Vendredi 15 janvier 2021, le chef de l’Etat a annoncé son intention de briguer un second mandat. Plus que cette déclaration de candidature, devenue depuis évidente, les raisons évoquées pour rempiler convergent avec la lutte dans laquelle l’Opposition s’est inscrite depuis 2016.
”Je serai candidat pour défendre la démocratie, nos libertés et la bonne gouvernance…”, a déclaré Patrice Talon. Ironie du sort, la confiscation des libertés et le recul démocratique constituent les principaux griefs de l’Opposition à l’encontre du régime de Patrice Talon. A les entendre, c’est sous le quinquennat finissant que la démocratie a été sérieusement mise à mal. Ils en veulent pour preuve, l’exclusion de l’Opposition aux législatives de 2019 et, dans une certaine mesure, aux communales et municipales de 2020. Si le terme « démocratie » désigne à l’origine un régime politique dans lequel tous les citoyens participent aux décisions politiques par le vote, l’Opposition estime qu’en 2019 et en 2020, des citoyens ont été empêchés d’exprimer leur vote, à cause des lois crisogènes qui ont eu pour conséquence l’exclusion de l’Opposition. De même, la révision en procédure d’urgence et non consensuelle de la Constitution participe, selon l’Opposition, de ce recul démocratique tant décrié. Quant aux libertés publiques, elle soutient que l’encadrement du droit de grève, l’empêchement de plus en plus constaté pour les partis d’opposition de tenir des rencontres, l’interdiction des rassemblements, des marches et autres constituent des actes de restriction des libertés publiques. C’est d’ailleurs pour défendre ces acquis que des partis et mouvements de l’Opposition ont créé le Front pour la restauration de la démocratie (Frd).
Rompant avec son engagement de mandat unique, vendredi 15 janvier 2021, Patrice Talon dit être candidat à sa propre succession pour trois raisons : ”Je serai candidat pour défendre la démocratie, nos libertés et la bonne gouvernance… ». Mais la perception qu’a Patrice Talon de la démocratie n’est pas la même que celle de l’Opposition. Pour lui, la défense de la démocratie et des libertés individuelles et collectives doit rimer avec la bonne gouvernance. L’un ne va pas sans les deux autres. A Akpro-Missérété, le 14 janvier 2021, il déclare : «la démocratie n’a pas permis le développement à elle toute seule ». Selon lui, depuis 1990, le Bénin est en démocratie mais ne s’est pas développé. «…à la démocratie, à la liberté, il a fallu la bonne gouvernance pour commencer à voir les effets de développement, la satisfaction de nos besoins », a-t-il soutenu. A l’entendre, la clé pour aller au développement, c’est d’ajouter à la démocratie et aux libertés la bonne gouvernance. Chose qu’il fait depuis 2016, selon lui, et qu’il estime opportun de continuer durant les 5 prochaines années. « Ce que les Béninois doivent défendre avec acharnement, ce n’est plus seulement deux choses. Maintenant c’est trois choses. La démocratie, nos libertés et la bonne gouvernance. Ces trois choses-là, mes chers amis, nous permettront de nous développer. Ça nous permettra que le Bénin reste sur les rails et que nous donnons satisfaction à nos besoins d’aujourd’hui, à nos besoins de demain ainsi de suite », a-t-il laissé entendre. Pour Patrice Talon, la bonne gouvernance impulsée pendant son premier mandat a permis de mettre « le Bénin sur les rails ». « Cette bonne gouvernance est un nouvel acquis désormais impératif qui vient compléter la démocratie, la liberté qui fait de nous un peuple digne, qui fait de nous un peuple qui se prend en charge, qui va se construire, qui va se développer », a-t-il déclaré, pour justifier la nécessité pour lui de poursuivre la dynamique pendant encore 5 ans.
Alors que dans ses revendications, l’Opposition réclame le retour à la démocratie, ce qui suppose, selon elle, la restauration des acquis et fondamentaux issus de la Conférence nationale, Patrice Talon trouve que cette conception de la démocratie n’a pas amené le Bénin au développement. D’où ses réformes dont les résultats ont abouti à la bonne gouvernance, sans laquelle, le pays ne peut connaître le développement.
Mais la bonne gouvernance, c’est aussi la transparence dans la gestion. Vu sous cet angle, on peut se demander si Patrice Talon est sincère, quand on sait que, jusqu’à ce jour, on ne sait pas, par exemple, ce que ses ministres et lui gagnent mensuellement, ce que gagnent les députés, comment les marchés publics sont attribués,… N’est-ce pas là un point important de la bonne gouvernance ?