Une société civile des artistes a vu le jour. Pascal Wanou qui patronne désormais cet instrument, qui devra servir d’interface entre les pouvoirs publics et le monde culturel évoque les objectifs et appelle à la cohésion. Le président du Conseil national des organisation d’artistes (Cona), ne fait pas la langue de bois sur la polémique qui entoure son élection à la tête de cet organe.
Vous êtes le nouveau président, pour ne pas dire le président élu du Conseil national des organisation d’artistes (Cona). Quelles sont vos impressions au terme du processus ?
Mes impressions sont celles de reconnaissance tout simplement. Reconnaissance envers tout le secteur culturel, envers le monde des artistes et acteurs culturels qui m’ont fait l’honneur de me confier cette charge. Sentiments donc de beaucoup d’émotions. Mais je considère que cela s’inscrit dans une certaine logique, à savoir que je ne suis pas un inconnu dans le secteur, je me suis toujours battu pour son développement, son unification. Je me suis engagé depuis des lustres pour une société civile culturelle forte, qui soit à même de parler d’une seule voix. Dans ce combat, tout le monde m’a vu à l’œuvre.
Si j’ai été désigné par mes pairs pour prendre les rênes du Conseil national des organisations des artistes, je considère que cela s’inscrit dans ce régistre là. C’est pourquoi je parlais de reconnaissance envers mes pairs. Et je mesure bien le défi et les enjeux.
Pascal Wanou, porte-parole de la plateforme des faîtières des acteurs culturels et maintenant, président du Conseil national des organisations d’artistes (Cona). Pourquoi êtes-vous toujours au devant de la scène quand il s’agit de représenter vos pairs ?
Rire. Ah ça ! C’est aux artistes qu’il faut poser la question. Je croix qu’au sein d’un groupe, dans une communauté, il y a toujours des leaders. Je pense que mes pairs ont plutôt misé sur l’expérience et la compétence. Nous sommes plusieurs dans le secteur, plusieurs leaders. J’estime peut-être que pour le moment, c’est ma passion qui prend le dessus, pour impluser un bon rythme à cette nouvelle structure.
Comment appréhendez-vous cette mission à la tête du Cnoa ?
Je n’aurai rien à réinventer. L’objet principal de la Cnoa est de servir de cadre de concertation pour les artistes, les acteurs culturels et les organisations culturelles. Nous avons plusieurs organisations d’artistes, je dirai beaucoup trop dans le secteur. Et chacune cherche à parler tout le temps d’elle-même, faire entendre sa seule voix. Nous assistons souvent à une sorte de cacophonie qui ne favorise pas le développement du secteur.
Nous ne pouvons pas émettre tous ensemble, une centaine de voix différentes, discordantes pour nous faire entendre du pouvoir public. Ce n’est pas possible. Les pouvoirs publics peinent donc à avoir un interlocuteur valable, crédible et représentatif, avec qui discuter des problèmes du secteur aux fins de prendre des decisions. Ce cadre de concertation va résoudre ce problème. Désormais, toutes les organisations d’artistes vont se retrouver dans ce creuset.
Nous démarrons avec les Fédérations parce qu’on a estimé que ce sont les mieux organisées pour le moment. Au lancement du processus, la Direction des arts et du livre (Dal) a enregistré à la date du 27 septembre, 479 associations de base, qu’il faudra ensuite tamiser afin de voir lesquelles sont réellement actives sur le terrain. Et ce travaille de filtrage risque de prendre du temps. Voilà pourquoi nous nous sommes accordés pour démarrer avec les fédérations. Il y en a 55. C’est mieux gérable.
Mais le Cnoa appartient aux associations de basse. Donc, la mission première du Cnoa, c’est la mise en place de ce cadre pour que les organisations culturelles discutent entre elles, prennent des décisions ensemble sur ce qui les concerne.
Le Cnoa porte aujourd’hui 7 filières. Est-ce suffisant pour couvrir tout le secteur ?
Il y a sept filières qui ont été mises en place : la musique, la danse, le théâtre, les arts plastiques et numériques, le cinéma, la littérature et la mode. Tout ce qui est discipline artistique s’y retrouve. Les inscriptions des faîtières ont été faites en tenant compte de ces différentes filières. C’est-à-dire que chaque organisation d’artistes, Fédération s’est inscrite dans l’une ou l’autre des filières. Aucune organisation d’artistes ne peut s’inscrire dans deux filières à la fois. C’est déjà un début d’assainissement du secteur. Nous le proclamons tout le temps. Il y a trop d’associations fictives qui ne se manifestent que lors des designations dans les différentes structures dans le but de représenter le monde artistique. Il va falloir mettre un terme à tout cela.
