(L’agro-industrie, un défi presque entier en Afrique)
Malgré ses nombreux atouts, l’Afrique peine toujours à décoller pour son développement. Le continent se contente d’être le meilleur producteur de matières premières de toute sorte presque, et continue d’importer tout. Chronique d’un paradoxe.
Bidossessi WANOU
« 3% des africains n’ont pas à manger alors que le continent possède les 65% des terres arables non cultivées au monde ». Reconnu pour ses nombreux records en production de coton, le Mali reste à ce jour, un pays importateur de vêtements notamment, de friperie comme le Bénin, un autre ténor de la production cotonnière en Afrique de l’Ouest avec des records successifs depuis 2018. Il en est de même du riz et autres vivres notamment, les produits maraichers qu’importe à ce jour, le Bénin respectivement de l’Inde et des pays voisins en dépit de la riche vallée de l’Ouémé, la deuxième après le Nil dont dispose ce pays du Golf. L’Afrique à ce jour, dispose d’importants atouts mais continue par battre le record de pauvreté et de malnutrition dans le monde. Alors que le continent a tout pour une autosuffisance, il reste manquer de tout et presque tout également. Selon le Centre de droit commercial pour l’Afrique australe, plus de 80% de nourriture importée en Afrique proviennent de l’extérieur du continent alors qu’elle-même ne représenterait qu’autour de 5% du commerce mondial avec un poids démographique de plus en plus croissant. Ancien ministre sénégalais, Papa Abdoulaye Seck confiait en septembre 2018 : « L’Afrique qui représente 10% de la population mondiale absorbe environ 30 % des importations mondiales du riz ». A en croire le Fonds alimentaire mondial (FAO), l’Afrique a investi 65,8 milliards de dollars pour acheter des produits alimentaires de base (céréale, huile végétale, viande, sucre…)et depuis lors, le budget ne cesse de croitre à ce chapitre. A propos, « les importations agricoles et alimentaires, s’élèvent à 80 milliards de dollars/ an », a témoigné Jean Sènahoun, économiste à la FAO qui a poursuivi : « Le blé, l’huile de tournesol, les produits laitiers nous viennent de l’Europe; le riz, l’huile de palme de l’Asie et enfin, le maïs, volaille et bœuf, d’Amérique latine ».
Démographie ascendante, productivité toujours faible
L’Afrique reste un marché extraverti parce que le continent ne parvient toujours pas à répondre aux divers besoins de la population.« Le niveau de production en Afrique n’est pas suffisant pour satisfaire la demande qui provient des facteurs telles que la démographie qui augmente, l’urbanisation », a avancé, en effet, l’économiste à la FAO pour justifier la situation. Mieux, les différentes politiques des Etats du continent semblent d’emblée s’écarter de cet objectif. « Il y a eu pendant longtemps, des politiques agricoles et alimentaires inappropriées qui ont beaucoup facilité la hausse des importations et ces importations concurrencent les produits locaux et réduisent les incitations à investir dans l’augmentation de la production alimentaire », a martelé Jean Sènahou. Plutôt que développer ses potentialités en élargissant les horizons, l’Afrique a opté pour la passivité. Et pourtant, le continent dispose d’une forte main d’œuvre à moindre coût. En 2050, l’Afrique concentrera le tiers de la population mondiale, selon les rapports sur la démographie des Nations Unies et des institutions de Bretton Woods. C’est dire que le marché africain ne cesse de s’agrandir avec des besoins croissants mais le continent agit de sorte à ne pas s’en servir mais s’asservit. Selon Harold Roy-Maculey, Directeur général de AfricaRice, L’Egypte est le seul pays d’Afrique qui est autosuffisant suivi de Madagascar, une autosuffisance qui oscille entre 70 et 75% et de la Côte-d’Ivoire ; 50% pour ce qui est de la production du riz.
L’illusion du marché
S’il est vrai que l’Afrique adopte une politique qui lui fait éviter les coûts de production en livrant brut la grande partie ou la quasi-totalité des matières premières produites, l’importation lui revient bien plus chère. C’est du moins l’avis d’Adam Prakash, Economiste à la division du commerce et des marchés à la FAO qui explicite : « quand on parle de la facture des importations, ce n’est pas uniquement le prix du produit. Il faut y intégrer les coûts du fret, ceux-ci ont connu des hausses importantes ces dernières années, surtout en 2017. La fluctuation du dollar peut également avoir un effet sur l’ardoise ». Sachant que l’éthique et la transparence se présentent également comme de gros défis du système commercial africain, les fléaux de corruption au cordon douanier et le long des corridors se présentent dans la balance comme des situations aggravantes. Cet état de chose se dit « maquiller une fuite de capitaux » en un paiement au titre d’une opération commerciale et consiste pour un importateur à majorer la valeur déclarée de ses importations et à placer sur un compte à l’étranger, la somme payée en sus de la valeur réelle de ses importations, ont clarifié les professionnels de l’économie. Si cette situation n’est pas propre à l’Afrique, les autres continents, arrivent quand même à créer des industries de production et de transformation, ce qui n’est pas le cas en Afrique dont la dépendance vis-à-vis des autres ne cesse de grandir. C’est d’emblée une fuite maquillée de capitaux qui maintient le continent dans la pauvreté avec des taux qui se dégradent d’année en année malgré la croissance de l’aide au développement. Pour 700.000 tonnes de production cotonnière en 2018, le Mali n’aurait transformé que 2%, et le Bénin, n’aurait pas mieux fait. Il n’y a, à ce jour, que le Burkina Faso qui, fait un certain effort mais toujours est-il que les capacités de transformation restent faible, ce qui ne présage pas d’une meilleure perspective sinon pratiquement rien que la dépendance du continent. La même situation s’observe dans le domaine de la production animale où, en dépit de la taille du cheptel africain, elle continue par importer la viande. Car, on n’arrive pas Ad2velopper une politique de transformation qu’il faut, selon l’économiste à la FAO, Jean Sènahou. Selon lui, Il faut être sur tous les fronts, il faut accroître la productivité, il faut accroître la diversification alimentaire avec le soutien adéquat aux petits producteurs, le financement des chaines de valeur de l’agro-industrie et des agro entrepreneurs, le développement des pistes rurales et des infrastructures de marché et c’est là le vaste chantier qui attend les dirigeants des différents Etats du continent. L’Afrique a donc du chemin. Il faudra donc espérer que la Zone de libre-échange continentale africaine ZLECAf, soit l’espoir et vienne marquer la genèse d’une nouvelle ère.