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Cancers pédiatriques au Bénin: Dans l’univers des patients au Chud Ouémé-Plateau

Publié le vendredi 26 fevrier 2021  |  La Nation
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© Autre presse par DR
Cancers pédiatriques au Bénin
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Par Maryse ASSOGBADJO,

Des enfants de tous âges se battent contre les cancers pédiatriques au Centre hospitalier universitaire départemental de l’Ouémé-Plateau (Chud-OP). Dans ce centre de santé de référence basé à Porto-Novo, la maladie ronge les victimes en même temps qu’elle assèche les poches de leurs parents. La réalité à l’Unité de cancérologie pédiatrique renseigne sur l’incidence de cette maladie peu connue au Bénin. Mais l’espoir est permis, car le cancer de l’enfant est curable lorsqu’il est détecté assez tôt.

Les rayons du soleil s’annoncent timidement dans un ciel clément en cette fin de matinée du jeudi 18 février 2021 à Porto-Novo. Le stress au niveau du Service de la pédiatrie du Centre hospitalier universitaire départemental de l’Ouémé-Plateau (Chud-OP) contraste avec la beauté de la nature.
Dans les couloirs donnant accès aux salles d’hospitalisation, la consternation est palpable sur les visages des parents qui ont élu domicile dans l’hôpital. L’attention est requise pour ne pas piétiner la foule d’individus entassés le long des allées.
Depuis des jours ou des mois, plusieurs enfants sont hospitalisés dans ce centre de santé de référence à Porto-Novo pour des cas aussi graves qu’émouvants. Les uns pour le cancer de l’œil (rétinoblastome) ou du sang, les autres pour le cancer du rein ou encore l’ostéo-sacome. Chaque cas est un défi pour l’équipe de traitement.
Dans l’une des salles d’hospitalisation, le petit Tundé B., environ sept ans, torse nu, se débat contre l’ennemi du moment, pendant que les doses de perfusion lui sont administrées. Telle une gestante dans les douleurs de l’enfantement, il est couché au sol, le ventre ballonné et scintillant et laissant percevoir ses veines. Des signes qui révèlent l’atrocité du mal dont il est victime. C’est la deuxième fois qu’il séjourne dans cet hôpital après une rechute liée au néphroblastome (cancer du rein). Il vient d’y passer encore une dizaine de jours dans le cadre de ses soins.
« Il avait suivi les soins pendant plus de six mois et s’en était remis. C’est à notre grande surprise qu’il a été réadmis ici. Ses parents ont dû manquer de rigueur dans son suivi », relève Estelle Godjo, infirmière spécialisée en pédiatrie, l’air abattu.
En face de cette salle d’hospitalisation, deux autres cas. Eux aussi présentent un physique très faible sur leur lit d’hospitalisation. Leurs parents s’en remettent apparemment au ciel. Prières et méditations sont leur recours dans une salle d’hospitalisation où la motivation du personnel soignant tente de calmer les lamentations des patients.

Le cancer à tout âge

Selon Gilles Bognon, oncologue pédiatre, le cancer pédiatrique n’est pas une utopie : « Le cancer existe aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant. On peut l’observer chez l’enfant à tout âge. Chez les plus jeunes, les nouveau-nés et les nourrissons, on peut observer les leucémies, les rétinoblastomes, etc. Le cancer peut se développer chez l’enfant au niveau des cellules entrant dans la composition du sang, ou de n’importe quel organe. Les cancers pédiatriques représentent environ 5 à 10 % des cas de cancer au total. »
Les statistiques hospitalières au niveau du Chud-OP renseignent bien sur l’évolution du mal.
« De 2018 à 2019, nous avons enregistré environ soixante cas de cancers pédiatriques », dévoile-t-il. Ces cas ont motivé des sensibilisations dans les centres de santé à Cotonou, Porto-Novo et Parakou par les agents sanitaires. Cette action se révèle au finish l’arme efficace de diagnostic précoce.
« Le nombre de cas a grimpé au lendemain des sensibilisations. Ce qui explique que les gens étaient sous-informés des manifestations de la maladie», déduit-il.
En Afrique francophone subsaharienne, près de quinze mille enfants seraient atteints chaque année d’un cancer. Au Bénin, les chiffres sont mal connus, car le cancer est sous-diagnostiqué et les cas découverts tardivement.
« On avait recours aux médecins d’adultes des services d’hématologie pour la prise en charge des enfants atteints de cancer avec des résultats peu satisfaisants. Certains enfants étaient envoyés à Lomé au Togo dans le service d’oncologie pédiatrique mis en place avec l’aide du Groupe Franco-Africain d’Oncologie Pédiatrique. Cette prise en charge hors du Bénin posait de sérieux problèmes aux parents », explique-t-il.
Plus qu’une simple affection, les cancers pédiatriques sont devenus une préoccupation mondiale au point où la communauté internationale a décrèté 15 février comme Journée internationale du cancer des enfants. Lancée « en 2001 par le réseau d’associations Childhood Cancer International, cette journée a pour objectif de sensibiliser au cancer des enfants et des adolescents, une cause encore méconnue ».
Chez l’enfant, cette pathologie affiche certaines spécificités qui nécessitent de bons réflexes chez les parents. « La particularité chez l’enfant, c’est que ces cancers sont considérés comme des cellules immatures, si bien que la maladie évolue très vite, l’enfant lui-même étant un être en pleine croissance », fait remarquer Gilles Bognon.
Toutefois, le diagnostic précoce permet de minimiser les risques. « De la même manière que ces cancers évoluent, ils régressent aussi rapidement lorsqu’on met en place le traitement adéquat. La plupart des cas peuvent connaître une rémission. C’est le cas du cancer de l’œil qui peut être guéri à 100 % lorsqu’il est détecté tôt chez l’enfant. Idem pour les lymphomes quand on les détecte tôt », rassure l’oncologue pédiatre.
Dans le cas contraire, les dégâts sont importants. « Lorsqu’on arrive à les diagnostiquer précocement, la prise en charge sera bien assurée. Dans le cas contraire, il devient difficile et le pronostic vital de l’enfant est engagé », avertit-il.
Il est à cette étape souvent mortel et est vécu par les parents comme une maladie mystérieuse et incurable, au-dessus de toute ressource thérapeutique.


