Longtemps reléguée à l’arrière-plan politique à cause des considérations culturelles et la caducité des textes de loi, la femme béninoise s’intéresse depuis quelques temps à la chose politique. Elle tente de se mettre au-devant de la scène aux côté des hommes mais plusieurs paramètres constituent encore aujourd’hui des obstacles pour la femme malgré la discrimination positive opérée en leur endroit par le législateur béninois à travers la relecture de la constitution du 11 décembre 1990, du code électorale et de la charte des partis politiques. Que doit faire la femme béninoise pour mieux s’affirmer politiquement, comment s’organiser afin d’être plus présente aux instances de décision et quel est le rôle des hommes dans l’engagement politique des femmes au Bénin. Ce sont entre autres les interrogations auxquelles a répondu le député progressiste de la 16ème circonscription électorale, l’honorable Patrice Nobimè Agbodranfo.
L’Evénement Précis : Que pensez-vous de l’engagement politique des femmes au Bénin ?
He Patrice Nobimè : La tendance actuelle prouve que les femmes sont majoritaires sur la planète. Naturellement, la femme est un vecteur de paix et de compétence sans hypocrisie. C’est ce qui nous fait dire que pour la paix dans le monde, il faut nécessairement que la femme devienne le capitaine du combat politique. Ce qui veut dire que la femme à sa place et doit occuper sa place en politique et je crois que l’environnement politique actuel du pays s’y prête. Il est vrai que la femme béninoise ne s’est pas encore engagée comme il le faut en politique mais il le faut. Car, leur place est là et elles doivent travailler à l’occuper. Quelques-unes s’illustrent déjà mais il leur faut plus pour y arriver car l’environnement, je le dis encore est favorable pour l’engagement politique des femmes au Bénin.
Pourquoi pensez-vous que l’environnement politique s’y prête ? Est-ce à cause des lois qui ont été toilettées au profit des femmes ?
Avant de revenir à votre question, laissez-moi vous dire que je fais partir des personnes qui criaient et qui demandaient à ce qu’on saute le verrou pour l’émergence de la femme que contient la constitution du Bénin. Je le dis parce que la constitution prône l’égalité de l’homme et de la femme mais nous savons tous que de par nos us et coutumes, la femme est bloquée. Vous ne pouvez pas, vous qui m’écoutez et moi qui vous parle, on n’accepte pas souvent certaines choses. Imagine que ta femme est allé à une réunion politique qui a duré jusqu’à 02h du matin. Si elle le fait, c’est que si la salutation au sein du foyer est à 4 fois par jour, je pense que ça va devenir une fois ou même disparaître avec le temps. Du coup, entre la politique et le foyer, la plus part des femmes refusent de faire la politique au risque de perdre leur place dans le foyer conjugal. Par ailleurs, les premiers exemples de femmes qui faisaient la politique étaient malheureusement des femmes dont les vécus confirmaient les us et coutumes parce que la plus part de ses femmes n’étaient plus sous le toit d’un homme. Si bien que quand vous mettez une femme devant comme candidate à une élection, ce sont les femmes elles même qui votent contre elle.
Est-ce -à-dire qu’il y a une lutte entre les femmes qui empêche la femme d’évoluer en politique ?
Voilà. C’est en fait ça l’autre problème et seuls les hommes ont la solution à cela. Pour le faire, la 7ème législature avait organisé des ateliers sur la participation politique des femmes et au cours de ses échanges, nous demandions à ce que soit sauté le verrou en confirmant qu’il faille nécessairement réviser la constitution. Mais très tôt, on a été lynché, il y avait des tirs sur nous, les opposants d’alors qui n’étaient pas dans la posture pacifique mais de vengeance nous traitaient de tous les noms. Alors que si on ne saute pas le verrou de l’article 26 de la constitution, les femmes ne peuvent pas émerger en politique au Bénin.
Le verrou est sauté, on vient de finir une élection qui plus est de proximité mais tous, nous avons vu ce que le positionnement des femmes a donné ?
