Apollinaire Gandonou est l’inventeur du foyer “ Sans souci ”. Son produit est à la fois économique, écologique et à la portée de tous. Depuis six ans, ce jeune entrepreneur se bat vaille que vaille pour se faire une place au soleil.
A Kouti, l’un des arrondissements les plus en vue de la commune d’Avrankou, un jeune écolo laisse parler son génie créateur. Ici, dans son atelier de fortune, Apollinaire Gandonou ne vit que pour son travail : la fabrication de foyers écologiques à base d’énergie solaire. A première vue, l’on se croirait dans un atelier de soudure. Sauf que la présence de panneaux solaires et certains matériels indiquent tout le contraire.
Après l’accueil chaleureux et les salutations d’usage, le jeune improvise une visite guidée de son atelier puis, place sera faite aux échanges en tête-à-tête.
« Je suis l’inventeur du foyer “ Sans souci ”. Il sert à cuisiner. C’est un foyer moderne, écologique et économique, car il est connecté à un panneau solaire et utilise les coques de noix de palme comme combustible », fait-il savoir.
Le jeune Apollinaire Gandonou explique que le tout premier avantage de son produit, c’est qu’il existe en trois modèles. Le premier est équipé d’un foyer. Plus important que celui-ci, le deuxième est doté de deux foyers, de trois tiroirs et plusieurs autres accessoires pour recharger son téléphone portable, sa lampe rechargeable et écouter de la musique. Le dernier modèle du foyer ‘’Sans souci’’ est à l’image du deuxième, à la différence qu’il est doté d’une alarme contre le vol. « Lorsque vous l’activez, elle se déclenche automatiquement quand quelqu’un tente d’ouvrir, à votre insu, le tiroir dans lequel vous avez peut-être caché de l’argent ou quelque chose d’important », détaille le jeune innovateur.
Son but en inventant ce foyer, dit-il, est d’aider les populations à avoir accès à une source d’énergie écologique, économique et rapide pour la cuisson. Il est persuadé que cela va contribuer à réduire l’usage du charbon de bois, et donc, à lutter contre la déforestation et par ricochet, contre les changements climatiques.
A travers des photos et séquences vidéo amateurs, le jeune Apollinaire montre la performance de son produit qui peut faire bouillir une soupe en un temps record. S’agissant de ses avantages écologique et économique, il souligne qu’avec un sac de jute de coques de noix de palme, vendu à six cents francs Cfa dans sa localité, lui et son épouse arrivent à cuisiner durant trois semaines.
Ici à l’atelier, Apollinaire Gandonou est assisté par deux collaborateurs: une peintre et un apprenti qu’il a formé et recruté. Avec son collaborateur, le promoteur du foyer “Sans souci ” travaille de jour comme de nuit, car la demande est de plus en plus forte alors même que ses moyens sont limités. La plupart de ses clients sont des particuliers, des restaurateurs et des gérants de cantines.
Du rembobinage au foyer écologique
C’est une sorte de reconversion pour Apollinaire Gandonou. Après son apprentissage en rembobinage industriel, l’homme avait du mal à joindre les deux bouts et subvenir aux besoins de sa famille, car les clients venaient au compte-gouttes dans son atelier. N’en pouvant plus, il a décidé de réfléchir à autre chose, notamment au foyer
“ Sans souci ”. C’est alors qu’en 2014, après plusieurs essais infructueux, il a fini par sortir le premier patron de son foyer. Entre 2015 et 2019, il a bénéficié de l’attention de plusieurs projets et programmes après appels à candidatures. « En 2017-2018, un Projet d’emploi jeunes (Pej) a lancé un appel à candidatures destiné aux porteurs de projets. J’y ai postulé et j’ai été retenu. Par la suite, j’ai été convié, au même titre que plusieurs jeunes, à une formation en entrepreneuriat. A la fin de cette formation, j’ai reçu une carte Sim mobile puis, on m’a transféré un montant de deux cent mille francs Cfa là-dessus», témoigne le jeune entrepreneur écolo. Avec cet argent, il dit avoir acheté du matériel de travail.
