Peintre sculpteur, Victorien Philippe Abayi est le président de la Fédération des associations professionnelles des plasticiens et graphistes du Bénin. Il a initié plusieurs activités au profit de la promotion des arts plastiques et des acteurs de cette discipline artistique. Ce qui fait de lui, un acteur culturel actif et connu. A ce titre, il dévoile dans cet entretien, les attentes des artistes plasticiens du prochain Président de la République. Lire l’intégralité de l’entretien
L’Evénement Précis : Quelle est votre appréciation des réformes opérées dans le secteur culturel en général et dans votre discipline artistique en particulier ?
Victorien Philippe Abayi : Je crois que lorsqu’on parle de réforme, on doit s’attendre à une amélioration de ce qui était. Il faut reconnaître là-dessus, que certaines pratiques, comportements, procédures d’exécution et autres ont connu un assainissement remarquable et positif en termes d’allègement et de célérité dans divers domaines de l’administration publique dans le pays. Touchant au secteur culturel dans lequel j’évolue, beaucoup de réorganisations sont en cours, mais il me manque pour l’instant d’éléments plausibles pour attester déjà, des impacts positifs visibles de telles et telles réformes sur la vie professionnelle de la majorité des acteurs. Néanmoins, on observe dans le domaine spécifique des arts plastiques une volonté affichée au plus haut niveau, de faire des arts plastiques contemporains un moyen de création de richesse à même d’apporter une plus-value au tourisme et à l’économie nationale. Ce qui s’est traduit par la création de l’institution « Agence Galerie Nationale » mise en route par le Président sortant Patrice Talon, lui-même esthète et passionné d’art avec un programme conséquent pour poser les jalons d’une meilleure promotion de cette filière d’impacter positivement le tourisme et l’économie nationale. Si le réalisme conduit à surtout espérer la poursuite de ce programme important du Président Talon, il importe pour nous de signaler ou de dire tout simplement au prochain Chef d’Etat qui prendra prochainement les rênes de notre pays pour les cinq années à venir qu’il y a matière à poursuivre rigoureusement cet important programme, mais aussi de savoir que les plasticiens doivent être formellement mis à contribution conformément aux prescriptions de l’article 28 de la loi 91-006 du 25 février 1991 portant Charte culturelle en République du Bénin qui prescrit que « les budgets de tout édifice et espace publics doivent comprendre une part réservée à la décoration artistique », et qui sont depuis 30 ans en attente de la prise du décret et autres textes d’application de cette disposition de la Loi. Deuxièmement, il doit aussi subvenir au manque criard que trainent les professionnels du secteur des arts plastiques depuis les indépendances à ce jour en matière d’infrastructures et de programme national de formation, de promotion et de diffusion des créations d’œuvres plastiques dans au Bénin et qui met en difficultés presque permanentes. Et troisièmement, il doit fouetter leur créativité et une production de qualité compétitive par la prise d’un décret d’exemption de taxes pour un temps précis à l’image de celui qui a favorisé et promu l’usage il y a quelques années, des outils informatiques dans tous les secteurs d’activité, en prenant une décision pour exempter de taxes d’importation les matériels et outillages d’artiste aux fins de faciliter un travail de qualité dans la chaîne de production chez les artistes et artisans pour un nombre d’années à définir. Cela aura le mérite de familiariser les créateurs en arts plastiques et artisanat d’art avec les outils professionnels pour une production de qualité professionnelle sur le marché national et international dans une échelle de rentabilité et de contribution à l’économie nationale.
Quelles sont alors les activités concrètes que l’Agence Galerie Nationale peut mener pour mieux valoriser le secteur des arts plastiques et ses acteurs ?
