Le Bénin a enregistré depuis le mercredi 03 mars 2021 une nouvelle arrestation dans le rang de l’opposition au régime du président Patrice Talon. En effet, il est de notoriété que depuis le 06 avril 2016, c’est difficile d’entendre une voix discordante résonner longtemps en République du Bénin. Si elle n’est pas poussée à l’exil, alors, elle est arrêtée, jugée et condamnée par une juridiction d’exception. Les cas sont légions.
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Le dernier cas en date porte sur Reckya Madougou, candidate à l’élection présidentielle de 2021 et désignée par le plus grand parti de l’opposition, le parti Les Démocrates de l’ex président de la République Boni Yayi.
Ministre de la microfinance et de l’emploi des jeunes puis garde des sceaux du Bénin entre 2008 et 2013, Reckya Madougou est connue tant au Bénin qu’en Afrique et dans le monde pour ses combats citoyens notamment celui dont elle a été à la tête entre 2005 et 2006 contre le projet de révision de la Constitution du 11 décembre 1990. Elle est par ailleurs sollicitée par plusieurs organisations internationales et des gouvernements qu’elle conseille et accompagne dans la mise en place d’outils et de dispositifs de lutte contre la pauvreté par l’inclusion financière et l’économie sociale. C’est le cas du Togo où elle a fini conseillère spéciale du Président de la République.
Placée sous mandat de dépôt par la juridiction spéciale créée dans son pays le Bénin et dénommée Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) dans une affaire présumée de financement du terrorisme, puis gardée ‘’en violation de ses droits au regard des conditions chaque jour un peu plus corsées de sa détention’’, selon les propos de ses avocats et du président de Gerddes-Afrique, Reckya Madougou clame son innocence. Retour sur les faits :
Trois personnes sont interpelées dans la ville de Parakou, ville natale de Reckya Madougou, située à quelques 400 km de Cotonou, au nord-est du Bénin ;
A leur suite, le mercredi 03 mars 2021, Reckya Madougou est arrêtée, en sortant d’un meeting des forces de l’opposition ;
Des personnes, l’un du nom de Georges Sacca est connu de Reckya Madougou notamment parce qu’il est membre des instances du parti Les Démocrates dont elle est la candidate désignée pour l’élection présidentielle ;
L’autre, un colonel de gendarmerie à la retraite aurait, selon, le procureur, été approché par Georges Sacca pur exécuter une mission d’élimination physique de personnalités politiques, sur ordre de Reckya Madougou ;
Or, la vérité est qu’à la proposition de Georges Sacca de mener des activités de mobilisation politique des militants du parti à la base dans son ressort territorial, Reckya Madougou accède et met à disposition la somme de quinze millions (15.000.000) de francs CFA ;
Devant la police judiciaire, Reckya Madougou et Georges Sacca, sans possibilité de concertation préalable, donnent le même récit de la dotation des quinze millions (15.000.000) de francs CFA ;
Georges Sacca déclare n’avoir jamais commandé une telle funeste mission au colonel à la retraite qui, plutôt lui a mis la pression afin de lui obtenir une aide financière chez Reckya Madougou ;
Pour mettre un terme à ses appels et rappels incessants, Georges Sacca, de sa propre initiative apporte une aide financière d’un montant d’un million (1.000.000) de francs CFA au colonel à la retraite ;
Il faut rappeler que le processus de constitution du dossier de candidature de Reckya Madougou avait donné lieu à des contacts entre elle et un groupe de députés du pouvoir dont le nommé Rachidi Gbadamassi qui lui avaient fait l’offre de mobiliser 27 parrainages ;
Dans le débat qui a suivi la non validation de sa candidature par la commission électorale nationale autonome (CENA) pour défaut de parrainages, le député Rachidi Gbadamassi avait dans une conférence de presse, retourné la situation de ses échanges entre Reckya Madougou et lui dans le sens d’une mission de déstabilisation du pays qu’elle aurait tenté de lui confier ;
Les déclarations du colonel à la retraite devant la police judiciaire s’apparentent beaucoup à un effort de faire établir ces fausses affirmations du député ;
Or, il est connu de tous les milieux dans la ville de Parakou que le député Rachidi Gbadamassi et ce colonel à la retraite sont très proches.
C’est ainsi que depuis le 05 mars 2021, elle est placée sous mandat de dépôt par le Juge de la Détention et des Libertés de la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (Criet). Dès lors, elle subit, selon ses avocats, toutes sortes de violations de ses droits les plus élémentaires en tant que détenue civile. Ils notent :
Des conditions de visite restreintes, quasiment nulles. Elle a vu ses jours de visite réduite de 5 à 3 par semaine
Impossibilité pour ses conseils de s’entretenir avec elle dans la confidentialité et le secret de la défense
Une torture morale infligée par un personnel pénitencier qui lui oppose pression psychologique et physique
Refus de son droit à une alimentation saine et équilibrée.
Interdiction pour elle de rentrer en contact avec ses proches, sa famille et dont ses enfants encore à l’âge mineur
Ces conditions infligées sont spécifiques à la détention de l’ancienne Ministre. En violation aussi bien des droits de l’homme et tout prisonnier civil. Les organisations ou les organismes des droits de l’homme ainsi que les représentations diplomatiques au Bénin suivent de près cette actualité préoccupante. Le Bénin enregistre depuis l’avènement du président Patrice Talon, un recul de son expérience démocratique à travers notamment la répression des voix discordantes, la prise de lois encadrant l’exclusion de l’opposition des processus électoraux. C’était le cas en avril 2019 pour les élections législatives ayant conduit à la composition du parlement actuel dans lequel ne siègent que des députés provenant des seuls deux partis politiques du président de la République.