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Entretien avec Dr Hervé Aholoukpè, directeur du Cra-Pp/Inrab:Point des recherches sur le palmier à huile et perspectives

Publié le jeudi 17 decembre 2020  |  La Nation
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© Autre presse par DR
Dr Hervé Aholoukpè est le directeur du Centre de recherches agricoles Plantes pérennes (Cra-Pp) de l’Institut national des recherches agricoles du Bénin (Inrab)
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Par Claude Urbain PLAGBETO,

Dr Hervé Aholoukpè est le directeur du Centre de recherches agricoles Plantes pérennes (Cra-Pp) de l’Institut national des recherches agricoles du Bénin (Inrab). A la faveur des Journées scientifiques sur la promotion des chaînes de valeur du palmier à huile tenues du 24 au 26 novembre dernier à Pobè, il nous a entretenu sur la mission du centre, les acquis ainsi que les perspectives des recherches pour la promotion de cette culture. Interview…

La Nation : Monsieur le directeur, présentez-nous le Centre de recherches agricoles Plantes pérennes dont vous avez la charge !

Dr Hervé Aholoukpè : La création du Centre de recherches agricoles Plantes pérennes (Cra-Pp)
de l’Institut national des recherches agricoles du Bénin (Inrab) remonte à 1922 mais il est connu sous sa dénomination actuelle depuis 1996.
La mission de notre centre, c’est de générer des informations, des connaissances et de développer des technologies pour la promotion des filières palmier à huile et cocotier.Pour ce faire, le centre mène différentes actions relatives à la conservation et l’utilisation des ressources génétiques du palmier à huile et du cocotier, à l’amélioration du rendement et de la qualité des produits de récolte, à la sélection pour la croissance lente en hauteur chez le palmier à huile et le cocotier et l’adaptation des cultures à la sécheresse.
La station de recherche sur le palmier à huile localisée dans la commune de Pobè s’étendait sur une superficie de 794 ha au départ. Aujourd’hui, nous sommes sur une superficie de 708 ha, parce qu’une superficie de 86 ha a été cédée d’une part au lycée technique et d’autre part à la mairie pour l’installation de réserves administratives. La superficie plantée en palmier à huile au niveau du centre est de 423 ha et nous avons une réserve botanique de 115 ha. En matière de Ressources humaines, le centre dispose de 126 agents dont 8 femmes, auxquels s’ajoutent des agents occasionnels qui tournent mensuellement autour de 200.

En quoi consistent les activités de recherche du centre ?

Les activités du Cra-Pp portent sur l’amélioration génétique du palmier à huile pour la résistance aux agents pathogènes, l’amélioration de la santé des sols et des techniques culturales sous palmeraie et sous cocoteraie, la protection phytosanitaire du palmier à huile et du cocotier. Elles consistent à faire des croisements entre des palmiers géniteurs pour la création de variétés performantes de palmier à huile, avec pour objectif d’améliorer le rendement en régime et en huile de palme, la qualité de l’huile de palme, la tolérance aux maladies et à la sécheresse.
Nous avons des champs de conservation des ressources phytogénétiques collectées, des champs généalogiques, des essais génétiques et des champs semenciers, tout cela à travers des cycles d’amélioration variétale. Un cycle dure une vingtaine d’années. Le Cra-Pp est aujourd’hui au troisième cycle d’amélioration des variétés de palmier à huile.

Quels sont les acquis enregistrés à ce jour ?

