il fasse attention.
A sa place et à la place de tous, l’écrivaillon en présence, qui n’a pas volé non plus et ne peut donc s’en aller nager dans aucun des deux fleuves ci-dessus, n’ayant pas appris à nager, l’écrivaillon en présence adhère résolument à tout ce qui précède et que ne rejette pas la majorité silencieuse. Il adhère au parrainage politique parce qu’il croit que la mesure est nécessaire pour limiter le rhizome de fantaisistes candidatures, autour notamment de la plus haute fonction de la République qu’est la Présidence de la République. Respect ! Il conseille à tous ceux qui n’ont pas volé et ne peuvent aller nager luxueux, de servir le Bénin au Bénin avec intelligence et attachement à la patrie.

Par Prof Roger Gbegnonvi (Coll ext)
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