Je crois qu’il faut d’abord remercier le politique béninois qui a accepté qu’il y ait une discrimination positive parce que, qu’on le veuille ou pas, le code électoral actuel, permet à ce qu’on ait au moins 24 femmes. C’est-à-dire, dans chaque circonscription électorale nous avons une femme nécessairement et ça, c’est le minimum. Donc, il faut remercier et féliciter le constituant béninois. Maintenant ce n’est pas parce que la loi a prévu 1 femme au minimum qu’il n’y aura qu’une. Non, les femmes viennent maintenant parce que la nouvelle charte des partis exige que les réunions politiques terminent au plus à 22h et que les réunions ne durent que 2h maximum. Ce qui fait la part belle aux femmes et les partis doivent pouvoir tenir compte d’elle.
Maintenant, par rapport aux positionnements, il faut savoir qu’une élection est après tout une compétition entre parti et cela tient compte des positionnements. Alors, là où le parti A positionne une femme, le parti B doit chercher une femme qui puisse combattre l’autre et s’en sortir. Mais s’il n’en trouve pas, il est obligé de positionner un homme. Donc, c’est maintenant que nous sommes en train de donner le pouvoir à la femme et cela sera de façon progressive car, il faut tenir compte de l’arsenal politique de la femme.
Vous parlez d’arsenal politique. Est-ce l’argent, la popularité ou… ?
Non, il ne s’agit pas en fait d’argent mais du vrai débat politique. Jadis, on pouvait dire qu’elles n’étaient pas nombreuses instruite mais maintenant, si. Elles sont instruites mais n’aiment s’aventurier sur le terrain politique comme cela se doit compter tenu des barrières. Les femmes, au risque de perdre leur foyer, leur dignité dans le foyer, refusent de faire la politique. Vous voyez le code, on est allé jusqu’à limiter les temps de réunion pour que les femmes ne trouvent aucune entrave sur leur chemin. Je voudrais demander aux femmes de remercier le législateur béninois parce que sur toute la ligne, on a trouvé de solution à tout ce qui a été jusqu’à présent les goulots d’étranglement pour l’engagement politique des femmes. Les réunions politique aujourd’hui, c’est au plus deux heures de temps ou trois heures. Et si c’est le soir, cela doit être entre 18h et 22h. C’est inscrit noir sur blanc dans les statuts des partis et permettent aujourd’hui aux femmes de faire la politique, de travailler aux côtés des hommes afin d’arracher la place qui leur revient sur le terrain politique.
Il faut remercier le politique béninois vous avez dit, mais est-ce que le politique est sincère ? Quand on prend les élections communales passées, combien de femmes ont-t-elles été positionnées sur les listes de l’UP malgré la convention d’équité signée par le parti ? On a l’impression que les hommes ne sont pas prêts à céder la place à la femme.
Il ne s’agit pas de céder la place aux femmes mais de les avoir à nos côtés et avec nous. Et, ça, le politique béninois est prêt. La situation est celle-ci. Les femmes viennent d’arriver sur le marché. Les hommes pendant longtemps ont défrisé le champ et il ne serait pas judicieux qu’elles viennent et qu’en même temps, on les place devant. Le mieux, est qu’elle reste derrière les hommes expérimentés, apprendre pour mieux prendre le devant demain. Supposons que je suis sur une liste avec une femme comme suppléante. Nous sommes élus député et une fois à l’Assemblée, je suis envoyé dans une institution ou on m’envoie au gouvernement. D’office, la femme auparavant suppléante prend le siège et continue le travail. C’est ce qu’il faut voir et si vous prenez l’Union Progressiste, les femmes sont bien positionnées. Surtout dans la 16ème circonscription où je suis. Je peux citer en exemple l’actuelle ajointe au maire de Cotonou, la ministre de la famille et des affaires sociales, et bien d’autres qui étaient dans le combat avec nous depuis les législatives. Donc, dire que les femmes sont mal positionnées ou qu’elles n’ont pas la place qu’il leur faut, je crois que c’est du mensonge.
