Les populations de l’arrondissement de Hêkanmè dans la commune de Zè ne se retrouvent pas dans les multiples réformes et réalisations du gouvernement du président Patrice Talon. Vivant depuis des lustres sans eau potable, dans le noir et dans une localité quasi inaccessible tant les voies y menant sont impraticables, elles ne cachent pas leur désarroi après le passage du président de la République, Patrice Talon dans leur commune. Selon elles, leurs problèmes n’ont pas été portés à l’attention du président dans les règles de l’art, raison pour laquelle elles lancent un cri de cœur à ce dernier afin qu’il touche du doigt leur calvaire pour y mettre fin.
Il est midi ce vendredi 18 décembre 2020 à Hêkanmè, l’un des onze arrondissements de Zè, commune située à une quarantaine de kilomètres au nord de Cotonou, la capitale économique du Bénin. A Hêkanmè-Centre, sur la route menant à Sèhouè par Djigbé, un camion à moitié plein de charbon avance lentement, zigzagant à pas de tortue. La moindre erreur pourrait être fatale. Les deux mains solidement agrippées sur le volant, le conducteur du poids-lourd en est conscient. Il doit savoir manœuvrer au risque de se retrouver dans les trous situées de part et d’autre de la route. A cet instant, personne, à pied, à moto ou dans un véhicule ne peut croiser l’engin, au risque de finir dans l’un des nombreux fossés. Il faut dire que cette route de 16 kilomètres, l’unique qui traverse l’arrondissement, se trouve dans un état de dégradation poussée qui désole les populations de la localité, à l’instar de Louis Ménatchi. « La route est complètement dégradée. S’il pleut une seule fois encore, ce camion ne pourra plus passer par ici parce que les eaux de ruissellement auront élargi les trous qui finiront par engloutir la voie », lance-t-il, ne quittant pas des yeux le camion de charbon.
« Nous n’avons personne pour plaider notre sort » poursuit l’homme, profitant de l’occasion pour égrener le chapelet de problèmes auxquels sont confrontées les populations de Hêkanmè. « Le problème de Hêkanmè va bien au-delà de l’impraticabilité de la route. Dans notre arrondissement, nous n’avons pas d’électricité, nous n’avons pas d’eau potable et accéder à des soins de santé dignes de ce nom est pratiquement impossible » s’indigne le trentenaire, qui ne manque pas de lancer des piques aux autorités communales pour leur léthargie.
Apportant de l’eau au moulin de son administré, Awèdé Florent, le chef du village de Hêkanmè centre, va dans le même sens. « Nous souffrons énormément à cause du mauvais état de cette route » commence-t-il, regrettant que les autorités locales n’aient pas longuement insisté sur des problèmes comme celui-là à l’étape de Zè lors de la tournée nationale de reddition de comptes du président Patrice Talon. « Ce qui est marrant dans tout ça… c’est le silence des autorités communales sur les réels problèmes de la commune de Zè et de l’arrondissement de Hêkanmè en particulier ». Pour lui, les autorités communales ont raté le coche tout simplement. « Ils n’ont pas suffisamment insisté sur nos réels difficultés devant le président et c’est très grave pour nous. Perlons seulement de l’eau. L’eau que nous buvons ici à Hêkanmè n’est pas salubre. C’est l’eau de la rivière qui est le réceptacle de toutes les eaux de ruissellement qui coulent par ici. C’est cette eau que qui est utilisée pour les autres besoins des ménages et c’est cette même eau que les bergers qui passent par ici donnent à boire à leurs bœufs. Nos enfants se baignent dans la rivière, au risque de leur santé », ajoute-t-il peinant à cacher sa colère.
L’électricité quasi inexistante, pas d’hôpital ni de soins de qualité
« Nous avons reçu des poteaux électrique depuis bientôt sept ans. Les câbles de haute tension ont été érigés à un niveau donné. Les fils électrique ne sont jamais arrivés à Hêkanmè », explique Robert Gbeffè. Selon ce natif de l’arrondissement et président de l’association Nonvinonkpo, organisatrice de Zèxwé, la fête des retrouvailles des filles et fils de fils de Zè, seulement trois arrondissements sur les onze de la commune sont électrifiés.
Ancien député à l’Assemblée nationale et ancien chef du neuvième arrondissement de Cotonou l’homme ne cache pas sa colère à l’évocation des difficultés éprouvées par les élèves du Collège d’enseignement général de Hêkanmè, obligés d’étudier dans l’obscurité et sans eau. Ce qu’illustre Jasmin, l’un des élèves dudit collège : « Les soirs si on doit terminer un cours à 19h, il faut que le professeur fasse vite pour nous libérer à 18h 30 au plus, sinon, on ne voit plus au tableau », de plus, poursuit-t-il, « Même dans nos maisons, c’est à la lueur des torches, ou des lampions à pétrole que nous étudions. » Un fait qui se justifie aisément avec le quasi inexistant d’éclairage public, source d’insécurité dans les localités concernées.
L’insécurité, la cause du désert au marché d’Agbata
« Quand j’étais plus jeune âge, ce marché s’animait très bien et on se faisait de l’argent. Mais depuis quelques années, c’est le statut quo. Aujourd’hui, c’est jour du marché et on peut constater que le lieu est désert. C’est vraiment triste, surtout que les fêtes de fin d’années approchent ». C’est en ces termes que dame Albertine Ayohouannon, revendeuse au marché d’Agbata exprime son désarroi sur ce qu’est devenu le marché de son village, un marché qui l’a vu grandir. Aujourd’hui, avec une quinzaine de hangars dont les plus récents datent de 2016, ce marché, explique-t-elle, accueillait des gens de Sèhouè, de Massi, de Zogbodomey, Bohicon, de Zè centre et même de Houègbo qui venaient y acheter des vivres ou vendre leurs produits. On y trouvait tout, de la banane à l’ananas en passant du poulet bio, du maïs et bien d’autres produits agricoles. Aujourd’hui, l’endroit est désert, ce qui désole la mère de famille. A en croire Robert Gbèffè, l’insécurité est la cause principale de cet état de chose. Selon lui, surpris parfois par la nuit, les femmes et les hommes qui venaient des localités environnantes à Agbata pour écouler leurs marchandises étaient attaqués par des hors-la-loi dans la forêt de Djigbé.
Située à une quarantaine de kilomètre de Cotonou, la commune de Zè compte 11 arrondissements avec une population de plus de cent mille habitants. Elle est considérée comme la plus vaste commune du département de l’Atlantique en termes de superficie. Les populations de cette commune manquent encore de tout, d’où le cri de cœur de Louis Mènachi au premier magistrat du pays à penser aux filles et fils de Zè. « J’invite le chef de l’Etat à penser à nous à Zè. L’arrondissement de Hêkanmè fait pitié. Nos enfants étudient à la lueur des lampes, mettant leurs yeux en péril. Nos épouses accouchent sur le chemin de l’hôpital parce qu’il faut aller à Zè centre pour avoir des soins un peu acceptables ».