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Dr Freddy Gnangnon, Médecin cancérologue : « Le cancer de sein au Bénin est la première cause de mortalité chez la femme »

Publié le mercredi 7 octobre 2020  |  Fraternité
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© Autre presse par DR
Dr Freddy Gnangnon, Médecin cancérologue
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Le cancer de sein est une maladie silencieuse, mais dangereuse. Elle fait plus de ravages qu’on ne l’imagine. Selon Dr Freddy Gnangnon, Médecin cancérologue, c’est la première cause de mortalité chez la femme au Bénin. Et le traitement de ce mal coûte excessivement cher. C’est ce qui ressort de cet entretien.

Quel sont les facteurs du cancer de sein ?
Les facteurs du cancer de sein sont multiples. Ils pleuvent être classés en plusieurs catégories. Il y a d’abord les facteurs liés à la vie génitale de la femme, à l’âge de l’apparition des premières règles. Les femmes qui ont eu leurs premières règles précocement en général avant l’âge de 12 ans ont plus de risques de développer un cancer de sein que les femmes qui en ont eu après 12 ans. Les femmes qui ont eu leur ménopause tardivement, ont aussi plus de risques de développer un cancer de sein que les femmes qui en ont eu précocement c’est-à-dire avant 50 ans. De la même manière, les femmes qui ont eu peu ou pas d’enfants ont plus de risques de développer un cancer de sein que les femmes qui en ont eu plusieurs. Les femmes qui prennent des contraceptifs oraux, pendant une longue durée sans surveillance d’un gynécologue courent plus de risques de développer un cancer de sein que les femmes qui n’en prennent pas. Il existe des facteurs de risque dits comportementaux. La consommation d’alcool augmente le risque du cancer de sein chez la femme. La consommation d’aliments trop riche en graisse et en viande animale, en viande rouge par exemple, augmente le risque de cancer de sein. Il en est de même pour l’inactivité physique, les femmes qui font du sport ont moins de risque de développer le cancer de sein que celles qui n’en font pas. A côté de ces facteurs comportementaux, il y a aussi ce que l’on appelle les facteurs génétiques familiaux. On sait que les femmes, dont la sœur ou la mère a fait le cancer de sein, ont deux fois plus de risques qu’une femme qui n’a pas de cas de cancer de sein dans sa famille. Quand la femme a deux personnes proches de sa famille qui ont eu le cancer de sein, elle court 7 à 15 fois plus de risques de faire un cancer de sein que toute autre femme. C’est pourquoi on dit qu’il y a des facteurs de risque génétiques et familiaux, tout simplement parce qu’on a identifié des gènes qui peuvent augmenter de manière très importante le risque de développer un cancer de sein. On parle de gènes BRCA1 et de gènes BRCA2. Ces gènes sont très bien connus. L’actrice américaine Angelina Jolie a une mutation de l’un de ces gènes. Etant donné qu’elle était très à risque de développer un cancer de sein, elle s’est fait enlever les deux seins, parce qu’elle avait ces gènes. C’est pourquoi ces facteurs de risque génétique sont de plus en plus très célèbres. A côté de ces facteurs de risque, ce sont des facteurs qui peuvent augmenter le risque de développer le cancer de sein, il y a des facteurs protecteurs, notamment l’activité physique régulière qui diminue le risque de cancer de sein. Avoir une alimentation saine et l’allaitement maternel, c’est ce qui est souhaitable. Voilà les principaux facteurs de risque du cancer de sein.

Comment savoir qu’on est atteint du cancer de sein ?
Avant d’expliquer cela, je dois rappeler que le cancer du sein n’a pas de signe spécifique. Le premier élément, il peut se manifester par des signes qui peuvent être retrouvés dans d’autres maladies. Le deuxième élément, c’est que lorsque le cancer du sein présente déjà des signes dans le sein de la femme en général, c’est déjà trop tard. Il peut s’agir d’une modification de la peau du sein. Celle-ci devient rouge, avec un aspect de peau de l’orange. Il peut s’agir d’une déformation du sein. Le sein peut faire ce que l’on appelle une crevasse. C’est comme s’il y a un petit trou au niveau de la peau du sein. On note un écoulement du sein. Il peut aussi y avoir une plaie du sein que nous les médecins appelons ulcération du sein. On peut aussi avoir l’apparition d’un ganglion dans les seins ou dans une autre partie du corps. Généralement, le cancer du sein est découvert à un stade avancé parce qu’il a déjà présenté des complications dans d’autre organes comme le foie, les poumons et autres. Le malade peut venir parce qu’il ne respire pas bien, parce qu’il a des yeux jaunes, parce que quelque chose a poussé dans son ventre. Et on se rend compte que c’est un cancer de sein déjà à un stade très avancé. Comme je le disais, ces signes ne sont pas du tout des signes spécifiques du cancer de sein. Autrement, on peut avoir ces signes et ne pas avoir un cancer de sein.

