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Edito: 5 ans c’est 5 ans

Publié le mardi 6 avril 2021  |  L`événement Précis
Élections
© aCotonou.com par Didier ASSOGBA
Élections communales et municipales au Bénin.Quelques images dans un bureau de vote à Abomey-Calavi
Cotonou, le 17 mai 2020.Élections communales et municipales au Bénin.Quelques images dans un bureau de vote à Abomey-Calavi
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Il y a cinq ans Patrice Talon entrait officiellement en fonction. Il serait illusoire de faire le bilan de ce quinquennat, tant il foisonne en réalisations, en promesses mais aussi en controverses. En tant que capitaliste assumé, il a consenti des investissements massifs dans les infrastructures. Les populations savourent l’eau, l’électricité, l’internet à haut débit, la dématérialisation des procédures administratives…Parmi les secteurs qui n’ont rien eu ou presque figurent l’industrie et l’éducation. Pas d’action visible en matière d’industrialisation du pays. Moi personnellement, bien que n’ayant pas voté pour lui en 2016, je m’attendais à ce que le pouvoir Talon lance une grande vague de PME/PMI, qu’une législation spécifique contrôle davantage les importations excessives afin de créer les conditions d’une industrie locale et surtout qu’il mette en place des véhicules financiers pour aider tous ceux qui sont décidés à investir dans ce secteur. A sa décharge, on peut dire que la mise en place en cours de la zone industrielle de Glo-Djigbé est de nature à favoriser la création d’un véritable parc industriel permettant d’absorber le flux des diplômés des centres de formation et des universités. Encore faudrait-il que l’Etat ne se dédouane pas de sa responsabilité de protéger cette pépinière. Actuellement en pleine campagne, Patrice Talon a annoncé ce qui aurait dû être fait depuis cinq ans : la création par l’Etat d’un fonds de capital-risque pour l’industrie. L’implémentation de cette promesse sera une énorme avancée. Si cette politique volontariste est maintenue sur cinq-dix ans, nous serons bientôt un pays exportateur de produits industriels, comme l’Egypte, l’Ethiopie, le Maroc ou encore l’Afrique du Sud.
En matière éducative, le virage vers la professionnalisation est la grande nouveauté. Il se peut qu’elle transforme le Bénin en un pays d’ingénieurs sur les prochaines décennies. S’il fallait donner mon avis sur ce chantier, je recommanderais volontiers que l’on ne forme pas des professionnels zombies, analphabètes aux Humanités et uniquement soucieux de briques, de machines et d’algorithmes. Il nous faut former tout l’Homme, conscient de ses responsabilités de citoyen d’un pays en pleine construction et d’un monde en pleines mutations.
Et c’est sur le plan politique que le chantier reste encore entier. Patrice Talon a fini par réviser la constitution, mais en face son opposition ne reconnait toujours ni cette révision ni les lois électorales qui en sont issues. Bien sûr, cette stratégie de l’autruche dont l’inefficacité n’est plus à prouver, ouvre un boulevard au camp présidentiel qui déroule son agenda. Mais en vérité elle sème comme un vent d’inquiétude dans le pays, à l’approche de l’élection présidentielle du 11 avril. Ce mardi 6 avril, les forces de défense et de sécurité se sont préparées à d’éventuelles émeutes réunissant ceux qui, en dépit de tout bon sens, ne reconnaissent pas la révision et s’attendent à ce que la rue aille déloger Patrice Talon de la Marina. Ce qui n’a pas marché en 2019 ne marchera guère en 2021. A cet égard, l’opposition béninoise semble ne rien apprendre de ses échecs répétés, se fourvoyant en toute bonne foi ici encore. Une fois de plus, elle donne l’impression de prendre ses désirs pour des ordres, mêlant contestation légitime et rébellion à la loi, le tout dans un imbroglio inqualifiable. Même les anti-Talon les plus lucides se posent encore une question : même s’il faut que Talon parte, est-ce à cette racaille qu’il faut laisser la gestion du pays ?
Au plan économique, disons-le, les efforts de dématérialisation de l’administration ont réduit considérablement la petite corruption. Je n’en dirai pas autant de la grande corruption, d’autant que la loi du silence qui règne désormais au sein de cette administration empêche les esprits curieux d’en savoir davantage sur ce qui se passe derrière les rideaux épais des passations de gros marchés publics. Un jour, peut-être, nous saurons la vérité…
Cette loi de l’omerta frappe aussi les médias de service public. J’avais vraiment espéré que l’avènement de la révision constitutionnelle permette de rendre l’ORTB, La Nation et l’ABP indépendants des pouvoirs publics. Aucune avancée sur ce front, sinon un resserrement de l’étau. Demain n’est pas la veille de ce changement, puisque tous les pouvoirs finissent par voir la liberté de presse comme une menace.
Au total, Talon a encore cinq bonnes années pour rattraper ses erreurs. Et si ses adversaires continuent de penser qu’ils ramasseront le pouvoir par un soulèvement populaire, ils attendront encore longtemps.

Par Olivier ALLOCHEME
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