C’est vrai que l’AOF de certaines structures n’est pas systématiquement accessible au lendemain de leur création, sinon je pourrais m’appuyer sur le cahier de charge de cette Agence pour dire avec précision un certain nombre de choses. Mes investigations ainsi que mes échanges de quelques minutes avec la Directrice de l’Agence me font penser que le prochain Chef d’Etat doit maintenir et poursuivre le travail de l’Agence Galerie Nationale qui a déjà commencé par poser depuis quelques mois, les jalons nécessaires pour un travail pratique. La constitution d’une collection d’œuvres sublimes créées par les artistes plasticiens béninois, et les actions et programmes de promotion des créateurs nationaux au plan national et international, au-delà du fait qu’on pourrait craindre un conflit d’attribution avec la Direction des Arts et du Livre (DAL), se révèlent utiles. Surtout le rôle qu’elle peut jouer dans l’avènement des infrastructures architecturales que moi je souhaite “personnalisées” typiques de la culture béninoise de par leur symbolisme comme le bâtiment de la Galerie Nationale, du musée d’arts contemporains, de l’école ou institut de formation en arts et métiers que tout cela puisse voir le jour sous peu et permettre d’offrir une formation et de meilleurs outils à nos plasticiens en matière de connaissances, de tenir avec leur créativité sur le marché international surtout. Il importe de remarquer aussi que la constitution d’une collection nationale de chefs-d’œuvre d’artistes nationaux par le biais d’un programme annuel l’acquisition systématique de protection et de valorisation du patrimoine national permet à l’Etat de jouer désormais son rôle de consommateur de la production locale et de conservateur de premier plan dans le pays. Aussi, l’option de publication et de reconnaissance nationale annuelles ou biannuelles avec l’édition d’un catalogue et l’attribution de distinctions nationales aux meilleurs plasticiens béninois ayant marqué une période donnée par la qualité de leurs travaux pourront permettre de promouvoir l’Excellence, de rendre disponibles des données actualisées sur la production nationale au profit de nos étudiants, chercheurs en histoire de l’art et autres passionnés d’arts contemporains. Ce que nous devons retenir c’est qu’on le veuille ou non, un artiste qui brille par son talent à l’international est un ambassadeur par excellence qui révèle une certaine image de son pays au monde entier. Donc, le Bénin sera davantage révélé à travers les arts plastiques plus que par le passé. C’est du moins pour ce que je perçois. Il est vrai qu’au titre des réformes, il faut être aussi patient et conscient de ce que tout ne se passe pas du jour au lendemain. Paris n’étant pas construit en un seul jour. Mais il y a quand même des signaux qui ne trompent pas. Ce qui est sûr, le Président Patrice Talon a déjà engagé quelque chose et il faut espérer que cela porte ses fruits. S’il arrive à décrocher le second mandat, c’est tant mieux pour nous dans le secteur. Et si c’est quelqu’un d’autre qui arrivait, alors là, il faudra s’attendre, sait-on jamais, à un nouveau programme qui va prendre d’abord le temps de s’installer avant que l’exécution ne soit amorcée. C’est vrai qu’une certaine ambition habite les autres aussi, mais personnellement je souhaite qu’il y ait une cohérence dans notre évolution afin que nous puissions continuer d’écrire harmonieusement des pages lisibles, visibles, profitables aux acteurs au secteur des arts plastiques et aux artistes que nous sommes. En parlant de distinctions tout à l’heure je voudrais qu’avec nous, le prochain Président de la République puisse concevoir désormais que nous n’allons plus attendre la mort des talentueux artistes de notre pays pour les célébrer. Aussi, un programme conséquent d’« aide à la création » qui est une expression consacrée, car la notion « d’aide » ne devrait déranger en rien si ce n’est l’apport de l’État aux créateurs d’œuvres de l’esprit dans le processus de recherche et de production au profit des acteurs de ce secteur doivent être reconsidérés et recommandés à un guichet un spécifique “d’aide” pour soutenir la création plastique et lui garantir une efficacité dans le processus mis en route par le gouvernement sortant qui pourrait le poursuivre si tout va bien, les jours à venir. Je voudrais souhaiter aussi, et là, je mets mon manteau de Président de la Confédération Béninoise des Acteurs des Arts et de la Culture (CBAAC) pour dire et marteler l’importance d’une politique nationale qui nécessite que le prochain chef d’Etat investisse dans la promotion de toutes les filières artistiques afin que le Bénin puisse profiter du talent et de la richesse de son riche patrimoine et apporter en dépit des ressources minières inexistantes un plus à l’économie à partir des Arts plastiques, graphiques et numériques, du théâtre et des arts de l’oralité, de la Littérature, du Cinéma, de la Musique, de la Danse, et de la Mode vestimentaire et du design, pour révéler le Bénin au monde entier et rentrer des devises pour l’économie nationale. Pour conclure, je pense que le prochain Chef d’Etat doit éviter de promouvoir une quelconque discrimination dans le strict domaine de la création artistique professionnelle. Il n’existe pas une création jeune d’un côté et une autre vielle de l’autre. Toutes les créations contemporaines qui nécessitent une promotion pour être connues appartiennent à la “Jeune création”. Ça ne sert à rien de rechercher quelques innovations dans un secteur ou l’âge, la couleur politique, la religion ou le sexe n’a aucune influence sur la créativité. Que “Jeunes” et “aînés” se battent pour créer, innover pour mériter. C’est ce qui nourrit l’effort d’excellence au travail artistique. Enfin, le prochain chef d’État doit se convaincre de favoriser la création d’un environnement favorable à l’exercice du métier d’artiste et l’éclosion de véritable marché de l’art tandis que nous acteurs professionnels gagnerons à faire le sacrifice nécessaire pour mieux s’organiser à accompagner l’Etat dans l’assainissement du secteur culturel pour la mise en route sans délai de la Maison de l’Artiste et favoriser l’application du Statut de l’Artiste dont le décret est pris depuis 10 ans. Le fonctionnement de ces institutions indispensables pour les acteurs culturels ne servira à rien si une vraie politique de lutte contre la piraterie des œuvres sous toutes ces formes ne préoccupe quotidiennement l’État qui doit engager la perception des redevances pour Copie privée aux fins d’aider la Direction du Bureau Béninois du Droit d’Auteur dans ses tâches envers les artistes qui doivent avoir un minimum de quiétude pour travailler et s’assumer.