Nous parlons d’unité dans le secteur. Mais votre élection à la tête du Cnoa est sujet à polémique, parce que faisant suite à une autre élection sur la base d’un consensus. Que répondez-vous à ceux qui disent que c’est le fruit d’une manœuvre frauduleuse, après l’échec de votre première tentative.
C’est bien que vous parliez de consensus et d’élection. Deux mots qui m’intéressent. Première élection, simplement parce que au cours du processus de mise en place de l’institution, il y a eu des travaux préparatoires. La préparation des actes, c’est-à-dire des textes devant régir l’Association avant l’Assemblée constitutive où il a été question de les examiner et de les amender. Nous avons estimé à un moment donné que les représentants des 7 filières peuvent constituer le Conseil d’administration. Ils ont été choisis par l’Assemblée constituée par les trois délégués par Fédération dans chacune des filières. Et étant donné que ces 7 ont été choisis provisoirement, qu’en leurs sein, ils pouvaient également se répartir les rôles, au niveau du Conseil d’administration à titre provisoire. D’où cette première élection.
En évoquant cela, les gens se trompent lourdement en pensant que c’était déjà l’élection définitive des membres du Conseil d’administration. C’est une erreur monumentale, et je vous en donnerais les raisons. La première, parce qu’au regard même des textes, le Conseil d’administration n’avait pas les compétences de s’auto-désigner et de désigner son bureau. Ensuite, le 28 septembre 2020, l’Assemblée générale constitutive s’est réunie pour procéder aux réexamens de tous les actes des travaux préparatoires qui lui ont été soumis, parce qu’elle dans son rôle, dans ses compétences, dans ses devoirs.
Ainsi, l’élection qui a été faite le 21 août 2020, chacun de nous savait que c’était provisoire, que cela devait être soumis pour validation au cours de l’Assemblée générale constitutive. Ce n’était rien de définitif. Je ne comprends donc pas pourquoi certains se prévalaient de ce travail provisoire pour s’auto-proclamer déjà élus comme responsables du Cnoa. Selon l’article 19 des textes du Cnoa : ‘’l’Assemblée générale a pour compétence d’élire les membres des différents organes de l’association, adopter et modifier les statuts, les règlements intérieurs, traiter toutes questions relatives à l’administration et au fonctionnement de l’association’’. Pas pour autres compétences. L’article 20 qui suit immédiatement parle de la délégation de pouvoir de l’Assemblé générale. Tout a été déjà prévu par les textes. Dans quelles conditions l’Assemblée générale pouvait déléguer ses pouvoirs ? Selon l’article 20 : ‘’… à l’exclusion des dispositions relatives aux modifications des documents fondamentaux, à l’élection des membres des organes, à l’approbation des comptes et vote du budget, l’Assemblée générale peut déléguer certains de ses pouvoirs à tout autre organe élu par elle’’.
Cette disposition est très claire. En matière d’élection des organes du Cnoa, aucun autre organe n’est compétent que l’Assemblée générale. Vous comprenez que ce qui s’est passé le 21 août n’était opposable à personne. C’était à titre indicatif, provisoire afin d’être soumis à l’Assemblée générale, seule habilité comme cela se fait dans toutes les assemblées constitutives.
S’il est vrai que cela était compris de tous, pourquoi certains membres du bureau qui était provoire, ont-ils démissionné avant l’Assemblée générale constitutive ?
En réalité, nous étions partis pour mettre en place la Société civile culturelle et le slogan était : ‘’Pour une Société civile culturelle forte et unifiée’’. Ce qui voudra dire que le Cnoa est à partir d’un certain nombre d’experiences qui ont eu des fortunes diverses et qui n’ont pas satisfait tout le monde. Pour élire nos responsables dans telle ou telle autre institution, beaucoup d’argent circulait et nous avions créé des associations juste pour cela, car la morale et l’éthique ont déserté le forum. Nous avons donc mis un terme à cela.
Nous nous sommes alors retrouvés dans un cercle plus large pour évoquer la question des désignations et essayer de forger un consensus entre nous. Au niveau de la plate-forme, nous avons invité tout le monde pour discuter des candidatures probables afin de dégager un consensus autour d’une charpente. Mon challenger ou adversaire n’était pas dans le starting bloc, retenu par le consensus. Donc, sa candidature n’était pas retenu par le consensus et par surprise, certaines pratiques que nous étions partis pour combattre on refait surface et l’argent a circulé à nouveau. On a commencé décrier certains candidats, discrédité d’autres, et la politique s’en est mêlée.
