Il y a quelques années, j’ai reçu à la maison pour la première fois une connaissance. Sa première réaction en entrant fut : « On dirait une maison de blanc vivant en Afrique ». Dans ma quête d’en savoir plus, elle renchérit avec ceci : « C’est parce que votre aménagement intérieur est fait de meubles et d’objets locaux. Chez les Africains en principe, on voit toujours ce qui est importé ».
Ce type de réflexion est révélateur de l’image que se font beaucoup de Béninois et d’Africains sur le concept du « Consommer Local ». Par la force des choses, les Africains, surtout ceux de la classe moyenne pensent que leur statut social rime avec la quantité des produits importés qu’ils se sentent obligés de consommer.
Le sujet du « Consommer Local» est un long débat qui touche notre être au plus profond depuis plusieurs générations. L’aliénation de la mentalité de certaines couches sociales montre que le problème est profond et nécessite un changement de paradigme.
Avant de continuer, je propose un petit exercice et je compte sur vous pour jouer le jeu. Prenez une pause rapide de deux minutes. Si vous lisez cette chronique au bureau ou à la maison, regardez autour de vous et faites le compte des produits importés et de ceux fabriqués localement.
Regardez vos meubles, rideaux, votre habillement, votre coiffure si vous êtes une femme, le type de musique ou l’émission télévisée que vous suivez en ce moment. Rappelez-vous les produits utilisés ce matin dans votre salle de bain…
Il y a quelques mois, j’ai fait une chronique sur Rfi sur les goûters du Bénin. Un des commentaires les plus hilarants fut celui d’une dame qui disait que je donnais de la nourriture de «pauvre » à mes enfants parce que je leur donnais essentiellement des goûters traditionnels et locaux.
Qui nous a fait croire que consommer local était un signe de pauvreté ? Qui nous a convaincus qu’un bon petit déjeuner est celui qui consisterait à avoir absolument du lait, du chocolat, des céréales, de la confiture, du beurre, du jus de fruits, des viennoiseries et du pain, etc comme en Occident…?
L’importé n’est pas la qualité
Dévaloriser ainsi nos produits locaux est pour moi un signe d’ignorance parce que beaucoup de ces produits n’ont rien à envier en termes de qualité nutritive et gustative à certains qui viennent d’ailleurs. Consommer local, bien au-delà du patriotisme économique, devrait être un symbole fort de fierté et d’identité nationale.
Je reconnais qu’il reste encore beaucoup à faire au niveau de la qualité du packaging, des délais de livraison, de la communication, de l’accessibilité, des coûts. Il est clair que nos braves artisans devraient travailler davantage sur l’attrait et la compétitivité de leurs produits. Aujourd’hui, les consommateurs éclairés que nous sommes ont des exigences et n’achèteront pas seulement pour se dire qu’ils consomment local.
Quand je travaillais au Nigeria et au Ghana, j’étais toujours sidérée par l’attachement de la classe huppée à manger essentiellement et avec grande fierté de la nourriture locale dans les hôtels ou restaurants de grand standing. Dans la plupart des pays francophones, la donne est malheureusement toute autre. Autant le « consommer local » ne veut pas systématiquement dire que c’est bon, autant l’importé ne garantit en rien la qualité.
Consommer importé, c’est participer au développement de l’économie des autres parce que 80 % du coût d’achat du produit importé retournera à l’extérieur. A chaque fois que vous devez faire un achat, posez-vous la question de savoir si son équivalent n’existe pas en produit local. Et croyez-moi, nous avons d’excellents produits locaux. Au niveau alimentaire par exemple, nous avons d’excellents produits à valeur nutritive beaucoup plus riche que le produit ultra transformé acheté dans les supermarchés avec lequel nous nous gavons et détruisons parfois notre santé.
Pour chaque produit local que vous achetez, imaginez juste le nombre de personnes que vous faites vivre derrière. Mangeons donc Béninois, meublons nos maisons et bureaux Béninois, habillons nous Béninois, offrons des cadeaux Béninois, bref, exprimons notre préférence nationale dans tous nos actes d’achat.
Consommer local, c’est permettre à notre économie de se développer. Consommer local, c’est perpétuer nos traditions. Consommer local, c’est pousser nos artisans à s’améliorer. Consommer local, c’est vivre fièrement notre identité.
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