« J’ai contacté l’instance dirigeante du projet afin qu’elle vienne constater de visu ce matériel avant que je le découpe. Le projet m’a également aidé à améliorer le produit et la communication autour. Par la suite, je suis allé le présenter à un forum au siège de la Banque mondiale à Cotonou», ajoute Apollinaire Gandonou. Plusieurs structures engagées dans la promotion des énergies propres et la lutte contre les changements climatiques l’ont aussi accompagné et encouragé à poursuivre le combat. « Après un reportage télé sur le produit, dit-il, j’ai reçu l’appel d’une structure et je suis allé présenter mon foyer et défendre mon projet à son siège. A la fin de ma présentation, grâce à Dieu, j’ai décroché le premier prix. Le trophée m’a été remis en 2019 », révèle-t-il. Tout récemment, Apollinaire Gandonou a encore reçu l’appui d’une autre structure. Cela lui a permis de s’approvisionner à nouveau en matériel de travail.
Former et recruter des jeunes
Jeune, il nourrit de grandes ambitions pour son entreprise. D’ici quelques années, Apollinaire Gandonou rêve d’avoir une grande usine de montage de foyers avec des dizaines d’employés spécialisés dans chacun des trois modules d’assemblage.
« Actuellement, je fais tout à la fois avec mon collaborateur que j’ai formé… Je rêve de pratiquer le travail à la chaîne dans ma propre usine. Si un employé finit dans sa section, il envoie à un autre employé dans une autre section et ainsi de suite. Et comme dans un jeu, le produit est vite finalisé…», ambitionne le jeune Apollinaire. Pour réaliser ce rêve, il compte former des jeunes et les recruter par la suite. Il assure que toute personne en quête d’emploi, avec ou sans diplôme, instruit ou non, peut faire son métier. « Diplômés sans emploi, non diplômés, orphelins, déscolarisés, etc., je veux former tout le monde. Et si quelqu’un veut, à la fin de sa formation, il va se lancer lui-même dans la fabrication du foyer. Je veux que mon idée, mon invention, mon modèle soit reproduit partout au Bénin. Je souhaite que tous les Béninois connaissent ce foyer et son inventeur que je suis…», déclare-t-il, tout en souriant. Il garde la foi que son rêve se réalisera tôt ou tard, car la vie, dit-il, est faite d’étapes qu’il faut franchir les unes après les autres.
Besoin de soutien
Le jeune écolo rencontre de nombreuses difficultés dans la fabrication de son produit. Principalement, il souffre du manque de ressources financières. En effet, Apollinaire Gandonou ne dispose pas d’un capital conséquent. Il assure qu’une infime partie des commandes a été honorée grâce aux soutiens et dons des structures qui ont apprécié son projet. Mais tout cela est encore loin de combler ses attentes. La mise en œuvre du projet nécessite une somme de seize millions francs Cfa. Pour son développement graduel, il est éclaté en trois phases dont la première qui est le business plan demande cinq millions francs Cfa. Malheureusement, depuis 2014, le jeune écolo peine à trouver un bailleur de fonds qui puisse financer son projet.
Autre souci, c’est qu’il manque de main-d’œuvre et la plupart de ses outils et machines sont archaïques. De toute urgence, il lui faut une perceuse à table qui est bien plus performante et plus rapide que celle à main dont il dispose actuellement, affirme-t-il. Évidemment, engager des bras valides et acheter du matériel de travail nécessitent des moyens financiers qu’il ne possède pas encore. Il lance alors un appel à l’aide à travers des prêts ou des dons. Dans tous les cas, quelle que soit la forme du financement, dit-il, il est prêt à porter ce projet très loin. Le jeune entrepreneur remercie au passage toutes les personnalités et structures qui lui apportent leur soutien.