Démolition de la résidence de l’ancien Président Mathieu Kérékou: “Les Filaos“, désormais de l’histoire !

Publié le vendredi 11 septembre 2020 | Matin libre

© Autre presse par DR
Général Mathieu Kérékou, ancien président de la république du Bénin

Rien n’a pu freiner l’élan du gouvernement de la Rupture, déterminé à transformer la résidence de l’ancien Président de la République, feu Mathieu Kérékou en un jardin public. Et la réalité est là. On retiendra simplement que la Résidence “Les filaos“ aura existé.

Plus rien ne rappelle désormais ce lieu historique “Les filaos“, la résidence où a vécu pendant plus de 50 ans, l’homme du 26 octobre 1972, l’initiateur de la Conférence des forces vives de la Nation (assise qui déboucha sur le renouveau démocratique au Bénin). Un tour sur les lieux et on se rend compte que tout ce qui pourrait remémorer l’histoire aux générations futures a été détruit. Tout a été démoli. De nouvelles infrastructures sont en cours d’érection et bientôt ce sera un espace vert en lieu et place de la résidence de l’homme qui aura dirigé ce pays pendant 27 ans. Après le retrait des effets personnels du père de la révolution du domicile qui l’a hébergé jusqu’à sa mort, la démolition de la maison n’a plus tardé. Les travaux d’assainissement et de réaménagement du boulevard de la Marina partant du giratoire Erevan jusqu’au carrefour de la Loterie nationale du Bénin, au quartier Ganhi se déroulent bien. Le domicile de l’homme du 16 janvier 1977 sera donc transformé en un espace public : « Les jardins de Mathieu ». Si pour le gouvernement, la présente initiative vise à rendre hommage au défunt Président, le Général Mathieu Kérékou et à l’immortaliser, beaucoup estiment qu’il s’agit plutôt d’une insulte à l’homme qui aura tout donné au Bénin. Aussi, si la polémique autour de l’acquisition du domaine par l’ancien Chef de l’Etat, jusque-là, souffre d’insuffisance de preuves matérielles, des voix se sont élevées pour exiger que la mémoire du “Caméléon” soit honorée plus dignement. Que reste-t-il encore de l’homme qui aura mis fin au règne du “monstre à trois têtes“ au Bénin ? En vérité, plus rien. Car en dehors du stade de l’amitié de Kouhounou qui porte son nom, l’hôtel Plm Aledjo, ce lieu rempli d’histoire pour avoir abrité les assises nationales de la Conférence des forces vives, sera sous peu rangé dans le tiroir aux oubliettes. Le gouvernement béninois a décidé de transformer l’hôtel Plm Alédjo en un espace balnéaire. Ce lieu mythique, berceau de la démocratie béninoise, tombé en ruine depuis des années, ne sera donc pas réhabilité. Il fera place à une cité balnéaire. Cependant, la décision relative à la démolition de la résidence du “Caméléon“ a suscité de vives réactions. Pour Fréderic Kérékou, fils de l’ancien Président de la République, le Chef de l’Etat, Patrice Talon a rencontré les enfants du défunt pour leur faire part du projet. Ces derniers auraient plaidé afin que leur soit concédé, le bâtiment, compte tenu de ce qu’il incarne dans l’histoire politique du Bénin. Un bâtiment qu’ils espèrent transformer en un musée après la succession. Musée parce que tous les effets personnels du Général et toute son histoire étaient encore visibles, dans la maison. Une demande à laquelle aurait accédé le Président Patrice Talon, selon Fréderic Kérékou. Mais tout a changé après la rencontre avec le ministre du cadre de vie. De l’avis de sommation au débarquement des militaires et huissiers, les enfants n’ont plus d’autres choix que de vider les lieux. Et la voix qui a toujours manqué à ce débat n’a été autre que celle de Marguerite Kérékou, l’épouse “légitime“ du père de la révolution…Aucun message n’a émané d’elle en tout cas de façon officielle dans cette affaire qui pourtant la concerne à plus d’un titre. L’ancienne première dame de la République et compagne de feu Général Mathieu Kérékou, Marguerite Kérékou était visiblement celle-là qui pouvait bien rétablir la vérité. L’évidence désormais est que dans un laps de temps, on ne parlera plus de la résidence “Les filaos”. Mais l’histoire retiendra…

Des réactions mais rien…

Proche de l’ancien président de la République, feu Mathieu Kérékou, Houdou Ali, ancien préfet et ministre sous le Général et actuellement président de la Fondation Mathieu Kérékou a désapprouvé l’option du gouvernement. Celui qui affirme avoir alerté les proches du Président Kérékou confie qu’il ressort de ses recherches, que les deux Etats du Bénin et du Niger, copropriétaires de ce bien à travers l’Ocbn ont donné l’accord pour que l’ancien président puisse acquérir le domaine. Seulement aucune preuve n’a été brandie pour attester de l’acquisition du domaine. «…l’Etat béninois, par reconnaissance et pour services accomplis, devrait racheter cette maison à la famille pour en faire un musée national…En 1986, nous avons fait le tour des pays de l’Europe de l’Ouest comme de l’Est, les endroits où les présidents ont résidé sont devenus des musées qui portent leurs noms. Le problème, c’est comment perpétuer la mémoire du Général Mathieu Kérékou pour les générations à venir…Pour le Général Mathieu Kérékou, aux dignes fils de la nation, il faut rendre hommage. Il a rendu hommage à Béhanzin avec la place Goho, aux martyrs du 16 janvier 1977, il a érigé un monument national. Et l’intelligence humaine veut qu’on lui rende, à son tour, un hommage » a-t-il déclaré. Et pour l’ancien ministre et proche du Général Mathieu Kérékou, John Igué, c’est à la Conférence nationale des forces vives de la nation qu’il a été décidé d’attribuer le domaine à l’ancien Chef de l’Etat. « A la conférence nationale, par effet d’émotion, comme il accepté les conclusions de la Conférence, on a décidé de le récompenser en lui donnant le domaine. Mais entre la déclaration et les faits juridiques, il y a une marge, donc cette donation est restée jusqu’à ce jour, verbale. Elle n’a pas été matérialisée par des actes juridiques », affirme John Igué. L’histoire retiendra que le père de la révolution, feu Mathieu Kérékou a vécu dans “les filaos“.

Aziz BADAROU

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