La pression a été exercée sur les gens. Et lors de l’élection provisore, c’est tout le contraire du consensus qui a été observe. C’est pourquoi à l’issu de sa designation, au cours d’une réunion de la plateforme, les uns et le autres ont déclaré que cette désignations n’était pas valuable. Ainsi, sur 7 personnes membres du Conseil élu provisoirement, 4 se sont retirés. Ça veut dire qu’il y a eu un malaise effectivement. Celui qui avait été désigné provisoirement président ce jour-là, avec 4 voix sur les 7, a constaté après que 4 personnes se sont retirées. C’est le raisonnement qui a sous-tendu les démissions. Ce qui s’est passé est immoral, va à l’encontre de l’éthique. Voilà le problème, mais il n’est pas question de remettre en cause le Cnoa. Le processus devrait aller à son terme.
Voulez-vous dire que le président Philippe Abayi, élu en août dernier, a pris part à cette rencontre de la plateforme qui a servi à clarifier les malentendus ?
Bien sûr ! Il a été partie prenante. Ceci depuis le début des discussions et il a été question finalement d’organiser des primaires, pour désigner le candidat qui allait porter la charge de la présidence du Cnoa. Pour les autres candidats qui devraient occuper les autres postes, cette désignation consensuelle a été faite entre nous en sa présence, et nous avons toujours fonctionné comme cela. Lui-même, pour qu’il soit désigné membre du Conseil d’administration du Bubedra récemment, nous avons fait le même exercice, à l’issue duquel nous l’avons retenu parmi les candidats et nous l’avons porté. Ce n’était donc pas un exercice nouveau, ni une invention faite juste pour les questions liées au Cnoa. Nous avons toujours fonctionné depuis un certain temps pour obtenir l’acalmie.
Si les malentendus ont été vidés, pourquoi certains délégués ont été remplacés lors de l’Assemblée générale ?
Nous avons eu les preuves de ce qui s’est passé, et certains responsables ont été confondus. Ne nous demandez pas de bâtir un secteur sur des bases aussi fragiles, pour des questions d’intérêts personnels ou des questions de ventre, ou de promesse de poste. Non ! Ce n’est pas la vision du Cnoa. Nous disons que nous voulons créer une Société civile forte et vivifiante. Nous n’allons pas la construire sur des bases de corruptions. Nous avons tiré leçon de tout ce qui s’est passé. A l’Assemblé générale, 55 fédérations étaient représentées. Ce sont elles ont décidé de rectifier le tir.
Tout cela a donné lieu au retrait de la filière ‘’arts plastiques et numériques’’ lors de la reprise de l’élection du Conseil d’administration à l’Assemblée générale. Le Cnoa part à sa naissance avec un handicap. Qu’en dites-vous ?
Non ! On ne se retire pas d’un processus lorsqu’on a participé minutieusement aux activités de l’Assemblée générale, lorsqu’on a participé à la validation des textes qui ont donné naissance au Cnoa. C’est quand il a été question de continuer les travaux, après la validation des textes, donc à l’ultime étape de la mise en place des différents organes, que le camarade Philippe Abayi a estimé que l’ Assemblée n’était plus fondée en ce moment pour désigner les organes. Mais comment peut-on comprendre cela ? C’est la même Assemblée à laquelle il a appartenu, qui a adopté les fondamentaux. Et le retrait a été fait manu militari. Certains présidents de Fédérations, certains délégués n’étaient pas d’accord, mais ils ont été forcés à partir. Aujourd’hui, des menaces planent sur certains qui ne sont pas en phase avec ce comportement-là.
Donc, pour moi, c’est un problème d’humeur de la part d’un candidat qui n’a pas pu remporter les élections. Les autres collègues vont revenir et nous allons discuter. D’ailleurs, c’est ce que l’Assemblée générale a recommandé. Ils ont tous intérêt à revenir. Ce n’est pas parce que la machine électorale qu’on a mise en place n’a pas fonctionné, qu’il faut laisser tomber. Le camarade Philippe Abayi savait lui-même que les élections seront reprises au cours de l’Assemblée générale. Cela était inscrit à l’ordre du jour. Et il a fait campagne sur le terrain.
Un mot à l’endroit des acteurs
Notre secteur a déjà trop souffert. Nous n’avons plus besoin de nourrir des polémiques. Le Cnoa est une chance. Faisons son expérience et relevons les imperfections et corrections à y apporter. Je lance un appel au calme à tous les acteurs. L’ultime objectif est celui du développement du secteur.