Le progrès pour l’amélioration variétale a permis de passer des noix de palme à coque épaisse et d’une épaisseur de pulpe réduite à des fruits de grosse épaisseur de pulpe pour une augmentation du rendement en huile.
Des efforts ont été également faits en matière d’amélioration de la qualité de l’huile de palme. Nous sommes passés d’une huile à acidité moyenne à une huile à faible acidité.
L’amélioration de la tolérance aux maladies a permis de passer des plants sensibles à la fusariose et au ganoderma à des plants moyennement tolérants à ces deux agents pathogènes du palmier.De même, les recherches ont permis de diminuer la sensibilité des variétés à la sécheresse.
Au nombre des acquis, nous avons aujourd’hui trois principales variétés qui sont diffusées. Elles ont le même rendement d’huile à l’hectare qui se situe autour de 14,5 tonnes/ha de régimes et 3,5 tonnes/ha d’huile de palme, sur des sols de plateau non irrigués. Ces variétés peuvent donner jusqu’à 18 tonnes à l’hectare en zone hydromorphe ou lorsque le sol est irrigué. Elles ont une croissance en hauteur lente, soit 3 m à l’âge de 12 ans, et sont moyennement tolérantes à la fusariose et au ganoderma qui provoquent la destruction du palmier à huile.
Nous avons la variété «Africadé» qui a une croissance lente, est tolérante à la maladie de la fusariose ; la variété « midagbédé/Okpè-Elékpoda » qui a une croissance lente, est tolérante à la maladie de la fusariose, et donne une huile de qualité, c’est-à-dire à faible acidité, et la variété « Nouvimahou » ayant une croissance lente, tolérante à la maladie de la fusariose et du ganoderma.
Pour ce qui est de l’adaptation à la sécheresse et aux changements climatiques, nous faisons dans un premier temps des observations sur les dégâts de la sécheresse sur les terres. Aujourd’hui, il y a des variétés moyennement tolérantes à la sécheresse mais de par les résultats sur la physiologie de la plante, nous avons pu définir les distances d’apport d’engrais et de l’eau.


En matière de fertilisation minérale et de techniques culturales spécifiques au palmier, où en est-on ?

Les nouvelles variétés de palmier à huile créées sont testées pour différentes techniques culturales et de fertilisation. Le Cra-Pp fait des recherches sur la régénération des sols; les associations de cultures telles que la tomate, le manioc, l’ananas. Certaines cultures associées comme l’ananas, le manioc entrent en concurrence nutritionnelle potassique avec le palmier à huile et ne lui permettent pas de bien se développer. Nous recommandons généralement l’introduction des légumineuses qui couvrent bien le sol et jouent le rôle d’apport de nutriments et de paillis pour éviter une forte évapotranspiration, car le palmier à huile est une culture exigeante en eau.
Des recherches sont également faites sur la gestion des feuilles d’élagage et de résidus de récolte dans les palmeraies ; la fertilisation minérale par des essais de fumures et des études sur les symptômes des déficiences minérales, que ce soit en magnésium, en potassium, en bore ou en azote, qui créent souvent le jaunissement général des feuilles.
Nous faisons également des études sur les végétaux, notamment la mineuse des feuilles de palmier à huile dont les dégâts sont semblables aux effets de la sécheresse. Les feuilles s’assèchent et lorsque ces dégâts sont généralisés, cela peut entraîner une perte de plus de 50 % de la production.
Il y a quelques années, une nouvelle chenille ravageuse du palmier à huile est apparue. Le Cra-Pp s’est positionné rapidement sur deux problématiques de recherche pour étudier la biologie de cette espèce nouvellement apparue. Aujourd’hui, cette espèce est identifiée et nous sommes en train de mener la recherche pour mettre au point une méthode de lutte contre ce ravageur. Il y a quelques semaines, cette chenille est revenue et a dévasté quelques palmiers dans le département du Plateau.



Nous disposons d’un parc de 6000 palmiers géniteurs pour la création variétale. Aujourd’hui, plus de 3000 géniteurs sont en service pour la production de semences améliorées. Chaque géniteur produit en moyenne plus de 2000 graines/an. Ce matériel est diffusé dans le monde entier : en Afrique, en Asie et en Amérique Latine à travers le partenariat de l’Inrab avec le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) à travers sa filiale PalmElit en France depuis plusieurs décennies.
Nous livrons par exportation de graines germées du Bénin vers ces pays. Il y a aussi une livraison directe par des champs semenciers installés avec le matériel de l’Inrab dans certains pays tels que la Colombie, la Thaïlande, l’Equateur, pour la mise à disposition des semences améliorées aux planteurs. Et pour toutes activités de livraison des graines à l’international, nous avons obtenu la certification Iso/9001V2015. La production est faite suivant des processus et normes bien définis. Il y a des activités de marketing qui se font. Ces différentes activités ont valu au Cra-Pp des distinctions internationales pour la qualité du travail qui y est fait.
Ce sont des résultats de plusieurs années de recherche soutenue. C’est le lieu de rendre hommage aux différents directeurs et à tous les chercheurs qui nous ont précédés.

Comment le centre coopère-t-il avec les autres structures impliquées dans la recherche agricole ?

