La rentrée judiciaire 2020-2021 est, depuis ce jeudi, effective à la Cour suprême. L’audience solennelle s’est déroulée autour du thème : « Le magistrat et le politique: comment concilier la confiance et l’indépendance ? ». C’est en présence du ministre de la Justice, Me Séverin Quenum, représentant le président de la République, Patrice Talon, président du Conseil supérieur de la magistrature.
L’année judiciaire 2020-2021 est désormais ouverte à la Cour suprême. C’est à travers l’audience solennelle de rentrée judiciaire présidée, ce jeudi, par le président de la Cour suprême, Ousmane Batoko. Elle s’est déroulée autour du thème : « Le magistrat et le politique : comment concilier la confiance et l’indépendance ? » .
Pour le président Ousmane Batoko, cette thématique pose une problématique principale: comment trouver l’équilibre subtil entre la nécessité d’une collaboration des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire dans le souci de l’intérêt général et celle de la préservation de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il s’agit en d’autres termes de savoir comment le magistrat de siège, c’est-à-dire le juge peut assurer son office en toute impartialité et responsabilité, tout en entretenant des rapports avec l’autorité politique, responsable devant le peuple de la politique définie et conduite notamment en matière de justice.
Puisque le magistrat est un fonctionnaire de l’Etat recruté pour accomplir une mission d’intérêt général, celle de dire le droit, tout le droit et rien que le droit. Dès lors, selon le président de la Cour suprême, le magistrat ne devrait pas faire la politique ni avoir d’accointances de quelque nature avec le politique, autre personnage public exerçant ou aspirant à exercer le pouvoir exécutif ou législatif. Mieux, il ne devrait avoir d’ordre à recevoir ni du Parlement ni du gouvernement. L’indépendance du magistrat est une garantie pour les citoyens, souligne Ousmane Batoko. L’indépendance est également un devoir qui s’impose au magistrat dans ses relations avec le justiciable et qui l’oblige à rendre la justice sans tenir compte d’aucune pression. Bien qu’avérée, constate le président de la Cour suprême, cette sanctuarisation textuelle de la prise de décision par le juge n’échappe pas complètement à l’influence du politique au Bénin, à travers d’une part, le président de la République, détenteur du pouvoir exécutif qui en est le garant constitutionnel et d’autre part, le Parlement qui, exerçant le pouvoir législatif, met à la disposition du magistrat les outils nécessaires à l’exercice de son office.
Il est clair, dans ce contexte,que la jouissance de cette indépendance dont le politique est le garant fait ressortir en toile de fond le concept de confiance qui devrait planer sur les relations institutionnelles et qui renvoie à l’idée que l’un, dans l’exécution de la mission d’intérêt général, peut de façon désintéressée se fier à l’autre, en s’abandonnant à sa bienveillance et à sa bonne foi, analyse Ousmane Batoko. Mais, dans la réalité des choses, le président de la Cour suprême reconnait que tout gouvernement sous tous les cieux éprouve un certain penchant à exercer une influence sur les animateurs de la justice. Aussi, ne devrait-on pas être surpris que le politique s’échine parfois à utiliser tous les moyens à sa disposition y compris la délation, la corruption et les menaces pour influencer les milieux judiciaires.
« Dans tous les cas, l’influence du politique sur le juge dans la quasi-totalité des Etats, particulièrement en Afrique, est manifeste », martèle Ousmane Batoko. Le Bénin en a aussi connu à différentes époques de son histoire et sous divers aspects, les liens entre le politique et le magistrat. « Soyons clairs. Tout gouvernement cherchera à vous influencer. C’est normal dans le fonctionnement des institutions de l’Etat, dans un système où les pouvoirs cohabitent. C’est donc au magistrat, dans le respect de son serment et dans un contexte en mutation, de rester digne », poursuit le premier juge béninois.
Le président de la Cour suprême félicite tous ces magistrats compétents et talentueux qui restent attachés à leur serment et non guidés par des raccourcis politiques pour leur promotion professionnelle et qui font que, malgré tout, la justice béninoise est toujours debout.
Le président de la Cour suprême a été appuyé dans sa réflexion par le ministre de la Justice, Me Séverin Quenum représentant le chef de l’Etat. Pour lui, les pouvoirs exécutif et judiciaire sont condamnés à une collaboration fructueuse et constructive. Pourvu que dans la collaboration, l’un préserve l’indépendance et la dignité de l’autre. Me Séverin Quenum a assuré les acteurs de la magistrature de la détermination du gouvernement à leur donner les moyens nécessaires pour l’accomplissement de leur mission.
Mais il faut souligner qu’avant les deux, l’honneur a échu au bâtonnier de l’Ordre des avocats du Bénin, Prosper Ahounou, puis au procureur général près la Cour suprême, Onésime Madodé, de se prononcer sur le thème de la rentrée judiciaire.