Présidentielles 2021: Comment Joël Aïvo A Tissé Sa Toile

Publié le vendredi 12 fevrier 2021 | Matin libre

© aCotonou.com par Didier ASSOGBA
Joël Aïvo,constitutionnaliste, professeur des universités et homme politique béninois membre de L`opposition lors de lancement du Front pour la restauration de la démocratie collective
Cotonou, le 13 janvier 2021, la coalition de l`opposition ``Front pour la restauration de la démocratie collective `` mis sur les fonds baptismaux. Se regroupement vise le retour aux acquis de la Conférence nationale des forces vives de février 1990.

Il y a encore deux ans, peu de gens pouvaient l’imaginer si proche de la consécration politique. Aujourd’hui, à quelques jours de la publication de la liste définitive des candidats à l’élection présidentielle du Bénin, le professeur de droit constitutionnel conduit le ticket présidentiel le plus crédible et le plus redouté par le pouvoir en place. Les Béninois sont nombreux à l’intérieur comme dans la diaspora à juger le professeur Joël AÏVO et l’ambassadeur Moïse KEREKOU dignes des fonctions qu’ils sollicitent et capables de les exercer.

L’élection présidentielle s’installe progressivement dans sa phase opérationnelle et le paysage commence à se préciser. Une vingtaine de candidats à la succession du président Talon se sont fait connaître du 1er au 04 février dernier parmi lesquels le duo du Front pour la Restauration de la Démocratie (FRD), l’un des duos les plus attendus de la compétition. C’est autour de 21h, la nuit du 04 février que le duo Joël AÏVO – Moïse KÉRÉKOU se présenta au portail de la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA) à bord de la même voiture, et sous les vivas d’une foule en liesses. Leurs supporters étaient massés aux abords de l’institution depuis 15h.

Un chemin long et semé d’embûches

Pourfendeur des réformes politiques de l’administration Talon, et opposant déclaré du régime Talon, Joël AÏVO n’a jamais fait mystère de ses ambitions présidentielles, dans le but, clame-t-il « de rétablir la démocratie ». Mais pour y arriver, l’universitaire qui n’avait plus d’affiliation politique connue ni d’activité partisane depuis sa démission du cabinet de Me Adrien HOUNGBÉDJI sait qu’il devra se tracer son propre chemin jusqu’au palais de la Marina. Un chemin long et semé d’obstacles. Qu’importe s’il lui faut « marcher sur des clous, des épines ou des tassons de bouteille » ? Frédéric Joël AÏVO est trop attaché à la démocratie et à l’État de droit pour laisser faire ce qui se déroule depuis 2016 sans réagir. Premier acte de son combat, il n’hésita pas à prendre ses distances avec le contenu du premier projet de révision de la constitution, alors qu’il prenait part à peu près douze mois plus tôt aux réflexions de la commission des réformes institutionnelles et politiques que présidait son collègue et ami Joseph Djogbénou. « Il ne s’agissait pas d’une révision constitutionnelle, mais d’un changement de constitution », s’en était-il justifié au micro d’une radio privée béninoise.

Seul face à la Rupture

Ce n’était que le début d’un long combat. Frédéric Joël AÏVO s’opposa également au processus électoral qui conduisit à la mise en place en 2019 d’un parlement entièrement composé des partisans du président de la République, avant de se retrouver quasiment seul face au pouvoir de Patrice Talon suite à la brutalité du traitement reçu par l’opposition. Sans parti politique mais avec l’esprit rempli d’imaginations, l’universitaire décida de se lancer à l’assaut du Bénin avec une poignée de fidèles amis. D’abord ignoré, puis moqué aussi bien par le pouvoir que par les anciens acteurs de l’opposition, le « Dialogue Itinérant » réussira à marquer le tempo de l’animation et raviver la vie politique nationale jusque-là inhibée par les réformes. Durant ses réunions, l’universitaire s’attaque avec pédagogie et méthode au bilan du président Talon. Le bilan économique jugé « d’économie de statistiques et de chiffres », la réforme de la loi sur l’embauche qu’il juge de « crime social », « l’abandon de l’école et de l’hôpital », ou encore les injustices politiques, Joël AÏVO lâche les coups. Mais il en reçoit aussi beaucoup.

Pressions

En février 2019, suite à la suppression des élections dans les universités publiques du Bénin, le professeur de droit constitutionnel est contraint de quitter son poste au profit d’un remplaçant nommé par le gouvernement. Joël AÏVO en est convaincu, on lui faisait ainsi payer son indépendance d’esprit. Une conviction qui sera renforcée par les nombreux audits qui ont suivi cette éviction, mais qui n’ont abouti à rien. Le blackout médiatique qui lui est imposé dans les grands médias publics comme privés l’ont obligé, ses compagnons et lui à faire preuve d’inventivité pour exister. « Ils nous ont fermé l’accès aux médias. Ils nous ont refusé quelques écrans de Télévision, mais nous prendrons possession des millions de Téléphone y compris leurs propres smartphones », ironise un de ses conseillers en communication. Entre-temps, l’indifférence apparente de la classe politique face au Dialogue Itinérant avait complètement changé. Les pressions de la police républicaine s’étaient multipliées. Début décembre, le chantre de la restauration de la démocratie se vante d’avoir obligé le président de la république « à sortir de son aquarium. » En effet, face à l’offensive de Joël AÏVO sur le terrain avec une foule de plus en plus nombreuse, le Président a dû se résoudre à sortir du Palais pour aller à la rencontre de sa population qui ne l’avait pas revu depuis son élection en 2016. En décembre dernier, l’équipe du constitutionnaliste a même soupçonné l’administration sanitaire d’avoir instrumentalisé le coronavirus contre lui, dans le but de l’empêcher de tenir un grand meeting à Porto-Novo, sa ville natale.

Reconnaissances

À peine sortie de confinement, l’universitaire enchaîne deux sorties qui marqueront les esprits. À Godomey, dans la commune d’Abomey-Calavi, il réussit à fédérer pour la première fois dans une manifestation publique, quelques partis d’opposition. Ce jour à Godomey Joël AÏVO avait autour de lui une délégation de haut niveau de partis politiques dont Les Démocrates quand il lança une virulente diatribe contre la prorogation du mandat du président de la république avant d’appeler toute l’opposition et le peuple béninois à se mobiliser pour « provoquer l’alternance dès l’année prochaine ». Un ténor de la mouvance présidentielle dira en off que le Discours de Godomey était sans doute le discours politique le plus dense qu’il n’a plus entendu au Bénin depuis les années 1990. Le Front pour la Restauration de la Démocratie (FRD) créé dans la foulée à l’initiative, a-t-on appris, du président d’honneur du parti Les Démocrates, achèvera de consacrer le professeur comme une figure incontournable dans l’égrégore politique béninoise. L’investiture de Joël AÏVO, en tant que candidat du FRD était donc très attendue par l’opinion publique. Celui qui a semé, a récolté. Cette candidature a donc naturellement abouti et est arrivé sous-forme d’un duo avec l’ambassadeur Moïse KÉRÉKOU, l’une des étoiles montantes de la politique béninoise, notamment dans le nord, et a de quoi renforcer la pression sur le pouvoir.

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