L’analyse socio-économique de l’organisation du football au Bénin des indépendances jusqu’à nos jours permet de définir trois types de caractéristiques ayant conduit à de nombreuses crises. Elles proviennent essentiellement des caractéristiques structurelles, idéologiques et organisationnelles.
En Effet, de 1960 à nos jours, le football béninois a connu environ une vingtaine de crises et a enregistré plusieurs réformes structurelles.
Pour cette même période, une vingtaine de Présidents se sont succédé à la tête de la Fédération béninoise de football (De Norbert IMBS en 1961 à Mathurin de CHACUS ), instance nationale chargée de son organisation et de son développement au plan national.
S’il est vrai que le succès du sport dans un pays dépend de son niveau d’organisation, il n’en demeure pas moins vrai que le développement du sport est aussi lié à la politique de l’Etat, au comportement des dirigeants sportifs et à la contribution des autres partenaires.
Le football béninois depuis 1960 a ainsi essuyé plusieurs difficultés liées à la mentalité de nos dirigeants (la recherche de la satisfaction personnelle au détriment de son réel développement), aux conflits des égos, à l’instabilité politique et à la dure réalité économique peu reluisante.
Les dysfonctionnements internes des structures en charge de la gestion de notre football et l’absence pendant longtemps d’une volonté politique clairement affichée et d’une politique conséquente de financement du sport adaptée à notre environnement socio- économique ont plombé les ailes à toutes les initiatives visant son développement.
Mais depuis l’avènement du régime de la rupture en 2016, l’État par le biais de son Ministère en charge des sports a affiché sans ambages sa ferme détermination à sortir le football béninois de son état léthargique, le développer pour en faire un véritable levier de développement. La vision est sans ambiguïté : sortir le football béninois de l’amateurisme où il a végété depuis les années 1960.
Cette volonté de l’Etat s’est traduite très tôt par la mise en place d’un vaste projet de construction d’infrastructures sportives (22 stades omnisports de 3000 places bien répartis sur tout le territoire national). Ensuite nous avons enregistré une augmentation fulgurante des subventions de l’Etat au sport en général et au football en particulier notamment pour les clubs de l’élite (Ligue 1 et ligue 2) sans oublier une meilleure prise en charge de l’équipe nationale. Nous avons ensuite eu droit à la mise en place d’un cadre juridique afin d’inciter les sociétés à s’investir dans le football par la création des sociétés sportives.
Mais mise à part ces efforts titanesques et louables du gouvernement et sa volonté manifeste de donner un autre visage à notre football, est-ce que les vrais acteurs du football béninois sont prêts à opérer cette métaphore tant désirée par le pouvoir central ? L’environnement socio-économique est-il adapté à cette volonté politique ?
Autant de questions qui taraudent mon esprit de spécialiste du football. Le football comme tout produit à soumettre à la loi du marché (offre et demande) doit être de bonne qualité, de très bonne qualité pour se faire bien vendre et générer des ressources pour son propre essor et des profits pour ses acteurs.
Personne n’injecte de l’argent dans une entreprise sans espérer un retour sur investissement.
C’est le premier goulot d’étranglement à lever dans notre marche vers la professionnalisation.
Sur ce premier point, force est de constater que les résultats flatteurs de l’équipe nationale, composée souvent à plus de 95% de joueurs expatriés, ne reflètent en rien le niveau réel de notre championnat national qui laisse à désirer. La preuve très peu de joueurs locaux arrivent à se faire une place dans l’équipe nationale.
Ces joueurs locaux formés pour la plupart dans les rues et les “pseudos” centres de formation par des encadreurs eux-mêmes peu qualifiés ne peuvent combler les attentes du haut niveau.
Le public sportif béninois aussi très averti ne se presse guère pour venir au stade à cause de la qualité médiocre du spectacle qui s’y produit. Les stades régulièrement vides les week-ends constituent un important manque à gagner pour le système.
La médiatisation du championnat béninois est quasiment inexistante. La télévision, outil essentiel de cette bataille de vulgarisation, est aux abonnés absents.
Face à cet handicap majeur, comment attirer les investisseurs pour un championnat qui se déroule en vase clos ?
Mission quasi impossible, je suis tenté de répondre.
L’opérateur économique, invité à investir dans le football s’attend naturellement à un partenariat gagnant-gagnant. Dans cette piteuse situation décrite plus haut qu’est-ce que notre football à d’attrayant à offrir aux opérateurs économiques afin de les séduire ?
Pratiquement Rien, une fois encore.
La non retransmission des matches et le peu d’espace publicitaires qu’offre notre championnat national de football constitue un important frein et un facteur très peu motivant pour les sponsors.
A ce tableau déjà très sombre, il faut y ajouter la qualité de l’encadrement technique du football béninois.
Il faut des entraîneurs qualifiés pour garantir une bonne formation des joueurs et accompagner les talents jusqu’à l’éclosion.
Qualité des formateurs…
Voici un autre handicap majeur du football béninois. Le Bénin pratiquement doit faire partie des derniers pays africains où un entraîneur sans aucune formation diplomate, sans aucun parchemin, prend une équipe de l’élite (première division), juste avec son titre d’ancien joueur. La qualité du travail qu’exige le haut niveau ne peut être au rendez-vous dans un schéma pareil. On ne peut atteindre l’élite sans mettre un accent particulier sur la qualité des formateurs.
En Allemagne, pour prendre une équipe de l’élite, il faut être Professeur de football, un diplôme bien au-dessus de la licence A. Cela témoigne de tout le sérieux que les autres accordent à la formation des formateurs.
Et pour finir les populations de nos grandes villes ne se reconnaissent plus à travers les clubs de leurs localités respectives comme ce fut le cas lors de la période révolutionnaire avec les équipes départementales de l’époque. Un handicap de plus dans cette quête du professionnalisme.
Le PSG représente Paris, REAL représente Madrid et le BARÇA la Catalogne ou Barcelone.
Chez nous est ce que les REQUINS représentent toujours l’Atlantique ? Cotonou s’identifie-t-il à travers les Requins ? Absolument pas. C’est un problème majeur et une culture à raviver.
En résumé et eu égard à tout ce qui précède, le chemin qui doit nous conduire à la vraie professionnalisation de notre football béninois est encore long malgré la volonté manifeste du pouvoir central.
Beaucoup de préalables restent à régler pour rendre réalismes nos désirs de voir notre football nourrir son homme, générer des profits et se faire une place dans notre produit intérieur brut.
Pamphile kouassi MEWANOU,
Professeur certifié d’EPS, spécialité: Football
Entraîneur diplômé de l’Université de Leipzig en Allemagne