Au Bénin, la période avant et après le 11 avril 2021, jour du scrutin présidentiel, a été vécue sans coupure de l’internet. Pour nombre de consommateurs et d’observateurs qui retenaient leur souffle, ce fut un événement tant les législatives de 2019 ont laissé un triste souvenir dans les esprits. Pourtant la coupure de l’internet lors de manifestation ou temps d’élection, qui se répand sur le continent africain comme un effet de mode, ne doit pas être la solution.
Dimanche 21 mars 2021, jour d’élection présidentielle, au Congo-Brazzaville, l’accès à Internet, aux Sms et aux réseaux sociaux a été coupé. Les autorités nient en être à l’origine. « Le gouvernement a l’habitude d’assumer ses actes. S’il avait décidé d’une coupure, il l’aurait fait à ciel ouvert et n’a aucun commentaire à faire sur d’éventuelles perturbations du réseau », a déclaré à Rfi, le porte-parole du gouvernement Thierry Moungall. Au Niger, la connexion internet qui avait été coupée sur une douzaine de jours suite aux violences post présidentielle consécutives à la proclamation des résultats provisoires par la Céni, a été rétablie dans la nuit du 5 mars 2021. Le pays n’était pas à son premier coup. En janvier 2015, à l’occasion de manifestations à Niamey en réaction à la publication des caricatures de Charlie en France, les réseaux sociaux ont été coupés. Les autorités nigériennes ont justifié une telle décision de censure par le fait qu’elles voulaient éviter « de nouveaux débordements haineux », faisant référence aux attaques anti-chrétiens. A l’instar du Niger, le Tchad a connu aussi plusieurs fois de coupure du réseau internet. La dernière en date est celle de fin février 2021 intervenue après des affrontements au domicile d’un des opposants, candidat à la présidentielle, avec à la clé deux morts et des blessés. Début mars 2021, à la suite de l’arrestation du principal opposant au pouvoir en place au Sénégal, des perturbations et coupures d’internet ont été signalées. En 2020, précisément le 23 octobre, veille de la proclamation officielle des résultats provisoires de l’élection présidentielle consacrant le troisième mandat du chef de l’Etat guinéen en exercice, Internet et appels internationaux ont été coupés. « Bonjour. Un incident a été constaté sur nos sorties à l’international impactant plusieurs de nos services. Des investigations sont en cours », s’en excusait un des opérateurs de téléphonie. Mais ces explications n’ont pas convaincu les Guinéens qui ont plutôt vu en cet acte une manœuvre du pouvoir.
A ces pays où des restrictions quant à l’accès à internet et aux réseaux sociaux ont été enregistrés, il faut ajouter le Bénin lors des législatives qualifiées d’exclusives et contestées par l’opposition le 28 avril 2019 ; la République démocratique du Congo avec la suspension des services internet et Sms observée le lundi 31 décembre 2018 alors que la veille, jour du scrutin présidentiel et provincial, aucune perturbation n’a été signalée ; puis le Togo lors des protestations contre le projet de modification constitutionnelle. Pour Glory Cyriaque Hossou, Juriste à Amnesty international et s’occupant des médias et de la surveillance des droits de l’homme au Bénin, les raisons invoquées par des Etats pour justifier la coupure de l’internet ne tiennent pas la route. « Ces raisons, je vais faire la tautologie, n’ont pas de raison d’être. Il n’y a pas de raison pour couper l’internet. Rien ne peut justifier la coupure de l’internet le jour, avant le scrutin ou même après le scrutin. Il n’y a pas un temps propice pour le faire, en réalité », se désole-t-il quand bien même il n’est pas sans reconnaître le souci des dirigeants. « Il ne faut pas également balayer d’un revers de main les raisons évoquées par les gouvernants et dire que ça n’existe pas. Peut-être que ça existe les fausses nouvelles sur les réseaux sociaux. Mais ce n’est pas parce que ça existe qu’il faut couper l’internet, empêcher les gens de s’exprimer ; parce que quand on va couper l’internet, on va voir que l’effet qu’on obtient quand on coupe l’internet est tellement dévastateur que l’effet qu’on pourrait obtenir quand on va laisser l’internet » souligne M. Hossou. L’ancien président du forum sur la gouvernance de l’internet au Bénin, Ingénieur en gestion de projets informatiques puis Administrateur des systèmes et réseaux, Franck Kouyami, va d’ailleurs abonder dans le même sens, concédant à l’Etat sa légitimité, son pouvoir régalien à vouloir protéger la sécurité nationale, les populations face à certaines situations : « Oui, parfois dans certains cas, on n’en