Après son audience avec le Chef de l’Etat, le Colonel Pascal Tawès, clarifie sa démarche. Dans une interview accordée hier à Frisson Radio, l’officier supérieur est revenu sur les raisons qui l’ont motivé à rencontrer Patrice Talon lui qui, il y a encore quelques mois, était soupçonné de préparer un coup d’Etat contre Patrice Talon.
Frisson Radio : Colonel, tout le monde est surpris de votre audience avec le président de la République. Comment avez-vous obtenu ce rendez-vous et quand avez-vous décidé de le rencontrer ?
Pascal Tawès : J’ai envoyé une demande écrite et j’ai eu l’honneur d’être reçu comme tout le monde. Je pense que le Président est disposé à recevoir ses compatriotes.
Tout ce que vous avez dit récemment sur le Président Talon comme « un commerçant qui gouverne uniquement pour ses intérêts » et qu’il est là pour se servir lui-même… avez-vous retiré tous ces propos ? Monsieur Talon est maintenant fréquentable ?
Vous savez, j’ai un problème administratif avec l’Etat béninois. J’ai été envoyé aux Etats-Unis comme attaché de défense avec un visa d’un an renouvelable. Cela veut dire que l’ancien régime politique m’a envoyé aux Etats-Unis sur la base de préjugés. Tel que c’était fait, ce n’était pas bien. Donc si j’ai eu à parler d’une manière ou d’une autre et il y a une montée de ton, c’est juste pour que l’Etat puisse intervenir pour un règlement diligent de mon dossier administratif. Lorsque le Président m’a fait l’honneur de me recevoir, j’ai saisi l’occasion pour lui présenter mes excuses et il a accepté mes excuses. Je considère tout ce qui a été dit et que vous avez entendu à gauche et à droite, comme du passé.
Donc ce que vous disiez, vous ne le pensiez pas à l’époque?
Ce que je disais, c’était des propos tenus du dehors et c’est le terrain qui commande. Je me rends compte que ces propos ne m’étaient pas adaptés.
Vos propos, non seulement ils étaient violents mais dépassent même parfois l’outrage. On peut même les qualifiés d’appels à la sédition. Vous êtes un officier.
Ça, c’est votre point de vue. Je crois qu’au niveau du Président, j’ai rencontré un responsable d’un niveau suffisant de compréhension. Il n’a pas considéré cela comme une faute grave et vous savez qu’au niveau du président lui-même, tout ce qui s’est passé aussi bien à l’intérieur qu’en dehors du territoire, il a considéré tout ce qui a été dit comme une montée de ton. Il m’a compris. Il n’y a pas la moindre pour cela.
Beaucoup pensent que depuis votre cachette, vous êtes devenu quelqu’un qui était coincé et qui avait des difficultés. Le Colonel Tawès avait le dos au mur et il est venu négocier pour rentrer tranquillement au Bénin.
Ça, c’est la liberté des pensées. Les compatriotes et les amis ont le droit de réfléchir autrement. Moi, par déformation professionnels, j’ai le reflexe flexible de soumission à l’autorité établi. Je suis rentré chez moi, j’ai présenté mes excuses et mes respects et considération au Président de la République. Ce n’est pas parce que j’ai le dos au mur. J’ai fait mon devoir de citoyen, je suis tranquille chez moi, j’ai reçu des directives pour gérer le quotidien dans l’amitié et dans la paix avec tout le monde.
Vous avez négocié, on apprend que vous avez été aidé par le cabinet militaire du Président.
Non, ce n’est pas une aide, ce n’est pas une assistance. De toutes les façons le Président Patrice Talon est le Chef suprême des armées et ma demande est passée par le cabinet militaire. C’est un passage obligé, il n’y a rien à négocier. Tout le monde peut faire comme moi, civile comme militaire.
Ce n’était pas un appel au secours ?
Non ! C’est beaucoup plus une démarche citoyenne.
Les anti-Talon estiment que vous les avez lâchés
Je n’aime pas qu’on utilise mon nom à des fins difficiles à comprendre. Je n’ai pas de contrat de travail ni avec l’opposition ni avec la mouvance. Le Bénin est trop petit pour qu’on se parle de manière discourtoise. Il s’agit de régler les petits problèmes entre nous par le contact et le respect réciproque. Et ceux qui en font une exploitation tendancieuse, je ne leur en veux pas.
Trop vieux, vous aspirez à une retraite paisible, c’est ce que vous êtes venu négocier ?
Pas négocier, mais souhaiter que l’Etat prenne ses responsabilités et j’ai reçu des directives nécessaires pour que l’Etat intervienne afin que je récupère ma famille. Je ne suis pas suffisamment vieux par rapport à d’autres. Je suis disposé à aller cultiver.
Colonel, où étiez-vous ces dernières années et d’où parliez-vous ?
Moi j’étais sur le terrain.
C’est-à-dire ?
Le terrain, c’est le terrain.
Pas au Bénin ?