Quel médecin faut-il voir en cas de premiers symptômes ?
Lorsqu’une femme a des symptômes au niveau des seins, elle a plusieurs alternatives en fonction de sa zone géographique. Elle devrait consulter son gynécologue. Dans le cas contraire, elle peut consulter un médecin généraliste qui saura aussi l’examiner et poser le diagnostic. S’il n’y a pas de médecin généraliste, elle peut se référer à la sage-femme de sa zone sanitaire. Lorsque le cancer est confirmé, il y a des cancérologues qui prendront en charge ce cancer.

Quels sont les risques environnementaux du cancer de sein ?
La pollution est associée à environ 4% des cancers. A ma connaissance, il n’y a pas un facteur polluant spécifique qui puisse augmenter le risque de cancer du sein. Mais on sait que la pollution augmente le risque de cancer du sein et notamment les cancers par voies aériennes, notamment les cancers respiratoires, mais beaucoup moins le cancer du sein.

Quels sont les traitements disponibles ?
Le cancer du sein est un cancer très complexe, dont la prise en charge et le traitement doivent se faire par des spécialistes. Il y a pratiquement 5 principaux traitements. Il y a la chirurgie. C’est le fait d’aller enlever la tumeur ou le cancer. Donc, cette chirurgie peut être radicale lorsque la malade est venue très tard et que l’on est dans l’obligation d’enlever tout le sein. Dans notre jargon, on appelle cela la mastectomie. Nous sommes dans l’obligation d’enlever tout le sein. Si la malade est venue assez tôt, on peut faire ce qu’on appelle la chirurgie conservatrice qui consiste à enlever la partie du sein qui est malade. C’est la première partie du traitement. Le second traitement, c’est la chimiothérapie : C’est l’utilisation de drogues cytotoxiques, c’est-à-dire des médicaments que nous allons administrer au malade soit en injection ou sous forme de comprimés, pour aller tuer les cellules cancéreuses dans tout l’organisme. Ce traitement est souvent réservé aux malades qui sont venues avec un cancer qui est tardif et sous lequel le médecin a peur que les cellules cancéreuses ne se répandent dans l’organisme. Le troisième traitement, c’est la radiothérapie qui est l’utilisation des rayons X par exemple pour aller tuer les cellules cancéreuses. Ce traitement s’utilise en général après l’opération. Malheureusement, ce traitement n’existe pas au Benin. Le quatrième traitement, c’est la thérapie ciblée. Il s’agit d’un tout nouveau traitement des cancers du sein qui est un peu apparenté à la chimiothérapie. Mais qui a beaucoup moins d’effets secondaires que la chimiothérapie. Malheureusement, il coûte très cher. Une seule cure de thérapie ciblée coûte entre 1 et 2 millions en général. Nos patientes n’ont pas accès à ce traitement parce qu’elles sont très pauvres. Pour une patiente, on peut avoir à faire environ 18 cures de thérapie ciblée. Vous imaginez pour la femme de ménage qui gagne 40,000 Fcfa par mois. Comment est-ce qu’elle peut payer 1 à 2 millions de FCFA par mois, et ce pendant 18 mois. Le cinquième traitement est l’hormonothérapie. Le cancer du sein est un cancer que nous appelons hormonodépendant. Plus l’organisme de la femme produit des hormones, plus le cancer peut se multiplier. Donc, nous avons des médicaments qui seront donnés à la patiente pour bloquer la fabrication de certaines hormones pour traiter le cancer. Ce traitement existe au Bénin et ne coûte pas trop cher. Mais malheureusement, toutes les femmes ne peuvent pas avoir ce traitement, parce qu’il ne peut être administré qu’a certaines formes particulières du cancer de sein. Donc, les femmes qui n’ont pas ce cancer du sein ne peuvent pas bénéficier de ce traitement appelé hormonothérapie. A côté de ces 5 grands traitements, il existe beaucoup d’autres traitements. Il existe la psychothérapie, c’est-à-dire le cancer est une maladie grave et la femme a peur de mourir. Elle a besoin d’être encadrée par des psychologues. Les femmes qui sont sur le traitement de cancer du sein parfois perdent l’appétit, et elles ont besoin d’un nutritionniste pour les accompagner. Il y a un traitement important appelé les soins palliatifs. Parfois, il nous arrive de poser le diagnostic du cancer du sein à un stade où aucun traitement ne peut plus marcher. Et la malade a très mal et se sent affaiblie. Les soins palliatifs, ce sont les soins médicaux qui permettront de leur donner des médicaments pour qu’elles n’aient pas mal. Nous allons les chouchouter, les entretenir, nous assurer que, même si elles vont mourir, elles mourront sans souffrance. Heureusement, les soins palliatifs sont très développés au Benin. Nous avons pratiquement un programme de soins palliatifs au ministère de la santé.