arrive, même au niveau national, en terme de sécurité réseau par exemple, dans certains cas où vous subissez des attaques et vous avez besoin vraiment de mettre le holà pour pouvoir prendre du recul et bien comprendre, qu’est-ce qu’on dit aux gens ? Mais coupez votre arrivée à internet si l’attaque vient de l’extérieur. Et donc, dans l’urgence on va débrancher tout et on attend d’avoir une meilleure image ». Cependant, Franck Kouyami nuance : « Ce que nous, nous avons toujours dit, c’est l’expression de cette légitimité-là. Aujourd’hui, par exemple cette légitimité s’exprime dans la réalité par exemple quand il y a des troubles à l’ordre publics, on peut bloquer temporairement l’accès à une voie, on peut mettre en place un dispositif qui empêche les citoyens d’emprunter ce couloir de circulation-là. On peut fermer un couloir de circulation, une route à la circulation le temps de régler un problème. Mais aujourd’hui internet est un outil qui est devenu holistique, qui est devenu global, qui est devenu nécessaire à l’information (…). Donc aujourd’hui le rôle d’internet dans nos sociétés, ce rôle est consacré par le Programme d’action du gouvernement, qui a un volet complètement consacré au développement d’internet et du numérique, qui a fait du numérique aujourd’hui le socle de son action, Vous en voulez pour preuve la digitalisation de nombreux services d’intérêt public : obtention de visa, délivrance des passeports, casier judiciaire. On a même un ministère spécifique dédié au numérique et à la digitalisation. C’est la preuve quand même de l’importance du numérique et d’internet parce que vous ne pouvez pas faire du Numérique sans internet aujourd’hui. Donc aujourd’hui le rôle d’internet, la place d’internet dans nos sociétés est telle que différents organes même au plan international ont consacré le droit d’accès à internet ». Il cite, en effet, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. « Ces deux instruments-là ont consacré le rôle d’internet, la place d’internet dans nos sociétés pour dire c’est fondamental. Le droit d’accès à internet est aussi fondamental que le droit d’accès à l’information. Il est un des garants du droit d’accès à l’information, et donc par extension, de la participation libre à l’animation de la vie publique. Donc, est-ce que l’Etat est légitime à prendre les mesures nécessaires pour préserver la sécurité nationale, ainsi de suite ? Oui ! Mais est-ce que l’expression de ce droit-là via la coupure d’internet, la restriction d’accès aux réseaux sociaux, le bridage de trafic, est légitime ? Pour ma part, je pense que non », fait savoir l’ancien président du forum sur la gouvernance de l’internet au Bénin.
Ce que disent les textes en terme de droits ?
« Tout est bien défini dans le droit international. C’est l’article 19 du Pacte sur les droits civils et politiques (1966) qui aborde la question du droit d’accès à l’information, de la liberté d’expression. On a dit que nous avons tous le droit d’accès à l’information et le droit de nous exprimer et de répandre l’information par tous les canaux possibles. Et on a dit que les droits qui bénéficient d’une protection hors ligne doivent bénéficier de la même protection en ligne. Il n’y a pas de différence à faire. Donc il est important que les Etats, dans leur élan de légiférer pour contrôler la propagation des fausses nouvelles, tiennent compte de ces exigences internationales qu’ils sont eux-mêmes aller librement ratifiés. La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples prévoit également l’accès à l’information et de diffuser par tous les canaux possibles », souligne l’activiste des droits humains, Glory Cyriaque Hossou, qui en profite pour relever certaines anomalies : « Mais aujourd’hui, ce qu’on voit, il y a des dispositions dans le Code du numérique qui criminalise l’expression. Au lieu de chercher à lutter contre les fausses nouvelles, on a plus criminalisé l’expression avec des dispositions qui ne sont pas suffisamment claires alors qu’on dit normalement en droit et dans le domaine de la légistique que la loi doit être suffisamment claire pour éviter tout quiproquo. Quand la loi que vous avez n’est pas suffisamment claire et est une loi qui est vague, vous avez la latitude et vous donnez la latitude au juge de donner l’interprétation qu’il veut au contenu de la loi. Et vous aurez droit à des sanctions totalement disproportionnée. Les gens peuvent écrire sur internet et faire la prison. On est tous d’accord qu’il faut travailler à éradiquer les fausses nouvelles mais il faut bien penser la thérapie ».