Selon Gilles Bognon, les manifestations de la maladie s’observent à travers certaines affections que beaucoup ignorent souvent. « Lorsque les enfants sont anémiés, nous avons souvent tendance à penser aux infections, au paludisme et à leur faire subir parfois une transfusion sanguine. Les transfusions répétées peuvent orienter vers un cancer. De la même manière, on peut détecter le cancer chez un enfant qui saigne tout le temps par les narines, qui urine du sang, qui saigne abondamment après une petite piqûre. Idem pour un enfant qui fait de la fièvre à répétition ou qui est malnutri », précise-t-il.
La survenue anarchique et en grand nombre des ganglions au niveau du cou, des aisselles peut engendrer les leucémies ou les lymphomes. « Lorsqu’on constate une augmentation du volume d’une cellule à un endroit quelconque, on doit suspecter le cancer », conseille-t-il.
Les signes du cancer pédiatrique sont identifiables par les bons réflexes de la part des parents.
« Les signes localisés au niveau de l’œil permettent de diagnostiquer le rétinoblastome chez les enfants. Les parents peuvent le détecter ou le suspecter eux-mêmes en regardant l’œil de leur enfant. On peut détecter dans le noir de l’œil une petite tache blanche. Cette petite tache que certains pourraient confondre avec la cataracte peut être le début du rétinoblastome. Parfois, cette tache est si petite qu’elle est seulement visible à partir d’une photographie. Le scintillement au fond de l’œil oriente à partir de cet instant », développe-t-il.
Si la plupart des parents semblent être sous le choc en raison de l’état de santé de leurs enfants, le coût induit par le traitement est un autre supplice pour eux. Le cancer pédiatrique ronge les victimes et assèche les poches des parents. « Le traitement d’un enfant de 15 kg atteint de la leucémie aiguë se fera sur deux ans et coûtera environ dix-sept millions six cent mille Fcfa », dévoile le médecin.
Dans ce combat difficile contre cette maladie ravageuse, dans les rayons de l’Unité pédiatrique du Chud-OP, l’assistance des bienfaiteurs est une bouffée d’oxygène.
« Le Bénin a trouvé quelques mécènes pour l’aider à prendre en charge le cancer et à offrir aux parents la facilité de faire adhérer leurs enfants aux soins. L’Alliance mondiale contre le cancer l’appuie dans la prise en charge du cancer de l’œil. Le groupe franco-africain d’Oncologie-pédiatrique (Gfaop) l’appuie en médicaments pour les cinq cancers les plus fréquents chez l’enfant », révèle Gilles Bognon.
Pour l’heure, les recherches scientifiques ne sont pas muettes sur le sujet. Mais l’horizon tarde à être dégagé pour les patients. « Le diagnostic du cancer n’est pas toujours facile. Une chose est d’avoir des signes qui orientent, l’autre est de les confirmer. La plupart des analyses qui permettent de les confirmer se font chez nous. Dans d’autres cas, on envoie des prélèvements à l’extérieur où les résultats nous sont envoyés plus tôt en vue du démarrage du traitement », poursuit-il.
A ceux qui dramatisent la maladie, l’oncologue pédiatre tente de lever l’équivoque : «Le cancer de l’enfant n’est pas synonyme de mort. Lorsqu’on fait le diagnostic à temps, la prise en charge se passe bien. Cette prise en charge n’est pas l’œuvre d’une seule personne. C’est toute une équipe qui est constituée avec à sa tête un responsable ».
Estelle Godjo, infirmière spécialisée en pédiatrie, mise sur les séances de sensibilisation et d’information pour asseoir une lutte efficace contre ce mal ravageur.
Les parents sont appelés à maintenir la veille devant les signes suspects de cancer afin de sauver les enfants. L’engagement de la Fondation Claudine Talon de contribuer au développement de la prise en charge du cancer de l’enfant au Bénin revêt sans doute un intérêt indéniable pour la survie des victimes.