Quels sont les mesures de prévention contre le cancer du sein ?
Les mesures de prévention contre le cancer du sein vont se détailler en 3 étapes. La première étape, c’est la prévention primaire, c’est-à-dire, empêcher le cancer de subvenir. On peut diminuer sa consommation d’alcool, faire du sport, avoir une alimentation saine, éviter de boire trop de boisson sucrée, éviter de grossir. Et ça, ce sont des facteurs de risque modifiable. La femme doit tout faire pour éviter ces facteurs de risque. Il y a aussi des facteurs contre lesquels la femme ne peut rien. Si le gène qui donne le cancer de sein est present dans votre famille, vous n’y pouvez rien. Donc, la prévention primaire est en quelque sorte lutter contre le cancer du sein. La prévention secondaire, c’est le dépistage. Cette prévention secondaire repose sur trois piliers : l’auto examen par la femme elle-même tous les mois après les menstrues. Quelques jours après les menstrues, toutes les femmes doivent pouvoir consacrer quelques minutes à l’examen de leurs seins, histoire de voir s’il y a des modifications de la peau, s’il y a une boule qui apparait dans le sein. Et en ce moment, elle consulte très rapidement. Cela donne deux avantages. Le premier avantage, cela permet de diagnostiquer le cancer de sein à un stade ou le traitement peut se limiter à une ablation du nodule seul et non à une ablation du sein entier. Deuxième avantage, cela permet de poser le diagnostic du cancer de sein à un stade ou le traitement donne les meilleurs résultats. Si la femme attend plus longtemps, elle va probablement en mourir. La deuxième étape qui rentre dans la prévention secondaire, c’est la mammographie. Elle est recommandée en occident aux femmes qui ont plus de 50 ans. Elle doit se faire tous les 2 ans pour les femmes qui n’ont pas de facteurs de risque particulier. En Afrique, nous avons remarqué que beaucoup de femmes ont le cancer de sein bien avant 50 ans. Elles l’ont parfois à 40 ou 45 ans. Au Bénin, des réflexions sont en cours au sujet du dépistage de la mammographie dès 40, 45 ans déjà. La troisième chose qui rentre dans la prévention secondaire, c’est l’examen annuel de la femme par un médecin, idéalement pas son gynécologue, son médecin généraliste ou par la sage-femme. Au moins, une fois par an, c’est très important. Il y a également la prévention tertiaire qui est tout simplement le traitement du cancer de sein déjà déclaré, et la prévention quaternaire qui est la prise en charge par les soins palliatifs des femmes qui viennent avec des cancers au stade dépassé et qu’on ne peut plus traiter. Mais retenons que les deux préventions les plus importantes sont les préventions primaire et secondaire. Rappelons que le cancer de sein au Bénin est la première cause de mortalité chez la femme, et c’est le premier cancer de la femme. Dans le monde, on estime qu’une femme sur 11 aura affaire au cancer de sein. Donc, cela n’arrive pas qu’aux autres. Toutes les femmes sont concernées.

Comment se fait la prise en charge du cancer de sein ?
La prise en charge, ce sont les différents traitements. J’ai parlé des 5 ou 6 traitements que l’on peut faire. Lorsque le cancer est confirmé par le médecin, la patiente est envoyée à un cancérologue ou un groupe de cancérologues, les médecins oncologues. Dans l’oncologie, il y a plusieurs spécialités. Il y a un médecin qui fait la chimiothérapie, il y a un médecin qui fait la radiothérapie, un autre qui fait la chirurgie. Tous ces médecins se mettent ensemble. La prise en charge du cancer de sein se fait en équipe.

Quels conseils pouvez-vous donner aux femmes par rapport au cancer de sein ?
Le cancer de sein est le cancer le plus fréquent au Bénin chez la femme, c’est la première cause de mortalité chez la femme au Bénin. Nos études de CNHU ont montré que cela touche des femmes de plus en plus jeunes et la majorité de ces femmes viennent toujours consulter une fois au stade tardif, au stade où l’on ne peut plus rien, ce qui nous donne une forte mortalité chez des femmes là. Les femmes doivent donc miser sur la prévention primaire, par l’adoption d’un bon mode de vie notamment avec une activité physique et un bon régime alimentaire adapté et elles doivent faire l’auto examen de leurs seins de manière mensuelle, faire la mammographie à partir de 50 ans et consulter annuellement un prestataire de soin pour vérité si elles sont en bon état de santé. Nous en avons marre de perdre assez de nos mères de nos femmes ou de nos sœurs pour une maladie qui peut être traitée lorsqu’elle est diagnostiquée précocement. Elle peut se traiter sans qu’on ait besoin d’enlever le sein et avec de bons résultats. Mais quand le cancer de sein est découvert tardivement, le médecin est alors dans l’obligation d’enlever le sein entier de la patiente et les chances de guérison en ce moment sont très faibles. Mon second cri de cœur va à l’endroit de nos autorités sanitaires et politico-administratives qui font déjà énormément à travers le ministère de la santé, le programme national de lutte contre les maladies transmissibles pour informer les femmes et assurer leurs prises en charge. Mais il faut que nous continuions dans cette prise en charge, ce que nous avons commencé est bien mais il faut que nous puissions l’améliorer.
Propos recueillir par Mariam MOHAMED (Stag.)
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