Pour faire suite à la mission d’enquête d’un groupe d’experts internationaux en Chine pour enquêter sur l’origine de la Covid-19, l’agence des Nations Unies en charge de la santé a rendu public, mardi 30 mars, un rapport qui soulève plus de questions qu’il ne donne des réponses. Après plusieurs mois de travail, aucune certitude n’a pu être établie concernant l’émergence de Sars-CoV-2. Le scénario le plus probable demeure celui d’une transmission du virus de l’animal à l’homme via un hôte intermédiaire, qui reste à identifier. La thèse d’une fuite d’un laboratoire chinois a été écartée par les auteurs du document mais le chef de l’Oms réclame une enquête conduite par des spécialistes pour s’assurer du bienfondé de la décision.
Au mois de janvier dernier, 34 enquêteurs, 17 experts internationaux et 17 scientifiques chinois, se sont retrouvés à Wuhan pour tenter de déterminer, ensemble, l’origine du virus de la Covid-19. Conformément à la Résolution votée par les Etats-membres de l’Oms durant la 73e Assemblée mondiale de la Santé, l’équipe a étroitement collaboré avec l’Organisation Mondiale de la Santé animale, car l’origine animale du virus ne fait aucun doute.
Parmi les premiers éléments intéressants du rapport, on découvre que la propagation de l’épidémie apparue au mois de décembre 2019 dans la ville de Wuhan était beaucoup plus importante qu’il n’y paraissait. De plus, à partir d’échantillons sanguins collectés à l’époque, il a été constaté que plus de douze différents variants circulaient dans la ville. Ce qui signifie, selon les experts, que la Covid-19 était présente depuis plus d’un mois. On note également qu’il semblerait fort probable que le virus ait déjà été présent en Europe au cours des mois d’octobre et novembre 2019. Ce qui n’est pas étonnant car la capitale de la Province du Hubei, peuplée de près de 11 millions d’habitants, était directement connectée à l’ensemble des grandes villes de la planète.
Sur place, les experts ont étudié quatre possibilités de transmission à l’homme. La première éventualité faisait référence à une infection directe de l’humain par un animal. La seconde envisageait une passation de la chauve-souris à l’homme via un hôte intermédiaire. La troisième étudiait le rôle que pouvaient avoir joué des produits congelés et le dernier scénario prenait en compte la probabilité que le virus se soit « échappé » de l’un des trois laboratoires de recherches basés à Wuhan.
L’étude privilégie la théorie d’une transmission naturelle du virus d’un animal réservoir (probablement la chauve-souris) à l’humain, par l’intermédiaire d’un autre animal pas encore identifié. L’hypothèse d’une transmission par de la viande surgelée est considérée comme « possible », surtout par Beijing.
Bien que d’après le rapport la thèse selon laquelle le virus proviendrait d’un laboratoire soit « extrêmement improbable », le directeur général de l’Oms, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a considéré que « cela demande d’enquêter plus avant, probablement avec de nouvelles missions avec des experts spécialisés ». Cette probabilité avait été défendue par l’administration Trump, se basant, selon ses dires, sur des informations émanant des services de renseignement américains. La Chine a toujours fortement nié cette éventualité.
Il semble que les experts internationaux « avaient fait part de leurs difficultés à accéder aux données brutes » pendant leur séjour en Chine. Le département d’Etat américain a publié un communiqué de presse au moment de la publication du rapport pour exprimer l’attachement des Etats-Unis et de 13 autres gouvernements (Australie, Canada, Tchéquie, Danemark, Estonie, Israël, Japon, Lettonie, Lituanie, Norvège, République de Corée, Slovénie et le Royaume-Uni) à « une analyse transparente et indépendante ».
Ces pays ont exprimé leurs « préoccupations communes concernant le fait que l’étude d’experts internationaux sur la source du virus Sars-CoV-2 a été considérablement retardée et n’a pas eu accès à des données et des échantillons originaux et complets. La représentation de l’Union Européenne à Genève, par la voix de l’Ambassadeur Walter Stevens a estimé que
« le Rapport était un premier pas important », tout en regrettant les retards et les obstacles auxquels les experts ont dû faire face.
Le chef de l’Organisation mondiale de la Santé, a souligné que « ce rapport est un début très important, mais ce n’est pas le mot de la fin ».
Par Catherine Fiankan-Bokonga, Correspondante accréditée auprès de l’office