Le Cra-Pp, à travers l’Inrab, établit un partenariat avec différentes institutions pour la recherche,la formation, la valorisation des produits de recherche, etc. Au plan national, nous travaillons avec les universités et lycées agricoles pour la formation et le co-encadrement des élèves et étudiants.
Avec les Agences territoriales de développement agricole (Atda) et les directions départementales de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (Ddaep), dans la formation, la recherche-développement, la direction de la Production végétale (Dpv), nous faisons le suivi des acteurs.
A l’international, nous collaborons avec la Société d’investissement en agronomie tropicale (Siat) dont une succursale est à Presco au Nigeria où nous faisons une évaluation des différentes variétés dans les conditions écologiques favorables au Nigeria où cette société a mis à la disposition de l’Inrab plus de 550 ha pour des essais génétiques. A travers le partenariat Cirad/ PalmElit, il y a le renforcement de capacités des chercheurs béninois, des échanges scientifiques, la facilitation de contact avec des laboratoires pour des analyses nécessitant des équipements spécifiques, la recherche en réseau avec des équipes de chercheurs d’autres pays, la prospection de marchés semenciers et la vente de semences à l’international.

Quid de la formation des pépiniéristes agréés ?

Nous formons et nous faisons le suivi des pépiniéristes agréés. Qu’il vous souvienne, dans les années 90, il y a eu un déclin des palmeraies industrielles. Le Cra-Pp a initié la diffusion du matériel sélectionné, d’où la promotion des palmeraies villageoises. En 1995, huit pépiniéristes ont été formés et sensibilisés sur l’utilisation des graines germées que nous recommandons fortement pour la production des plants sélectionnés au profit des planteurs. En 1996, on a augmenté l’effectif à 25, puis à 40 en 2003 et à 60 en 2012. Aujourd’hui, on peut dire qu’on a une quarantaine de pépiniéristes fidèles à qui on livre des graines germées, à travers un dispositif qui implique les Atda.
Aujourd’hui, nous avons plus de 200 demandes de formation en attente. Mais c’est progressivement que nous allons les former et couvrir toute la zone oléicole parce qu’il faut une certaine répartition géographique pour faciliter l’accès des producteurs aux plants de palmier à huile.
La demande de graines germées est exprimée vers l’Atda qui transmet au Cra-Pp qui, à son tour, livre aux pépiniéristes pour produire les plants à mettre à la disposition des producteurs.
Nous venons aussi en appui aux coopératives d’aménagement rural (Car) pour la relance de leurs activités. Nous avons initié cette année la mise en place de pépinière délocalisée du Cra-Pp sur les sites des Car. Nous avons demandé aux coopératives de se regrouper autour des sites où il existe déjà des équipements pour accueillir les pépinières, c’est-à-dire un système d’irrigation par exemple. Au total, nous avons eu six collectifs, en l’occurrence ceux des Car d’Atchonsa et d’Affamè dans l’Ouémé, ceux des Car du Plateau, du Mono, de l’Atlantique où la Car Ouidah Nord (Caron) a exprimé le besoin d’avoir son site propre de pépinière. Nous les appuyons pour la conduite des pépinières mises en place.



La création variétale ou l’amélioration génétique est une activité continue de recherche. Les variétés tolérantes à la fusariose et au ganoderma sont toujours en cours d’amélioration. Il en est de même des variétés tolérantes à la maladie de la pourriture du cœur du palmier. Celles tolérantes à la sécheresse sont en cours de création, notamment la variété « Akoudé/Omitchohan » qui donne 27 tonnes de régimes dans une écologie favorable et un taux d’extraction de 28 % dans quelques années. C’est le palmier du futur pour le Bénin.
Nous prévoyons de faire des actions en termes de valorisation des sources d’eau. Il est prévu dans le Programme national de développement de la filière palmier à huile (Pndf-Ph) que le Cra-Pp installe des sites pilotes de recherche sur la maîtrise de l’eau, pour aller vers les différents systèmes d’irrigation, notamment les sources artésiennes et le système par l’énergie photovoltaïque.

Les recherches sur le cocotier, on en entend très peu parler. Qu’en est-il ?

C’est vrai que les recherches sur le palmier à huile sont très en avance sur celles sur le cocotier, mais je puis vous assurer que les recherches sur le cocotier ne sont pas délaissées. Pas du tout ! Actuellement, la recherche sur cette culture est en train d’être relancée pour que cette filière aussi prenne de l’envol. Le programme de recherche sur le cocotier sera élaboré dans le sens de l’amélioration génétique et sur l’agronomie du cocotier ainsi que les sous-produits de transformation du cocotier.

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