Depuis novembre 2019, le monde entier fait face à une maladie infectieuse émergente, appelée Covid-19, provoquée par le coronavirus SARS-CoV-2. Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé (Oms) a déclaré la Covid-19 comme étant une pandémie mondiale compte tenu de l’échelle des victimes (presque tous les pays sont touchés) et de l’ampleur des dégâts causés par la maladie. En tant que phénomène socio-humanitaire, la crise sanitaire constitue un choc exogène sur l’économie dans son ensemble, aussi bien sur la demande que sur l’offre de biens et services. Le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud), dans une note d’analyse intitulée : ‘’Impacts de la crise Covid-19 au Bénin’’, relève les effets d’une crise sanitaire qui se manifeste en termes de perte de vies humaines, de revenu, d’insécurité alimentaire, de baisse de l’emploi et des moyens de subsistance.
A la date du 31 août 2020, le Bénin comptait 2194 cas confirmés de malades de Coronavirus, avec 1793 guéris et 40 décès. Selon la note d’analyse, les statistiques disponibles laissent entrevoir – à court et moyen termes- des effets négatifs sur le développement économique et social. Pour 2020, les projections du Fonds monétaire international (Fmi) tablent sur une chute de la croissance à 4,5%. Dans un scénario pessimiste, le taux de croissance de l’économie serait de 2% en 2020, en lien avec la baisse entrevue des échanges commerciaux, des investissements directs étrangers et les transferts des migrants. L’effet sur les finances publiques peut s’avérer lourd : le déficit des finances publiques devrait ressortir à 3,5% du Pib contre une prévision initiale de 1,8%, dû principalement à une hausse des dépenses publiques qui atteindraient 17,4% du Pib. Avec un taux de pauvreté monétaire national estimé à +40% en 2015 (contre 36,2% en 2011) et une couverture en protection sociale de l’ordre de 8%, il est probable que la crise actuelle, si elle persiste et si elle ne bénéficie pas d’un plan de riposte et de relèvement adéquat, risque de creuser la situation des inégalités et de pauvreté au sein de la population.
Un système national de santé encore fragile
La note du Pnud stipule qu’à l’instar de la grande majorité des pays africains au Sud du Sahara, le système sanitaire national n’était nullement préparé à faire face à une pandémie comme celle de la Covid-19. En effet, les statistiques officielles indiquent que les populations béninoises doivent parcourir en moyenne 6,4 kilomètres pour accéder à un centre de santé. Outre le faible taux de fréquentation des formations sanitaires (47,6% en 2017), le système de référence est peu opérationnel et mérite d’être repensé. Du point de vue des ressources humaines, les ratios personnels de santé/population se situent en deçà des normes préconisées par l’Organisation mondiale de la santé (Oms) : on dénombre 1,5 médecin pour 10 000 habitants, 2,4 personnels infirmiers et 2,9 sages-femmes pour 5000 habitants. On observe entre autres, une dégradation du portefeuille des compétences (moins de spécialistes en chirurgie, pédiatrie, gynécologie, moins de sages-femmes et infirmiers, etc.), un déséquilibre dans la répartition des ressources humaines (27% des professionnels de santé au Bénin servent dans les milieux ruraux où vivent 55% des populations) et une tension sur les effectifs au travail et les conditions de travail (gestion de la pénurie).
En matière de financement, le Bénin consacre environ 4,6% du Pib à la santé ; ceci représente environ 8,34% des dépenses publiques totales contre 9,24% en moyenne pour les pays d’Afrique subsaharienne. Le niveau de cet indicateur éloigne davantage le Bénin de l’accord d’Abuja (au moins 15% du budget alloué au secteur de la santé) ; en 2019, les dépenses par tête d’habitants avoisinent 11 dollars US contre la norme de 60 dollars US retenue au niveau de l’Oms. C’est dans ces conditions relativement critiques que le gouvernement a organisé la riposte nationale dès l’apparition du premier cas le 16 Mars 2020 au Bénin.
Effets potentiels de la pandémie au niveau national
Théoriquement, les effets de la crise sur le développement économique et social sont de deux ordres. Tout d’abord , il y a les effets sanitaires directs comme les décès , l’augmentation de la létalité , la baisse du volume et/ou de la productivité de la main d’œuvre , l’augmentation des dépenses de santé … autant d’éléments qui peuvent engendrer des conséquences économiques , financières et sociales dans le pays ; ensuite , il y a les effets découlant des conséquences économiques , financières et sociales liées à la survenue de la maladie . Au Bénin, l’analyse des effets de la Covid-19 sur la situation socio-économique doit prendre en compte la situation de fermeture des frontières avec le Nigeria qui perdure depuis août 2019. Au – delà de l’économique, c’est la stabilité socio – politique qui pourrait être affectée du fait d’une part, de la baisse potentielle de la production et des activités économiques des secteurs formel et informel, et d’autre part, de l’effondrement du commerce international, de la demande mondiale, du tourisme, des autres services et le dysfonctionnement des chaînes d’approvisionnement mondiales. L’analyse des effets potentiels de la Covid-19 se fera sous une double hypothèse. Premièrement, on fait l’hypothèse de la progression sensible du nombre de cas contaminés par la Covid-19; deuxièmement, en lien avec l’extérieur, on fait l’hypothèse que la persistance de la crise au niveau mondial ferait durer le ralentissement économique dans les pays développés.
Des effets déjà perceptibles sur le cadre macro-économique
En ce qui concerne l’économie béninoise, la crise de la Covid-19 affecterait négativement d’une part, le niveau d’investissement, les dépenses gouvernementales, la consommation finale, la balance commerciale et d’autre part, la valeur ajoutée des entreprises. A en croire les conclusions du rapport, tout ceci entrainera la contraction de l’activité économique et par conséquent la baisse de la croissance économique à court et long terme. Les contreperformances macroéconomiques anticipées et la vulnérabilité de l’économie béninoise face à la Covid-19 tiennent à la structure de la production intérieure brute. A cela, il faut garder à l’esprit les effets de la fermeture des frontières avec le Nigeria, laquelle induisait déjà des conséquences sur le plan commercial, économique, financier et bancaire, social et le bien-être des populations qui vivaient directement des activités liées à ce pays voisin.
Concomitamment aux mesures urgentes déployées par le gouvernement pour contenir la propagation du virus, des mesures hardies d’ordre social, économique et financier sont nécessaires pour atténuer les chocs sur l’ensemble des agents économiques et accélérer la relance.
Pistes de solutions pour une bonne sortie de la crise
Dans ce contexte de la crise sanitaire, le rapport recommande aux Etats, de prendre toutes les dispositions pour limiter aussi bien les effets sanitaires que les revers économiques et sociaux. Les leçons apprises du relèvement après la crise sanitaire et économique dans les pays qui ont subi l’épidémie d’Ebola en 2013-2014 suggèrent la rapidité et l’efficacité de la réponse nationale ainsi que la qualité des mesures de relèvement. Dans l’hypothèse que la crise sanitaire s’intensifie, se prolonge et génère des conséquences économiques et sociales d’ampleur au Bénin, des actions urgentes et hardies sont nécessaires ; elles devraient permettre d’arrêter la propagation de la maladie et répondre aux défis considérables que ses effets négatifs imposent aux populations et à l’Etat. En même temps, l’action publique devra s’orienter sur les actions de long terme, c’est-à-dire celles qui touchent les structures afin de rendre les systèmes sanitaire et économique résilients.