La Cour constitutionnelle (CC) a désigné par décision EP 21-002 du 04 février 2021, le collège de médecins chargé de déterminer l’état de bien-être physique et mental des candidats à la fonction présidentielle. Et l’on annonce que le président candidat ou le candidat président (c’est selon) passe sa visite médicale. S’il est vrai que les électeurs ne connaissent pas forcément -ou connaissent si peu- ceux au bénéfice de qui ils expriment leurs suffrages, la dissimulation, la manipulation, voire la fausseté dont se rendent auteurs plusieurs compétiteurs ne peuvent s’inviter dans le processus légal de révélation du profil objectif du candidat.
Ce profil, décliné sous l’article 44 de « notre » Constitution, énumère des exigences dont la particularité est qu’elles doivent toutes…toutes être prouvées.
Aucune desdites exigences ne mérite d’être simplement présumée ; car celui qui aspire à ces hautes fonctions et qui va prêter le serment de ne se « laisser guider -que- par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine » (je souligne le « et ») est passé au scanner des conditions de citoyen éligible à cette prestigieuse fonction.
Ainsi donc, par respect pour « notre » Constitution, commençons par ce qui rassemble plus aisément le plus grand nombre, c’est à dire l’objectivité, le bon sens que dégage l’article 44 de « notre » Constitution.
Les conditions énumérées postulent clairement pour :
– d’une part, le profil psycho-physique qui établit le bien-être du candidat. Ce bien-être est le produit intrinsèque, la révélation de son être dans sa dimension autant corporelle qu’immatérielle ;
– d’autre part, le profil moral et citoyen qui laisse, à forte probabilité, penser que la vertu devra chaque fois triompher du vice, pour éviter de lui rendre cet hommage mafieux si puissant et destructeur. Ce profil là est le produit extrinsèque du candidat.
Il n’y a donc aucune raison républicaine de ne pas soumettre à un processus de contrôle objectif, le profil de tout candidat ; et ce, d’autant plus que, appelé à être le Chef de l’Etat, le candidat gardera la haute main sur les services et nous tous dans nos diversités.
Ce qui semble se faire par la Cour constitutionnelle n’obéit point à l’exigence probante qui est dans l’esprit de la Constitution.
Voici pourquoi.
Associer l’ordre des médecins
En désignant le collège de médecins, la CC a, certes prescrit des missions, mais dans le cadre des attentes fixées par « notre » Constitution.
L’attente fondamentale est, pour ce collège, de contrôler après détection, l’état des facultés physiques et psychiques de chacun des candidats ; de conclure après ce contrôle scientifique à un bien-être suffisant pour remplir les missions de président de la République.
Cette désignation qui se fait sans la consultation de l’Ordre National des Médecins pose problème à deux niveaux :
– la mission est éminemment républicaine et nationale et donc, les praticiens désignés devraient l’être avec la reconnaissance de leurs pairs ;
– le gage d’impartialité vient de ce que présélectionnés (par exemple) par leurs pairs sur une liste transmise à la Cour constitutionnelle, ils offrent de n’être pas choisis au regard d’éventuelle appartenance (ou lien) à des chapelles politiques, mais exclusivement pour leur maîtrise de la science et le respect de leur serment.
C’est donc sur la base d’une liste produite par les professionnels eux- mêmes que la Cour constitutionnelle devrait désigner…. L’usage démocratique dans ce type d’exercice est de partir d’une liste dégagée par les professionnels, pour arrêter définitivement l’identité des praticiens qui devrait s’imposer à tous.
Les médecins, réunis au sein de l’Ordre national auprès duquel tous les praticiens sont inscrits, dégage avec la fiabilité attendue de ce type de collège, les « médecins assermentés » qui vont couvrir, ensemble, l’étendue des prospections physiques et psychiques des candidats.
La question réglée de l’impartialité de ce collège rend sauves les conclusions auxquelles elle parvient.
Dans le contexte actuel où la saisine dans sa fonction de régulation qu’est censée assurer par ailleurs la Cour constitutionnelle, se heurte à des décisions d’incompétence sans qu’aucune autre juridiction ne le soit, il paraît évident que le pouvoir Exécutif est le seul à bénéficier de la protection de la Cour.
Tel candidat pourrait en effet, dans le contexte actuel, être écarté, sans possibilité de contre- expertise, pendant que tel autre candidat aurait toutes les faveurs du même collège des médecins, à raison de calculs occultes, d’accointances probables, ou de faciles soumissions… sans égards bien entendu pour la bonne moralité et la grande probité.
