Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article
Société

Expropriation De Kansounkpa Pour Le Marché De Gros: L’expert Daouda Moussé Situe Les Responsabilités

Publié le mercredi 3 fevrier 2021  |  Matin libre
Daouda
© Autre presse
Daouda Moussé,Fiscaliste spécialiste en mobilisation des ressources locales,Président de L’Ong Sauvons la Terre
Comment


Dans une interview accordée à la Rédaction de Matin Libre, le Consultant Daouda Moussé (photo) se prononce sur les supposées frustrations nées de l’expropriation de parcelles à Kansounkpa pour la construction d’un marché de gros. Lire cette interview.



QUESTION : M. Daouda Moussé, vous êtes Fiscaliste spécialiste en mobilisation des ressources locales, mais également Expert foncier, Consultant Formateur en Foncier et en Domanialité ; vous êtes aussi le Président de L’Ong Sauvons la Terre. Que peut- on entendre par Expropriation pour Cause d’utilité publique ?

REPONSE :- Pour la réalisation de leurs projets, l’Etat et les collectivités territoriales disposent de plusieurs procédés. Soit ils utilisent les procédures de droit privé tels que les achats de domaines ou de parcelles auprès des citoyens comme vous et moi ; dans ce premier cas, on parle de cession volontaire et procédure de droit privé

En dehors de ce procédé, l’Etat ou les collectivités utilisent d’autres procédés qualifiés de procédés de droit public qui sont des procédés exorbitants de droit commun. On parle de dépossession consentie par la force. Au nombre de ces atteintes au droit de propriété, nous avons la réquisition (d’immeuble – meuble), la préemption, mais surtout l’expropriation pour cause d’utilité publique qui se trouve être la plus pratiquée

L’expropriation pour cause d’utilité publique est une procédure à la fois administrative et judiciaire qui permet à l’Etat ou aux collectivités territoriales de contraindre une personne de droit public ou privée à céder la propriété d’un immeuble ou d’un droit réel immobilier à une personne publique ou privée moyennant juste et préalable dédommagement ;

Monsieur Moussé, vous parliez tantôt de contrainte envers les populations ; est ce que l’expropriation est une opération propre à l’Etat béninois ou bien cela se pratique dans d’autres pays ?

L’expropriation pour cause d’utilité publique n’est pas l’apanage de l’Etat béninois ; elle s’opère dans plusieurs pays l’Afrique noire surtout ; je rappelle à toutes fins utiles qu’elle a été introduite au Bénin par le décret du 25 novembre 1930, portant réglementation de l’ECUP et de l’occupation temporaire en AOF,

Elle a été reconduite dans la constitution Béninoise en vigueur dans son article 22, puis dans la loi de 2013 modifiée en 2017 puis en 2020 portant CFD dans ses articles 210 et suivants .ce n’est donc pas une procédure instaurée par le régime précédant encore moins l’actuel régime.

Monsieur Moussé, on a quand même constaté que depuis 4 ans environs le phénomène d’expropriation pour cause d’utilité publique est devenu récurrent au point où les populations s’en désolent. Vous êtes Consultant Formateur en foncier et en domanialité, dites- nous pourquoi on est obligé d’en arriver là ? Pourquoi les populations ne doivent pas dormir ? Aujourd’hui c’est tel site qui a été exproprié demain c’est l’autre…

Je veux bien qu’on se comprenne ; je ne suis pas un agent de la mairie, non plus un cadre de l’ANDF ; je veux bien être au service des populations mais en toute objectivité et de manière professionnelle ;

Si les populations ne dorment plus aujourd’hui, c’est pour qu’elles dorment bien demain et surtout pour que les milliers de générations futures et innocentes puissent bien dormir

Je veux d’abord rectifier ceci ; l’ECUP a lieu dès lors qu’il y a déclaration pour CUP ; or je puis vous dire ici qu’il y a des déclarations pour causes d’utilité publiques qui datent de 10 ans, de 8 ans sans que le processus ne s’achève. En tout état de cause, les personnes touchées par l’expropriation déjà à cette phase doivent savoir qu’elles ne doivent ni vendre des portions ni implanter des constructions, à moins qu’un autre arrêté en disposent autrement.

Je voudrais dire que les expropriations observées çà et là, ces 4 dernières années, ne sont rien d’autres que le signe, la manifestation, la volonté affichée d’un gouvernement qui veut faire du Bénin une ville de Lagos, d’Abidjan, de Singapour, etc ; et ça il faut l’apprécier;

Nous n’avons plus de terres libres, les réserves sont exponentiellement bradées, morcelées et vendues ; l’Etat est obligé de procéder aux expropriations au nom de l’intérêt général ;

Les populations doivent prendre leur mal en patience, car pour manger des omelettes il faut casser des œufs ; je suis toutefois d’accord avec les populations que celui qui veut préparer ces omelettes doit faire de sorte qu’elles ne soient pas mélangées aux coquilles d’œufs, de sorte que l’opération soit digeste pour tous ;

Vous êtes Expert en foncier, quels sont les arguments dont dispose le gouvernement pour arracher aux populations leurs parcelles et de façon récurrente telle qu’on le constat ?