Dr Gilles Bognon sur le cancer de l’enfant: «Plus de 80% des cas sont diagnostiqués tardivement …»

La Nation : Le cancer est une pathologie connue de la grande masse. Mais peu de gens sont informés du cancer pédiatrique. De quoi s’agit-il ?

Gilles Bognon : Le cancer est une maladie chronique qui se manifeste par le fait que certaines cellules de l’organisme qui dépendent d’un organe quelconque se mettent à se multiplier de manière anarchique. Par exemple, les cellules constituant l’os du tibia peuvent se mettre à se multiplier. Il y aura une augmentation de volume au niveau de la partie où la multiplication a commencé. C’est pareil pour l’œil. La rétine étant dans l’œil, il y aura une augmentation du volume de la rétine, ce qui peut provoquer la destruction de l’œil.
On peut classer en deux grands ensembles les cancers les plus fréquents chez l’enfant: les cancers hémopathies malignes (développés aux dépens d’une cellule du sang). Ils sont représentés par les leucémies et les lymphomes. Et les autres cancers appelés les tumeurs solides. Quand ça se développe chez l’enfant au niveau de la rétine, on l’appelle rétinoblastome. Au niveau du foie, on parlera d’hépatoblastome, de l’ostéo-sacome au niveau de l’os et au niveau du rein, néphroblastome. Lorsqu’on constate une augmentation du volume d’une cellule à un endroit quelconque, on doit suspecter le cancer.
Certains parents assimilent la maladie à des causes spirituelles. Ils vont faire des traitements chez les tradi-thérapeutes dans des centres non-adéquats. D’autres sont limités par les moyens au point où ils se rétractent après le diagnostic. Ces pratiques retardent le diagnostic précoce alors que notre objectif est de tout faire pour que le cancer soit détecté précocement.
Le diagnostic n’est pas toujours fait facilement chez nous parce qu’avant de venir vers nous, les parents prennent par plusieurs centres de santé avec les enfants, épuisent leurs ressources et lorsqu’il s’agit de démarrer le traitement, ils n’ont plus de moyens. C’est pour cette raison que nous faisons des efforts en faveur du diagnostic précoce.

Dénombre-t-on les mêmes types de cancer aussi bien chez les adultes que chez les enfants ?

Les cancers les plus fréquents chez l’enfant sont les rétinoblastomes, les ostéoblastomes, les nymphrosblastomes, chez les sujets jeunes jusqu’à 5 ans. Les enfants plus grands développent également le cancer.
Les cancers de l’enfant sont classés en deux grands groupes: les hémopathies malignes et les tumeurs solides. Les moyens diagnostiques diffèrent selon le groupe auquel appartient le cancer et le diagnostic initial tient compte d’emblée de l’extension de la tumeur.
Le diagnostic des hémopathies malignes (leucémies et lymphomes) se base sur les arguments cliniques mais surtout sur divers examens biologiques à savoir la numération de la formule sanguine, le myélogramme (avec étude morphologique et cytochimique), l’immuno-phénotypage, la cytogénétique, la biologie moléculaire, la biopsie ostéo-medullaire, la biopsie ganglionnaire (avec étude cytopathologique ou histopathologique). Dans le but du diagnostic d’extension, l’imagerie est utile (radiographie standard, échographie, scanner, Irm).
Le diagnostic des tumeurs solides fréquentes se base sur l’imagerie, les examens anatomopathologiques et la plupart des examens biologiques cités plus haut.
Le niveau socioéconomique de la population ne permet pas de prendre en charge le bilan diagnostic et plus de 80 % des enfants sont vus tardivement, à un stade de complications. Ce constat a motivé une sensibilisation sur le diagnostic précoce et la sollicitation des organismes caritatifs pour un soutien au diagnostic.

Quelles sont les causes de cette maladie chez l’enfant ?

Des agents infectieux peuvent être à l’origine des cancers. Des causes ont été évoquées pour expliquer la survenue des cancers sans toutefois être confirmées partout. Certains virus peuvent être à l’origine des lymphomes comme celui de l’hépatite ou du Vih. Celui de l’hépatite B peut être à l’origine du cancer du foie. Un enfant malnutri qui a son foie totalement atteint peut développer un cancer.
De la même manière, l’exposition à certains facteurs cancérigènes tels que les hydrocarbures peuvent en être également la cause. Il n’est pas rare d’observer chez nous des mères qui se livrent à la vente de l’essence frelatée avec des nourrissons au dos. Ces bébés inhalent malheureusement l’odeur de l’essence pendant trois, quatre ou cinq ans selon les cas avant de commencer l’école. Ce sont des facteurs qui aggravent le cancer.
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