Ce sont ces éléments d’appréciation qui me font trouver subjectif, le choix par la CC, des médecins en charge de livrer l’intrinsèque des candidats aux fonctions de président de la République.
Le choix le moins subjectif serait celui que les ordres professionnels dégagent en assemblée générale.
Les preuves de la probité du candidat potentiel
De la même manière que la preuve du « bien être physique et mental » conditionne la recevabilité de la candidature aux fonctions de Président de la République, celle de « bonne moralité et grande probité » est à faire.
Il semble que les usages de la CC prennent pour acquises par les candidats aux fonctions de Président de la République, ces qualités.
Pourtant, l’heure est venue de suivre le formalisme de la preuve à faire.
Car, toutes les exigences constitutionnelles imposées à tout candidat aux fonctions de Président de la République sont autant de filtres pour objectiver le profil du (de la) futur(e) chef de l’Exécutif.
Ces exigences comme conditions de régularité de la candidature, ne peuvent être présumées, quel que soit le candidat.
Et davantage par la Haute Cour qui ne peut, sous le prétexte facile de la relativité des notions de moralité et probité, en dégager le caractère abstrait insusceptible d’être soumis à enquête et preuves.
Les explorations que les médecins du collège ont mission de conduire, leur fait conclure au bien-être de tout candidat.
De même, les « explorations » sociales sont attendues de l’équipe qui aura en charge, la confirmation et l’infirmation de la « bonne moralité et grande probité».
Le soussigné reste sensible à la personnalité des membres de l’équipe qui aura en charge l’enquête de détermination de la « bonne moralité et grande probité » des candidats.
Outre leur indépendance autant personnelle présumée et reconnue qu’organique, il leur faut avoir la compétence d’investigations en dehors des créneaux officiels notamment.
Car, sur le constat que toutes les institutions de la République sont « soumises » par le Pouvoir Exécutif, il n’est pas à exclure qu’à ce niveau encore, des conclusions de l’équipe soient mises en doute.
Le déroulé des investigations pour déterminer :
– la bonne moralité
– la grande probité
sera forcément composé notamment de la vie de famille, de la vie sociale et de la vie professionnelle et leur conformité à l’ordre public ; que celui- ci soit politique, économique, judiciaire et même philanthropique.
On ne peut réduire ces concepts de « bonne moralité et grande probité » à des expressions politiques, qu’il ne faut lire qu’au regard des tâches politiques étatiques avec la compréhension partagée dans le microcosme politique que « l’on ne se fait pas de cadeau en politique ».
C’est par rapport à l’électeur aussi qu’il faut rendre objectif le profil de celui pour qui il exprimera son suffrage.
L’électeur citoyen est membre d’une Nation que le Président protège ; sa probité à l’égard de la Nation sera la manifestation extrinsèque de sa « grande probité ».
A titre d’exemple, l’ordre public politique au Bénin à la date de cet article, c’est :
– « …l’opposition à tout régime fondé sur l’arbitraire… »
– … que droits fondamentaux de l’homme, libertés publiques, dignité de la personne humaine et justice sont protégés et promus comme condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque Béninois.
– « l’attachement aux principes de la Démocratie et des droits de l’Homme tels qu’ils ont été définis par la Charte des Nations Unies de 1945, la DUDH de 1948, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples de 1981 (ratifiée le 20 janvier 1986 par le Bénin)
(extraits du Préambule de « notre » Constitution)
La compétence de la CC pour rechercher les éléments objectifs de chacune des conditions prévues à l’article 44 de la Constitution est totale.
La compétence d’exécution des recherches
se trouve en dehors de la Cour qui ne devrait recourir qu’à des personnes et/ou corps indépendants, habitués à ce genre d’exercice.
L’exécution par l’équipe de son mandat aura l’avantage républicain de passer au crible, la moralité de chacun des candidats et intégrer dans les mœurs ce scanner dont les conclusions publiques ont aussi vocation à plus de rigueur au moment de l’option de se faire candidat.
Ce n’est pas parce que l’exigence de « bonne moralité et grande probité » attendue des membres de la CC a pu ne pas faire l’objet d’une investigation probante, s’agissant des membres de la haute Cour, que le format des investigations doit demeurer pareil, s’agissant des candidats aux fonctions de Président de la République.
Le concept de transparence qui particularise les fonctions publiques autorise que ne soit pas discrète la preuve de « bonne moralité et de grande probité ».
À titre d’exemple, une gouvernance avec « ruse et rage » déclarée est très loin de la « bonne moralité et de la grande probité » attendue des candidats aux fonctions présidentielles.
On aura compris que les présomptions ont besoin d’être prouvées.