Conséquences d’une coupure d’internet
Au-delà de ce que beaucoup d’observateurs pensent qu’une coupure d’internet jette du discrédit sur le pays concerné et laisse présager des pratiques non démocratiques et des intentions floues sur un processus électoral, par exemple, Glory Cyriaque Hossou de Amnesty International s’attarde plutôt sur les droits des consommateurs souvent violés par ces agissements. « Les victimes perdent plusieurs droits fondamentaux à cause de la coupure de l’internet. D’abord, ils n’ont plus droit à l’information. Et nous qui devons lutter contre les fausses nouvelles, on va contribuer à rendre plus virales les fausses nouvelles parce que quand vous allez restreindre l’accès aux réseaux sociaux, les informations que la personne arrive à télécharger avec le débit qui est très lent, peut-être que c’est une fausse information mais lui, il ne sait pas. Il n’a pas le temps de vérifier parce que internet à ce moment précis était tellement lent qu’on ne pouvait pas vérifier. Et donc peut-être qu’il va partager et ça va prendre une autre ampleur. Là, au lieu de lutter contre la propagation des fausses nouvelles en restreignant l’accès aux réseaux sociaux, on va contribuer à propager les fausses nouvelles », déplore-t-il. Il poursuit : « Également il y a le droit à la liberté d’expression parce que quand on coupe internet, personne ne peut communiquer. Vous vous rappelez le 28 avril 2019. Personne ne pouvait envoyer de message à ses parents, à ses amis, à ses collègues de bureau… Et les journalistes ont les plus souffert pendant cette période parce qu’ils ne pouvaient plus publier d’information sur l’internet, les médias en ligne ne pouvaient plus travailler également. Donc c’est une pratique qui viole les droits fondamentaux des êtres humains d’abord. Et quand on va catégoriser, on va voir les journalistes qui sont les plus victimes de ces pratiques-là. Aussi, on a vu qu’avec l’avènement des réseaux sociaux, des réunions de famille ne se tiennent plus physiquement. Les gens arrivent à faire leur réunion sur WhatsApp. On dit dimanche à 17h, on fait la réunion familiale. Tout le monde va se connecter et on fait la réunion. Ce jour-là, les gens ont été empêchés de faire leur réunion. Et là c’est la liberté de réunion qui a été restreinte. Il est important de le savoir, couper l’internet viole les droits fondamentaux de la personne humaine. Et je pense que les gouvernants le savent aussi ». Pour ce qui est des conséquences du triste souvenir d’avril 2019, Franck Kouyami en ajoute à la liste. « Dans les conséquences, j’aimerais évoquer le cas des personnes qui essayaient de faire leur check-out à l’hôtel, qui devaient voyager et qui n’arrivaient plus à utiliser leur carte visa, leur Mastercard, American Express, ainsi de suite, qui n’a simplement plus marché ; ou des gens qui étaient au guichet pour retirer de l’argent mais qui n’arrivaient plus à le faire. Et tout ce monde qui s’est retrouvé au désarroi, simplement parce que l’outil de base qui sert à la communication entre ces différents terminaux et les Banques centrales ou les banques primaires ou les institutions financières mères ne fonctionnaient plus. Internet était coupé… Vous avez par exemple toutes les start-up à l’époque qui essayaient de faire du commerce électronique, des gens qui avaient des conférences, des gens qui avaient des activités en ligne, je ne vais pas uniquement parler des journalistes. Mais je parle de tout ce pan de l’économie numérique qui a été mis aux arrêts à partir de 11h-midi simplement parce que l’outil de base qu’est internet a cessé de fonctionner ». Franck Kouyami ajoute : « L’élément absolument dramatique sur le plan psychologique d’une coupure d’internet au Bénin, c’est que toute forme de communication est suspendue et vous vous retrouvez à la merci du bouche à oreille, du qu’en dira-t-on des différentes rumeurs qui peuvent éclore dans votre environnement immédiat des gens qui viendront alarmer mais vous n’avez aucun moyen de vérifier l’information, et donc vous vivez dans l’anxiété jusqu’au moment où vous retrouvez le canal d’information ».