Ma mobilité est dans le pays et dans la sous-région. Vous savez qu’au niveau de la CEDEAO, il y a la liberté d’aller et de venir.
Vous aviez-peur ou vous pensez que vous étiez recherché ?
Il y a des mesures conservatoires qui n’ont rien à voir avec la recherche.
Vous avez décidé de prendre des mesures conservatoires, c’est-à-dire de vous protéger. Est-ce cela ?
Oui. C’est-à-dire me méfier des malfrats et de ceux qui cherchent à nuire à autrui de manière criminelle.
Ce n’est pas plutôt pour votre attitude ?
Non !
Il y a eu récemment des affaires d’atteinte à la sureté de l’Etat. Le président a parlé d’acte de déviance. Certaines personnes vous ont soupçonné d’être mêlé à ces affaires. Qu’est-ce que vous répondez aujourd’hui ?
Je ne suis pas concerné.
Il y a eu des gens qui ont été arrêtés et que vous connaissez…
Je suis là pour aborder les questions de détail avec la tête froide.
Donc vous n’êtes pas mêlé à des affaires de coup d’Etat manqué? L’idée n’a même pas germé dans votre tête ?
D’abord le pays n’a jamais connu un coup d’Etat en dehors de celui du 26 octobre. Le Président Kérékou avait dit qu’après le 26 octobre il n’y aura plus jamais de coup d’Etat au Bénin. Et le Président Patrice Talon a aussi témoigné qu’il y a eu des actes d’incivismes. Donc ceux qui parlent de coup d’Etat n’engagent que leur propre responsabilité dans cette d’affaire.
Et pourquoi on vous citerait ?
C’est le droit de n’importe qui de chercher à dire ce qu’il veut. C’est le fait qui accuse. Je n’en veux pas à ceux qui me citent si cela peut les aider, tant mieux.
Parce qu’on dit que vous êtes un officier qui a du mal à s’accommoder avec la démocratie, votre mutinerie au camp Kaba de Natitingou sous le Président Soglo…
Ce qui s’est passé au camp Kaba, c’était une démarche administrative. Avant de prendre le camp, les autorités paramilitaires étaient informées par des messages. Tout le tapage qui a été fait autour de cette histoire, on doit en faire table rase. De toutes les façons, tout le monde vit et on peut ensemble aller saluer et présenter nos respects à l’ancien Président Soglo. C’est beaucoup plus un montage politique qui ne s’explique pas. Je n’en veux à personne. Evitons de nous diaboliser, allons ensemble, vivons ensemble, parlons-nous les uns les autres et soyons en paix.
Vous voulez rendre compte de ça ?
Il n’y a aucun compte-rendu à faire. Nous devons nous pardonner les uns et les autres. Moi j’ai déjà tout pardonné et je n’ai pas besoin du pardon de quelqu’un. De toutes les façons s’il y a des détails, je suis disposé à recevoir des visiteurs au village.
Vous n’avez aucun regret sur ce que vous avez fait au camp Kaba de Natitingou ?
Non ! On a pris une unité après avoir informé les chefs-militaires. Ceux qui se sont agités, c’est eux qui doivent le regretter. Je suis fier d’avoir fait cela. C’était en fait une démarche dissuasive pour appeler les autorités à être regardant envers l’institution militaire. C’est tout.
Vous parlez des réconciliations. Donc après votre audience avec le Président, c’est désormais le silence ?
Non. Je suis actif sur le terrain humanitaire et je souhaite le faire aussi longtemps que je pourrai vivre.
Vous êtes un opposant à monsieur Talon ?
Non. Je ne suis pas opposant au Président Talon. Il a été élu donc être opposant à un élu, c’est être opposant à la nation. Moi je ne suis pas qualifié pour donner mon point de vue sur ce genre d’affaire. Je respecte l’autorité établie.
Vous n’êtes pas un opposant, donc vous êtes un soutien de Monsieur Talon ?
L’autorité établie ! Aujourd’hui c’est le Président Talon et demain, n’importe qui, qui sera là aura besoin du soutien, du service et en particulier de l’armée. Donc pour avoir été soldat de la République, je suis plus disposé à servir l’Etat et toutes les autorités établies, depuis le Président jusqu’au chef de village.
Qu’avez-vous obtenu après cette audience ?
Le Président de la République m’a donné des conseils, des directives nécessaires pour attendre le règlement diligent de mon dossier. Et des directives ont été données aux structures qualifiées pour que cette affaire soit réglée en procédure d’urgence.
Est-ce que vous voulez spécifiquement que l’Etat vous donne de l’argent pour rapatrier votre famille ? L’Etat vous doit de l’argent ?
C’est beaucoup plus une affaire classique. Les autres attachés de défenses ont replié et je suis le dernier. Ce n’est pas une plainte pour demander des sous mais c’est une démarche purement administrative.
Vous vivez de quoi aujourd’hui ?
De ma pension. Et je suis en train de renforcer mon ONG Tata International.