L’élection en démocratie est « la désignation, par le vote d’électeurs, de représentants destinés à les représenter ou occuper une fonction en leur nom ».
Certes grâce à l’élection, les élus représentent en toute légalité le peuple mais parfois ils en perdent la légitimité quand ils s’éloignent des aspirations réelles de ce dernier ou deviennent bourreaux de ceux qu’ils sont censés protéger. Le peuple étant l’unique véritable détenteur du pouvoir, et en l’absence d’une gouvernance inclusive, il y a risque de rupture entre les élus et électeurs.
Ainsi, Il arrive que la volonté du peuple et l’esprit de la démocratie ne soient pas respectés. Certains processus électoraux sont par conséquent questionnables dans la mesure où les élites organisant les élections tentent parfois de manipuler le jeu électoral en toute légalité.
La conséquence est la désillusion ou l’apathie des populations qui pensent les élections manipulées ou contrôlées. Les taux de participation ou taux d’enrôlement en baisse lors d’élections en sont une manifestation. Ainsi, selon le site d’information Afriksoir.net, à la veille de la présidentielle de 2020 en Côte d’Ivoire, sur onze millions attendues, « seulement 400.000 personnes se sont enrôlées pour la Carte nationale d’identité (CNI) ivoirienne plus de trois mois après le lancement de l’opération ». Il y a eu par conséquent prorogation du délai pour pousser un plus grand nombre d’électeurs potentiels à s’enrôler.
La volonté de contrôler les élections peut également se manifester à travers des réformes, dont la conséquence est l’introduction d’un doute raisonnable sur leur capacité à consolider la démocratie.
Au Bénin, des réformes électorales et institutionnelles ont entre autres eu pour conséquence l’exclusion de l’opposition, à travers des dispositions telles que : l’instauration de la règle des 10 % des suffrages sur le plan national y compris pour des élections locales, le parrainage par des élus parlementaires et/ou des maires pour la présidentielle, l’interdiction aux petits partis politiques de désormais s’unir et de se constituer en groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, etc.
La présidentielle de 2019 en Guinée Bissau interpelle dans la mesure où l’élection de l’actuel président Umaro Embaló a placé le juge électoral au cœur du processus qui a demandé à la Commission nationale électorale un recomptage des bulletins de vote et de publier les résultats du scrutin bureau de vote par bureau de vote suite à un recours du PAIGC. Il a fallu un règlement politique par l’entremise de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour sa validation.
Les législatives de mars 2020 au Mali ont favorisé l’élection controversée de 30% des députés. De vives contestations populaires et une crise institutionnelle s’en sont suivies. La démission forcée d’Ibrahim Boubacar Keita (IBK) et la prise du pouvoir par des militaires à travers le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) en sont les conséquences directes.
La situation semble désespérée mais faut-il pour autant renoncer aux élections voire à la démocratie ? Il y a tout de même de quoi espérer dans la mesure où la démocratie ne peut être indéfiniment détournée, instrumentalisée voire abusée. En effet, malgré diverses tentatives pour manipuler et contrôler le jeu électoral, une lueur d’espoir existe.
Ainsi, après 27 ans de pouvoir et une ultime tentative, l’ex-président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, a été forcé à la démission en octobre 2014 à la surprise générale malgré sa mainmise sur les institutions et sur les forces de défense et de sécurité.
L’ex président de la Gambie Yahya Jammeh a perdu l’élection présidentielle de novembre 2016. Refusant le verdict des urnes, il instaure l’état d’urgence et se maintient au pouvoir par la force avec la complicité d’un parlement aux ordres. Il finit par quitter le pouvoir en janvier 2017 grâce à la CEDEAO.
En 2017, la Cour Suprême du Kenya a invalidé les résultats de l’élection en faveur du président sortant, grâce à une décision historique en estimant que la Commission électorale a « échoué, négligé et/refusé » de conduire l’élection dans le respect de la Constitution.
Le Malawi en 2019 a connu le même scenario car la réélection du président sortant a été invalidée par la Cour Suprême pour cause de fraudes électorales de susceptibles de remettre en cause la vérité des urnes.
L’espoir est d’autant plus permis avec une jeunesse africaine consciente et engagée qui s’implique de plus en plus. Elle finira par se faire entendre du fait de son pouvoir incontestable. Seule une forte mobilisation par le vote permettra de redonner à la démocratie toute sa valeur. Le vote est un droit et un devoir très puissant entre les mains des citoyens. Il s’agit d’une sanction positive ou négative à faire valoir. L’abstention n’est pas la meilleure façon de s’exprimer même en cas de mécontentement.
Le vote blanc est tout aussi symbolique car traduisant une volonté de se démarquer des choix en présence et ce, même en cas de monopole politique. Si la crainte est relative aux fraudes et manipulations, cela ne peut que se faire dans une certaine mesure. Il est difficile de modifier le choix des électeurs au-delà d’un seuil raisonnable et réaliste. La récente crise au Mali l’a démontré suite à l’élection controversée de 30% des députés. D’où l’importance de la présence des observateurs et des partis politiques dans les bureaux de vote. Un vote détourné doit pouvoir se prouver en vue de réclamer justice.
La veille et la mobilisation citoyennes demeurent par conséquent la clé. Cela suppose ne pas laisser livrée à elle-même la grande masse de la population notamment des zones rurales qui vote certes mais qui se fait manipuler par les politiciens de tous bords sur des bases régionalistes, ethniques ou tribales. Cela suppose aussi de mobiliser au-delà des réseaux sociaux et d’investir le terrain pour sensibiliser la grande masse sous influence des politiciens. Chacun à son niveau a un rôle à jouer pour contribuer à l’éveil de cette grande masse afin qu’elle vote désormais selon ses aspirations réelles.
L’espoir de démocraties et d’élections « réhabilitées » est donc permis. Les ténèbres démocratiques que traverse le continent ne peuvent que laisser place à l’espoir d’un jour meilleur avec une jeunesse consciente et pleinement mobilisée.
Nadia Nata