Des moyens de contournement
En cherchant à savoir s’il existe des moyens pour contourner les Etats en cas de coupure d’internet, l’Administrateur des systèmes et réseaux, compare cette coupure à une panne d’essence. « Si on coupe internet, c’est qu’on a coupé internet », dit-il avant d’affirmer, cependant, qu’au regard de l’expérience de 2019, les Béninois sont suffisamment avertis sur l’utilisation des technologies VPN, satellitaires ou des cartes Sim de pays voisins pour les consommateurs proches des zones frontalières. Mais Franck Kouyami doute de l’efficacité de tout cela quand il s’agit d’une coupure de la plupart des services liés à internet. « Dans ce genre de situation où vous avez l’accès, le couloir principal même de circulation de l’information qui est indisponible pour une raison ou une autre, votre opérateur lui-même sa connexion internet ne marche plus. Donc, une fois qu’internet est coupé, c’est coupé. Vous ne pouvez plus communiquer. A moins que vous n’ayez installé une connexion satellitaire. Auquel cas, vous avez fait une déclaration au moins à l’Arcep sinon vous êtes dans une illégalité la plus complète », déclare-t-il. Selon lui, « la seule mesure palliative, c’est la sensibilisation, c’est l’information et c’est le plaidoyer ». Glory Hossou propose pratiquement la même thérapie : « Il y a des moyens bien plus adéquats qu’il faut utiliser pour lutter contre la propagation des fausses nouvelles. A chaque fois, on ne cessera jamais de le dire. Ce qu’il faut et ce qui est fondamental, et qui a montré ses preuves, c’est l’éducation numérique. Il faut outiller les gens à l’utilisation à bon escient les réseaux sociaux quand on est sur l’internet ; apprendre aux gens comment on arrive à débusquer les fausses nouvelles. Quand on est en présence d’une fausse nouvelle, quel est le comportement à adopter. Je pense que si les gouvernements mettaient tous leurs efforts à former les gens ou à informer les gens sur comment on arriver à débusquer les fausses nouvelles, on va contribuer sérieusement à réduire la propagation des fausses nouvelles ». Il s’est voulu plus explicite : « Il n’a jamais été dit de ne pas poursuivre ceux qui publient les fausses informations ou de fausses nouvelles. Celui qui publie une fausse information est punissable. Mais c’est la nature de la sanction que nous remettons souvent en cause. Ce qui est important ici, il faut plus investir dans l’éducation que dans la répression parce que la répression ne fera qu’accentuer ce climat de peur et de censure dans le pays ou dans les Etats. Alors que quand vous investissez dans l’éducation, vous prenez plus de temps à expliquer aux gens comment est-ce qu’on arrive à identifier une fausse information d’une vraie information (…). Egalement, vous pouvez le faire à travers les lois en prenant des lois qui respectent les engagements internationaux, c’est-à-dire ne pas criminaliser l’expression. Quand on dit que quelqu’un a publié une fausse nouvelle, il faut être en mesure de qualifier la fausse nouvelle, de montrer les différentes étapes qui amène à qualifier une information de fausse nouvelle, et de prévoir la sanction qui doit être une sanction proportionnelle. Si la sanction est disproportionnée, ce n’est pas du tout la peine. L’effet escompté, on ne l’aura pas. Ce qui m’amène à revenir sur la notion de la sécurité nationale et la notion d’ordre public. C’est des notions valises, qui ne sont pas suffisamment bien définies, dans lesquelles on peut tout mettre. C’est-à-dire ce qui paraît aujourd’hui comme atteinte à l’ordre public ici aujourd’hui, peut ne pas dire la même chose ailleurs. Donc il faut arriver à bien définir ces notions ».
Le Togo et le Soudan : des cas qui doivent faire école
Sur la coupure de l’internet au Bénin lors des législatives du 28 avril 2019, les uns et les autres se désolent du silence et du flou qu’il y a eu jusque-là autour. C’est le cas de l’ancien président du forum sur la gouvernance de l’internet au Bénin, Franck Kouyami qui continue s’interroger : « Pour 2019, il n’y a eu aucune communication pour expliquer pourquoi on en est arrivé là. Ce qui fait que moi, jusqu’à présent je ne fais qu’émettre des conjectures sur la façon dont ça s’est mis en place. Je ne peux que supposer de ce qui nous a conduits à ces extrémités-là. Qui a coupé internet ? C’est une question que je pose et que j’ai toujours posé à tous les interlocuteurs. Ou est-ce que la décision a été prise au regard de quels éléments ? Bien sûr qu’il y a des éléments que vous ne pouvez pas communiquer de façon publique, mais il faut au moins expliquer quelque chose pour qu’on comprenne pourquoi on en est arrivé là, pourquoi il y a un opérateur qui a pu fournir internet et ensuite a été dans l’incapacité de poursuivre cette fourniture ? Comment faire pour qu’on n’en arrive plus là ? ». Ces questionnements posent un problème de droits fondamentaux de la personne humaine