(Face à la tension, il a su dignement attirer l’attention de Macky Sall)
Très souvent, les médias ne marquent pas un arrêt important sur certains acteurs du milieu politique pour célébrer les valeurs qu’ils ont laissé transparaître dans tel ou tel acte qu’ils ont posé admirablement. Tellement la politique est perçue comme un milieu pourri fait d’hypocrisie, de mensonge, de méchanceté, d’intérêts égoïstes, de partisans et courtisans zélés, bref un espace de promotion de contre-valeurs. Et pourtant tout n’est foutu. Il y en a qui ont la tête sur les épaules. Retour sur un cas, celui de Alioune Badara Cissé, Médiateur de la République du Sénégal, qui est passé comme un éclair dans l’actualité, il y a quelques jours.
Tout est parti du 3 mars avec l’arrestation dans les rues de Dakar du principal opposant politique. Ousmane Sonko est pris pour « trouble à l’ordre public » et « participation à une manifestation non autorisée » alors qu’il devrait répondre à la justice de l’accusation de viol et de menaces de mort. Ce qu’il continue d’ailleurs de rejeter en parlant d’un complot visant à l’écarter du jeu politique. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Dans les rues de Dakar, c’était trois jours de manifestations et de heurts entre populations (plusieurs centaines de jeunes) et forces de l’ordre avec à la clé de saccages, de pillages et quatre ou cinq morts enregistrés dans ce pays de 16 millions d’habitants considéré comme l’un des plus stables politiquement de la sous-région ouest africaine. Dans la foulée, au soir du 5 mars, le ministre de l’intérieur, Antoine Félix Diome fait une sortie médiatique en expliquant que l’affaire Ousmane Sonko/ Adji Sarr est un « contentieux judiciaire qui implique deux citoyens sénégalais ». Aussi, a-t-il déclaré « regretter et condamner des actes de nature terroriste », parlant des dégâts et désagréments causés dans plusieurs secteurs par ce soulèvement de la population. Au ministre de l’intérieur de menacer en faisant savoir que toutes les personnes auteurs d’actes criminels seront traduites en justice. Cette déclaration peut être assimilée à de l’huile jetée sur le feu. Elle n’a pas réussi en tout cas à intimider ou calmer les ardeurs. Les réseaux sociaux s’enflamment, les Sénégalais ont continué par s’indigner. Ils sont allés même jusqu’à demander au président de la République qui s’est mué dans un silence pesant, de se prononcer.
La réaction osée mais sage…
Alors que dans la matinée du lundi 8 mars l’opposant politique en garde à vue allait être présenté au juge avec les risques d’escalade de violences, le dimanche 7 mars 2021, Alioune Badara Cissé, Médiateur de la République du Sénégal lance publiquement un appel à écouter la jeunesse sénégalaise. C’était à la faveur d’une déclaration de presse fortement appréciée. A y voir, il n’a pas été tendre avec le pouvoir notamment le chef de l’Etat, Macky Sall. Il s’est totalement démarqué en prouvant son statut de personnalité indépendante tout en se rangeant, dans sa prise de position, du côté du peuple manifestant. Il a certainement lu la situation et a décidé d’alerter au plus tôt sur le danger que courait le pays. Bien qu’étant un ami, un soutien de Macky Sall, il a osé lui dire, sans ménagement, la vérité. C’est de l’audace tout simplement. Surtout dans un contexte politique africain ou ce genre d’acte est rare voie rarissime. Et dire que cette année 2021, le mandat de six ans non renouvelable de cet Avocat de profession finit à la Médiature. Il aurait pu être dans des calculs politiciens visant l’intérêt égoïste qu’il n’allait jamais adopter cette posture. Alioune Badara Cissé alias « ABC » a plutôt privilégié l’intérêt supérieur de la Nation. Cela s’appelle du patriotisme. L’ancien ministre des Affaires étrangères n’est pas de l’écurie de certains collaborateurs du chef de l’Etat et de présidents d’institution qui bien que voyant les voyants à l’orange ou au rouge emballent le patron dans un jusqu’auboutisme, et salut le chaos. Pourvu qu’eux leurs intérêts particuliers soient sauvegardés. Si le chef peut même y laisser sa peau, quel ne serait pas leur bonheur puisqu’eux sont champions dans les retournements de veste. C’est fort de tout cela que votre journal, Matin Libre, a fait l’option de s’attarder sur ce digne fils sénégalais pour son acte de bravoure, qui a contribué d’une manière ou d’une autre à la décrispation de l’atmosphère très tendue au Sénégal, du 3 au 7 mars. En effet, à la suite du Médiateur de la République, le président Sall a fait une apparition à la télévision le lendemain lundi, dans la soirée, pour appeler ses concitoyens au « calme et à la sérénité ». « Tous, ensemble, taisons nos rancœurs et évitons la logique de l’affrontement qui mène au pire », a laissé entendre le numéro 1 sénégalais qui s’est par ailleurs s’est engagé à procéder à un « allègement » du couvre-feu en vigueur dans le pays et qui « asphyxie » économiquement la population.