Les arguments dont dispose l’Etat sont d’ordre social tel que l’intérêt général qui prime naturellement sur les intérêts particuliers des uns et des autres ; il y a également des arguments juridiques contenus dans la Constitution et dans le Code foncier et domanial ; n’oublions pas qu’au Bénin, les terres appartiennent aux citoyens ; or l’Etat a besoins de terres pour construire les infrastructures bénéfiques à tous y compris les expropriés ;

Justement, parlant des cas de soulèvements, les populations de Kansounkpa très remontées ont saisi le Président de la République à travers une lettre ouverte concernant leurs terres expropriées dans le cadre de la construction du marché de GROS ; par la voie de leur représentant, monsieur Franckel Badoussi ; l’auteur de la lettre exprime son désarroi et relève un dysfonctionnement grave dans la procédure administrative et une fixation de prix d’expropriation ne reflétant du tout pas ce qui est contenu dans la loi de finances

Vous êtes Expert foncier, vous avez surement pris connaissance de la lettre écrite au Chef de l’Etat ; quelle est votre part de vérité ?

Non seulement j’ai lu la lettre, mais également c’est un dossier que je suis en faisant des descentes en tant que expert foncier ;

Je ne sais pas si l’auteur de la lettre représente les expropriés parce que je connais du moins par leurs noms, les représentants des expropriés qui sont bien entendu dans la commission d’expropriation et qui rendent compte à leurs mandants ;

Je voudrais d’abord féliciter l’auteur de cette lettre par la qualité intellectuelle quant à la forme ; je suis cependant au regret de vous dire qu’à lire le contenu, on se rend compte que la personne a fait un saut dans l’inconnu et a fait des affirmations très graves qui pourraient se retourner contre lui ; il faut faire très attention quand on veut attaquer ; il faut se chercher les vraies informations surtout quand on est d’un certain niveau juste pour le bonheur de sa famille et celui des populations que vous défendez ;

Le domaine dont il s’agit s’étend sur 168 hectares environs y compris ZOPA ; quand il affirme qu’aucune procédure n’a été respectée je rejette et vous explique :

La déclaration d’utilité publique (acte essentiel) a été prise en novembre 2019 dont j’ai copie, si non a été renouvelée car elle avait été déjà prise bien avant.

Il affirme qu’aucune enquête de comodo et incomodo n’a été faite alors que ces enquêtes ont bien été effectuées du 05 Août 2019 au 04 septembre 2019

Il affirme que les concernés n’ont pas été impliqués et pas de rencontre avec les autorités alors que le vendredi 04 septembre 2019, sous la présence effective du préfet, une séance, en présence des populations, du Maire de la commune d’Abomey Calavi s’est tenue à la mairie et tout récemment, la commission s’est réunie avec les représentants légitimes des expropriés le 08 janvier 2021 toujours pour les négociations et réglages

Il a évoqué les prix proposés aux populations qui ne reflètent pas les prix contenus dans la loi de finances ; effectivement, la fourchette de 3500 à 8000f est celle retenue par la commission comme l’auteur la signifié ; je rectifie en disant que ce n’est pas des prix proposés par le préfet mais arrêtés par la commission qui a diligenté des experts en immobilier pour les évaluations de prix ; nulle part dans la loi de finances il a été fixé le prix du métre carré à 30.000f à kansounkpa comme l’affirme l’auteur de la lettre ; mais plutôt 3.000f le prix de cession alors que la commission a fixé les prix à partir de 3500f

Alors si tout cela a été respecté, qu’est-ce qui justifie la présence de plus de 200 policiers sur le site ? Il y a quand même quelque chose qui ne va pas ?

Je confirme la présence des forces de l’ordre, mais je ne confirme pas le nombre ; je n’en sais rien du nombre ; vous savez, l’expropriation est une opération très douloureuse et la réaction des populations se comprend. Plusieurs personnes ont accepté et ont été même dédommagées ; celles qui ont déjà érigé des bâtiments, ce sont plus elles qui s’opposent et c’est légitime. L’expropriation relevant du pouvoir exorbitant de l’Etat, elles ne peuvent pas s’opposer aux opérations seulement elles peuvent saisir la justice, donc il faut cette présence des forces de l’ordre pour la bonne suite des opérations ;

C’est un véritable coup de force. Il faut le dire ainsi ?

Aucune expropriation ne se fait sans négociation ; en tout cas depuis 4 années environs, aussi bien dans la procédure que dans le respect des prix ; celle de kansounkpa a enregistré plus de 400 doléances qui ont été prises en compte par les experts avant le démarrage des dédommagements. Vous vous rendez compte quand on dit le régime actuel fait de coup de force en matière d’expropriation, c’est de la diversion ;

Vous venez quand même de confirmer que les prix d’expropriation dans la zone varient entre 3500 et 8000f le mètre carré. Ça veut dire que le citoyen qui détient une parcelle de 500 mètre carré et dont on a fixé son prix à 4000f se retrouvera à 200.000f alors qu’il avait pris sa parcelle à 2.000.000f par exemple ?

Vous avez dit par exemple ; il pouvait l’acheter à 100.000f aussi n’est-ce pas ? Dans le même temps faisons le calcul pour un présumé propriétaire qui détient juste 2 hectares : 2 h = 20.000 mètre carrés ; 20.000 * 4000f= 8.000.000 f ; actuellement même avec les prix spéculés si vous avez 8.000.000f vous pouvez acheter 10 hectares ; c’est pour dire que l’Etat n’exproprie pas les détenteurs de petites parcelles mais les présumés propriétaires et ceux-là s’en sortent très bien. Evitons donc d’acheter de petites parcelles dans les zones non loties.



Propos recueillis par JB
Commentaires