et il faudrait que dans ces genres de situation, le citoyen ou le consommateur puisse agir, puisse se faire entendre. Les Togolais ont montré le chemin sur un cas similaire à celui du Bénin. Glory Hossou de Amnesty International explique et exhorte : « En 2019, il n’y a pas eu véritablement d’action en justice. Il faut inquiéter l’Etat quand l’Etat coupe internet également ; c’est-à-dire poursuivre l’Etat en justice parce que l’Etat en le faisant viole les Conventions internationales. Et quand on parle de Convention ou de Traité, ça a un caractère contraignant, et ils le savent. Donc l’Etat est obligé de mettre en œuvre et d’observer ces dispositions. Quand l’Etat ne le fait pas et on est dans le cas du Pacte sur les droits civils et politiques et les Conventions africaines, qui ont une nature contraignante, l’Etat a l’obligation de ne pas violer les droits fondamentaux contenus dans ces documents. Mais quand c’est arrivé, les citoyens ont la possibilité d’ester en justice contre leur Etat. C’est ce que les Togolais ont fait en 2018 pour la coupure de l’internet observée en septembre 2017 lors de la marche de l’opposition dans le pays ». Il poursuit en renchérissant : « Mais chez nous, en 2019, il n’y a pas eu véritablement une judiciarisation du contentieux. On a entendu un groupe d’Avocats ester en justice mais après, jusque-là on ne sait pas encore à quel niveau ils sont dans la procédure. Ça aurait été un cas qui aurait pu porter et nous donner des réponses claires et obliger celles et ceux qui ont contribué à couper l’internet le jour-là, à prendre des engagements de non répétition. Malheureusement… Mais ce que je voulais dire et qui est important, c’est arrivé dans d’autres pays de l’Afrique. Au Soudan par exemple il y a un Avocat qui a pu ester en justice un opérateur de téléphonie qui avait coupé internet, et la justice a demandé à l’opérateur de rouvrir internet à cet Avocat. On sait que si on rouvre internet à cet Avocat-là, on rouvre à tout le monde. C’est un cas isolé mais c’est une bonne pratique qu’il faut enseigner aux gens. Il faut montrer en réalité aux autorités qu’elles n’ont pas le droit de le faire, et si elles le font, elles doivent nous fournir des explications. Elles ont l’obligation de nous informer à l’avance des perturbations qu’il pourrait y avoir. Et de conclure : « Pour le cas du Bénin, on n’a pas eu d’information préalable, c’est arrivé et quand c’est arrivé, on n’a pas eu d’explication… Il faut déjà vaincre la peur et saisir la justice contre l’Etat… Au Togo, en 2018, elles étaient sept organisations plus une journaliste à avoir convoqué le Togo devant la Cour de justice de la Cedeao. Et, un an après, c’est-à-dire en juillet 2019, la Cour de justice de la Cedeao a fini par dire que la coupure de l’internet en septembre 2017 au Togo était injustifiée et contraire aux exigences internationales et qu’en le faisant, ils ont violé les droits fondamentaux de la personne humaine. C’est un cas inédit en Afrique de l’ouest. Et là on est en train de suivre s’ils pourront mettre ça en application et si aux prochaines élections ou aux prochaines manifestations ils vont couper, à nouveau, internet. Et c’est une Cour de justice qu’on peut saisir sans épuiser les voies de recours au plan interne. Il faut juste avoir un Avocat qui vous soutienne. Vous allez, vous déposez votre recours devant la Cour de justice, vous ne dépensez aucun franc… Même le cas de 2019 au Bénin n’est pas exclu, on peut toujours ester en justice. Il suffit juste d’avoir la volonté et vaincre la peur ».
Jacques BOCO
Wanep-Bénin et Crystal news pour zéro coupure d’internet
C’est le jeudi 8 avril 2021, avant-veille du scrutin présidentiel, que Wanep-Bénin en collaboration avec la web radio Crystal news ont organisé à l’Infosec de Cotonou cette causerie sur le thème : « Coupure d’internet au Bénin : causes, conséquences et mesures palliatives ». Autour du journaliste et modérateur des échanges, Vincent Agué, il y avait Glory Hossou de Amnesty International et l’ancien président du forum sur la gouvernance de l’internet au Bénin, Franck Kouyami. Pour Virgile Ahouansè, Responsable de Crystal news, cette activité s’insère dans un projet qu’appuie financièrement Osiwa. « Nous sommes partis du constat que nous sommes dans une élection particulière. Les médias doivent rester dans ce rôle d’information, de servir du contenu au public et non faire uniquement de la propagande. Nous avons pu mettre en place ce projet d’ouverture médiatique dans le cadre de cette présidentielle. C’est-à-dire que nous avons un certain nombre de médias, pas que Crystal news, (…) pour aller chercher, pour le public, les informations qui ne pourraient pas être servies dans les autres médias qui font dans la propagande ; les informations que certains acteurs politiques ont intérêt à cacher, pour servir le public dans le rôle traditionnel des médias », a-t-il laissé entendre.