Suite à un recours, la Cour constitutionnelle, par une décision en date du 11 mars 2021, enjoint la Céna de tenir compte, dans le calcul du taux de participation à la présidentielle du 11 avril, de l’absence de 564 674 personnes qui seraient déjà décédées, selon l’Insae, mais qui figurent encore sur la Liste électorale. Surprenante décision quand on sait que le taux de participation a été un enjeu majeur lors des Législatives et communales.
Législatives de 2019, seuls les partis Union progressiste (Up) et Bloc républicain, créés conformément aux nouvelles lois électorales et se réclamant du chef de l’Etat, ont pris part à l’élection. L’opposition exclue, le taux de participation était devenu le seul enjeu du scrutin. La Commission électorale nationale autonome (Cena) avait annoncé 23%. Il sera revu à la hausse par la Cour constitutionnelle et passe à 27%.
Municipales et communales de 2020, cinq partis politiques étaient en lice, mais seuls trois ont pu avoir des élus à cause des nouvelles lois électorales qui imposent aux partis d’avoir 10% de suffrages sur l’ensemble du territoire pour être éligibles à l’attribution des sièges. Aux deux partis Up et Br, s’ajoute la Force cauris pour un Bénin émergent, parti dit de l’opposition mais dont sont partis les opposants radicaux au régime de la Rupture y compris l’ancien chef d’Etat et ancien président d’honneur Thomas Boni Yayi. Là encore, le taux de participation était un enjeu. Il était de 49,14%, plus élevé que celui des Législatives. Mais elle reste une « participation moyenne en raison du Covid-19 et des appels au boycott de l’opposition », avait écrit France 24.
Le 11 avril prochain, les Béninois sont encore appelés aux urnes dans le cadre du 1er tour de la Présidentielle de 2021. Cette élection, tout comme les deux précédentes, est aussi taxée d’exclusive par l’Opposition au régime de Patrice Talon. Trois duos sont en lice, celui du président sortant Patrice Talon, le duo Fcbe, ancien parti de l’ex chef d’Etat Boni Yayi, et un troisième duo composé de membres suspendus du parti d’Opposition Les Démocrates (actuel parti de Boni Yayi) dont la candidate désigné Reckya Madougou a été recalée, faute de parrainage. L’Opposition radicale crie encore à l’exclusion. Dès lors, le taux de participation pourrait s’avérer le véritable enjeu.
C’est dans ces conditions que, saisie d’un recours, la Cour constitutionnelle a pris la Dcc 21-074 du 11 mars 2021, laquelle enjoint à la Céna de tenir compte dans le calcul du taux de participation de l’absence sur la liste de 564 674 personnes qui seraient décédées, selon l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique (Insae), mais qui figureraient toujours sur la Liste électorale. Après l’actualisation du fichier électoral, la Liste électorale permanente informatisée compte 5 millions 523 mille 524 électeurs. C’est de ce nombre que la Cour demande d’enlever 564 674 personnes décédées et de faire le calcul du taux de participation sur la base de la différence, soit 4 millions 958 mille 850.
Des questionnements
Pourquoi maintenant ? C’est la question qui revient à la lecture de la décision de la Cour constitutionnelle. Selon les lois électorales, rappelées dans la décision de la Cour, l’apurement, la correction, la mise à jour et l’actualisation du fichier électoral national se fait chaque année du 1er octobre au 31 décembre. La Liste électorale permanente informatisée est publiée le 15 janvier de chaque année. Les opérations d’apurement concernent la rectification des erreurs matérielles, la radiation suite aux décès. Elle reste valable jusqu’au 15 janvier de l’année suivante, telle établie, sauf les changements qui y auraient été ordonnés par décision de la Cour constitutionnelle. Il en ressort que c’est l’Agence nationale de traitement (Ant) qui, dans son travail d’apurement du fichier, s’occupe des cas des personnes décédées. Elle est censée le faire chaque année. Dans une interview accordée au journal Le Matinal, le régisseur général adjoint de l’Ant Jean-Claude Ahouanvoébla a laissé entendre que ce sont les individus que l’Ant radie. « L’Insae fait du dénombrement. Cela veut dire que de façon déclarative, on dit que telles personnes sont décédées. Or, l’Ant radie individuellement. Si par exemple c’est Feu Mathieu Kérékou, il faut pouvoir le radier au lieu de dire que quelqu’un est décédé dans la famille Kérékou et radier n’importe qui. Les 564 674 constituent un nombre. On ne les connait pas. Mais nous savons qu’il y a ce nombre de décès. Il faut pouvoir coller à ce nombre les personnes décédées. Ce sont les individus que l’Ant radie alors qu’on ne les connait pas », a souligné Jean-Claude Ahouanvoébla, rapporté par le journal Le Matinal du mardi 23 mars 2021.
Si déjà, l’Ant procède individuellement à la radiation de la Liste les personnes décédées, quelle garantie que ces personnes ne font pas partie de l’ensemble des personnes supposées décédées selon les statistiques de l’Insae ? Où se trouve la différence entre l’ensemble des personnes décédées depuis 2011 et les personnes décédées que, annuellement, l’Ant radie individuellement de la Liste électorale ?
Pourquoi depuis 2016 ou tout au moins depuis les Législatives puis les Communales, on n’a pas découvert ce nombre effarant de morts ? Pourquoi c’est subitement à la veille de la Présidentielle où, avec la non participation de l’Opposition radicale, l’enjeu pourrait être le taux de participation ?
Quand on s’en tient à la décision de la Cour constitutionnelle, le vote ou non de ces personnes qui seraient déjà décédées n’est pas le souci, mais tenir compte de ce nombre pour établir le taux de participation à la présidentielle du 11 avril.
Dès lors, on peut se demander l’impact que pourrait avoir l’application de cette décision sur le taux de participation à la présidentielle du 11 avril prochain