L’autre chose qu’il ne faut pas oublier est que, aller à une élection c’est comme aller à la guerre. Et, toute guerre mérite une stratégie de combat et pour aller au combat, vous n’allez pas quand même envoyer des extro pieds, des soldats mal en point physiquement ou moralement. Non. Donc, vous devez envoyer des hommes et des femmes aptes et prêts pour le combat et cela se passe dans les positionnements. Vous devez être sûres que telle personne que vous positionnez, est capable de mener le combat comme il faut et de le gagner. Donc, les femmes ont commencé par s’intéresser à la chose politique, le terrain est déblayé pour elle mais c’est progressivement qu’elles vont atteindre le sommet comme on le dit. Voyez-vous, depuis 1960, elles sont combien à être candidate à une élection présidentielle ? Elles étaient combien à s’intéresser aux élections législatives ? Le moment est venu pour elles de travailler, de se battre pour mériter la place qu’elles réclament sur le terrain politique.
Le verrou est sauté mais, y-a-t-il selon vous d’autres obstacles pour l’émergence de la femme en politique ?
Bien sûr. La femme est le bourreau de la femme. Vous convenez avec moi que les femmes sont majoritaires en tout et si elles veulent, elles auraient pu élire déjà une présidente au Bénin comme dans tous les pays du monde. Mais, le mal est que lorsque les femmes voient le nom d’une femme sur une liste, c’est en ce moment qu’elles refusent de voter pour cette liste. La femme constitue aussi une entrave pour l’émergence politique de la femme et ça, nous avons bien d’exemple.
Comment faire alors pour corriger cet état de chose ?
Voilà, c’est là que j’allais en venir parce que le politique béninois veut corriger cet état de chose. C’est d’ailleurs pourquoi, le pouvoir qui est donné aux partis doit être applaudi par la génération qui vient puisque ce n’est plus le fait des individus. Maintenant, le pouvoir est revenu aux partis. Ce qui veut dire que vous n’allez plus voter pour l’individu mais plutôt pour le parti. Dans cette logique, celui que le parti positionne, qu’il soit un homme ou une femme, qu’il soit votre ami ou votre ennemi, déjà que vous votez pour le parti, la personne qui est positionnée, qu’elle soit une femme ou un homme sera élue. Ce qui n’était pas le cas avant la réforme du système partisan, du code électoral et de la charte des partis. Avant, c’est les individus qui décidaient selon leur bon vouloir et la femme était marginalisée. Maintenant que la réforme du système partisan donne le pouvoir aux partis, qui désormais à la charge de positionner les femmes, je crois que la donne va changer.
Quelles sont alors les armes que vous mettez à la disposition des femmes de l’Union Progressiste afin de leur permettre de s’affirmer et de devenir de véritables leaders engagés pour le combat politique ?
Ecoutez, l’Union Progressiste est l’un des paris qui accorde à la femme une place de choix. Nous avons la ligue des femmes à l’UP par exemple. Un creuset qui permet aux femmes de suivre des séminaires de formation sur le leadership, sur l’engagement politique et bien d’autre. Ce sont les femmes elles-mêmes qui animent cette ligue et c’est à travers ce creuset que nous avons découvert certaines femmes qui font la fierté de l’UP par exemple. C’est dans cette ligue que nous avons découvert l’honorable Sèdami Mèdégan Fagla, la ministre Tognifodé par exemple et aussi la deuxième adjointe au maire de Calavi, Mme Dan Christelle etc…
Que dirai-vous pour conclure cet entretien ?
Je voudrais d’abord remercier le président Patrice Talon en particulier et la classe politique béninoise en générale qui a œuvré pour l’avènement du système partisan. Le début de toutes choses a toujours été difficile mais avec le temps, on corrige les ratés et tout rentre dans l’ordre. Secundo, je voudrais qu’on félicite le politique béninois qui, au-delà de la réforme du système partisan qui donne le pouvoir aux partis politiques a opéré une discrimination positive à l’endroit des femmes. Discrimination positive parce que les conditions qui sont offertes aux femmes aujourd’hui afin qu’elles fassent la politique et se retrouver aux postes de décision sont énormes. Il va falloir que la femme béninoise travaille. Qu’elle milite depuis la base, dans les cellules politiques de quartier, d’arrondissement, de la commune et du département afin d’émerger comme il faut en politique. Quel que soit votre bagage intellectuel, si vous ne militer pas, vous ne pourrai pas évoluer en politique. Pour finir en disant que toutes les conditions sont réunies aujourd’hui pour que la femme béninoise s’engage et émerge en politique.