Les changements climatiques ne sont plus un mythe pour les agriculteurs béninois. Leur souci, c’est de pouvoir continuer à produire sans attendre les pluies. Dans deux arrondissements de Ouidah, des modèles prennent corps, dans le cadre du Projet « Mieux comprendre, Mieux s’adapter ».
C’est déjà la petite saison des pluies au Sud du Bénin avec une poche de sécheresse de quelques jours. Mais ici à Towénou, dans l’arrondissement de Houakpè Daho, commune de Ouidah, Paul Agblo, alias ‘’Atavi Gaga’’ n’en fait plus un souci. Sur son site de maraîchage, l’eau coule à flot. Deux mois après les repiquages, les plants de tomates s’alourdissent progressivement de fruits.
Cet après-midi du 11 septembre 2020, sous un soleil de plomb, il a le sourire aux lèvres, même s’il espère encore mieux. « Je vois que les cultures se portent mieux et qu’on peut espérer mieux. Nous avons cultivé trois variétés de tomate dont deux améliorées (Padma, TLCV). La variété locale s’appelle Akinkonkouin. Nous n’utilisons pas d’engrais chimiques ni de pesticides, mais des fientes de volailles. Je vois là que les variétés Padma et Akinkonkouin sont en train de donner un peu plus que la variété Tlcv », confie-t-il.
Mieux comprendre, mieux s’adapter
Paul Agblo a ses secrets. Il n’attend pas la saison pluvieuse avant de mettre en place ses planches. Il panifie de sorte que ses tomates soient disponibles dans la période où l’or rouge est plus demandé sur le marché. Ainsi, ses quatre forages installés dans les coins de la ferme et le poste d’eau autonome solaire à lui offert par le Centre de Recherche pour le Développement Local (Credel), dans le cadre du Projet « Mieux Comprendre, Mieux s’adapter » sont pour lui de grands atouts. « Je n’ai pas de problèmes d’eau. J’ai recruté des jeunes qui m’appuient pour l’arrosage à l’aide des différents forages », explique-t-il.
En réalité, au Sud du Bénin, les producteurs sont confrontés de diverses manières aux effets des changements climatiques : poches de sécheresse, d’inondations précoces, de démarrage de pluies tardives ou de fin de pluies précoces, etc. En consortium avec l’Ong Initiatives pour un Développement Intégré Durable (IDID) avec l’appui d’OXFAM, Credel accompagne les producteurs dans le sens de la résilience. « Nous avons recensé les meilleures options d’adaptation que nous mettons en œuvre sur les parcelles de démonstration. Et comme vous le voyez et que les producteurs le témoignent, après deux mois de repiquage, nous avons de bons fruits, malgré la rareté des pluies depuis le 15 juillet. Nous avons mis aussi en place des systèmes de tuteurage, des variétés résistantes au flétrissement bactérien et aux poches de sécheresse. Le tuteurage permet d’éviter le pourrissement », déclare Eusèbe Capo, chargé de projet à Credel.
A l’école de la résilience
A une dizaine de kilomètres plus loin, dans le hameau de Assogbénou-Daho, Lucien Mèdjogbé est à l’œuvre. Le Chef de village a mis ici en compétition, il y a deux mois, deux variétés de tubercule : l’Ina-H et MR 67. Avec des producteurs venus de Dangbo, une commune située dans la basse vallée de l’Ouémé, il partage son expérience en apprenant aussi d’eux. « Les échanges du jour m’ont permis par exemple de savoir qu’il y a plusieurs manières de planter le manioc. Aussi, nous n’avions pas du tout des astuces pour contrer les rongeurs. C’est aujourd’hui que nous avons appris que soit, l’huile de neem soit le savon palmida diluée dans de l’eau et aspergé aux plantes permet de combattre la ‘’mousse blanche’’ et les chenilles », témoigne Lucien Mèdjogbé, producteur de Manioc à Dangbo.
Chacun essaie de tirer le meilleur de cette occasion d’échanges. Les blocs notes sont mêmes mis à contribution pour conserver quelques pratiques qui retiennent l’attention. « Nous essayons de créer la solidarité entre nous pour partager les bonnes pratiques. Nous cultivons d’habitude dans les bas-fonds. Nous ne cultivons pas sur terre ferme parce que ça ne donne pas, à moins que ça soit du manioc. Mais avec l’encadrement reçu, on s’en sort maintenant mieux pour faire face aux perturbations climatiques », affirme Nathaniel Donou Kossou cultivateur dans le village Adjido et président des maraichers de Dangbo. 206 exploitations agricoles sont bénéficiaires de l’initiative dont 6 exploitations modèles servant de démonstrateurs et de lieux de formation aux autres producteurs des communes. Ailleurs, également à l’intérieur du pays, les initiatives locales se multiplient. La course à la résilience est lancée.